Numérique / Territoires

Comment réussir la fibre ou comment transformer la fibre pour transformer les territoires ? Juin 2022

À l'heure où certains territoires - notamment ceux des RIP - achèvent leur couverture intégrale en fibre optique, les travaux des colloques TRIP de l'Avicca devraient se concentrer sur les actions à mettre en oeuvre pour assurer la parfaite transformation numérique de notre pays. Mais ces chantiers essentiels sont encore et toujours relégués par le sujet du raccordement FttH en mode STOC qui continue de polluer le paysage.

  • " Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés "...

C'est donc hélas sans surprise que la table ronde qui a suivi la présentation de l’Observatoire du THD a consacré une grande partie des débats à la qualité des réseaux. Comme l'a souligné la Présidente de l'Arcep, " aujourd’hui, [...] on ne peut pas dire qu’il y ait véritablement d’améliorations ". Et Laure de La Raudière d'ajouter que le problème est généralisé, même si les clients n'en subissent pas toujours directement les conséquences : " partout, même sur les réseaux peu accidentogènes, on a des PM qui ne sont pas fermés, ou fermés avec un scotch, des cordons qui ne sont pas retirés, etc. C’est-à-dire que les pratiques des intervenants sur le réseau ne sont pas suffisamment rigoureuses ". Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés...

L'Etat, le régulateur ayant emboîté les démarches des collectivités ont exigé de la filière un plan d'action à la hauteur. Et c'est à Philippe Le Grand, président d'InfraNum, qu'est revenue la charge de présenter les 3 axes de ce plan : labellisation des prestataires, fourniture des plannings d'intervention et documentation du CRI. Ce plan devrait être finalisé selon Philippe Le Grand pour la fin du mois de juin.

Pour Patrick Chaize " on ne peut pas se permettre de dire que l’on verra cela dans un an ou 18 mois, une fois que tout sera fini ". Et le président de l'Avicca d'ajouter regretter de ne pas avoir entendu parler du problème de partage de la valeur : " quand, sur le terrain, il y a tout au bout de la chaîne un intervenant qui est payé à coup de lance-pierres pour une prestation complexe et essentielle, cela ne peut pas fonctionner ".
 

  • Le 100% (ou presque) raccordable en zone RIP est acquis, mais pas encore le 100% raccordé

Laurent Rojey, directeur général délégué au numérique de l'ANCT, a confirmé que l'Etat avançait bien sur le financement du 100% FttH en zone d'initiative publique : " [...] depuis le début du plan, ce sont 85 conventions qui ont déjà été signées et 1,3 milliard d’euros qui ont été décaissés sur les réseaux d’initiative publique  ". Hormis Mayotte, le 100% de raccordable est acquis pour les RIP.

Ce n'est pas aussi évident pour la zone d'initiative privée, même si le régulateur a entrepris des démarches de contrôle de certains engagements L33-13 des opérateurs privés, d'une part, et du respect de la réglementation s'agissant de la complétude, d'autre part " avec l’objectif d’aménagement numérique complet du territoire en tête ". En effet, demeure le problème de la zone très dense où " l'Arcep n’est pas en mesure aujourd’hui d’obliger les opérateurs à assurer la complétude ". Mais Laure de la Raudière de préciser que " pour pouvoir fermer le réseau cuivre commercialement, il faut la présence de la fibre. Pour l’instant, en zone très dense, il n’est donc pas question de fermer le réseau cuivre s’il n’y a pas la fibre !"

Pour le 100% raccordé, c'est une autre histoire. Si Laurent Rojey a rappelé que l'appel à projets pour les raccordements complexes avait bien été lancé par l'Etat début avril, InfraNum et l'Avicca ont convergé pour souligner l'insuffisance des moyens mis en oeuvre et la trop grande limitation des prises subventionnables. Du côté de la Banque des Territoires, son directeur des investissements transition numérique, Antoine Darodes, avance que le premier problème est l'absence de génie civil utilisable pour les raccordements, et la trop grande proportion d'appuis aériens. Il y a d'une part " un besoin de réinvestissement massif sur ce génie civil dans les derniers mètres pour permettre de réaliser ces raccordements ", et, d'autre part, les aléas climatiques qui concernent " dans les RIP, entre 25 et 35% des prises ". Enfouir est donc nécessaire, mais il faudra des investissements conséquents sur la durée. Et Antoine Darodes de préciser que " la Banque des Territoires est prête à mobiliser du financement de long terme pour apporter une partie de la solution à ces deux problèmes ".

 

  • " La dépéréquation est une menace véritable et crédible "

Ce constat de la Banque des Territoires, actionnaire de nombreux RIP ou de sociétés délégantes, fait que ce sujet est au coeur de nombreuses discussions au niveau national. Pour Philippe Le Grand, il est possible de jouer sur trois outils : les tarifs, un fonds de péréquation et un plan national de résilience des infrastructures. En venant rétablir certains paramètres comme la proportion d'aérien entre zone privée et zone publique, ce plan diminuera les charges d'exploitation afférentes. Avec cependant le risque, selon Antoine Darodes, que ce soit la puissance publique qui paie pour une infrastructure dont elle ne sera pas propriétaire pour autant.

Quel que soit l'équilibre retenu entre ces différents outils, Patrick Chaize demande d'avancer et de concrétiser rapidement puisque l'enjeu est partagé par tous.

 

  • Quel plan national pour les territoires durables et connectés ?

Il y a urgence pour un tel plan : " dans 2 ou 3 ans les Gafam viendront avec leurs solutions universelles parfaitement pluggées, et ce sera irrattrapable. C’est maintenant que cela se joue et qu’il faut le faire ", a affirmé Antoine Darodes. Tout en rappelant que nous nous trouvons dans une situation " assez proche de celle de la fibre il y a 10 ans, dans les grandes masses ", la Banque des Territoires n'a pas de doute sur l'opportunité qui nous est offerte de conduire un tel plan. D'ailleurs, l'Etat réfléchit bien à ces sujets, comme l'a précisé Laurent Rojey : " il faut se demander comment on passe de quelque chose qui est intéressant et qui a pu être construit dans tel département à son extension à l’échelle nationale. Cela doit être pensé, animé et organisé ". Un plan en gestation donc, pour la plus grande satisfaction de Philippe Le Grand et de Patrick Chaize, InfraNum et l'Avicca portant depuis plusieurs mois (voire des années) la mise en place d'un tel plan.

 

Le verbatim de l'ensemble des interventions est disponible grâce au lien ci-dessous. Bonne lecture !