Numérique / Territoires

Ecran noir ou Télévision Numérique pour Tous? Juin 2009

Lettre du Président de l'Avicca au Premier ministre, pour attirer son attention sur les grands risques liés à l'extinction de la télévision analogique dans les conditions actuelles.

Des centaines de milliers de nos concitoyens risquent "l'écran noir" du jour au lendemain, sachant qu'il n'y a même pas d'estimations fiables de ce nombre. Certains verront leurs émetteurs définitivement éteints. D'autres, plus difficiles à localiser, dans des zones pourtant couvertes en TNT, ne recevront pas les chaînes numériques ou certaines d'entre elles.

A quelques mois de la coupure du signal dans des régions entières, les cartes de couverture de la TNT ne sont toujours pas publiées, contrairement à ce qui avait été demandé au CSA [1]. Ceci ne permet aucune anticipation pour distribuer la télévision par d'autres réseaux, sauf le satellite.

A ce sujet, les aides individuelles pour passer à une réception satellitaire, dans les zones non couvertes, paraissent insuffisantes, car elles ne concernent que les foyers exonérés de redevance. Dépenser 3 à 400 euros, a fortiori dans une période de crise, n'est pas anodin pour celles et ceux qui se contentaient bien des chaînes analogiques. Il s'agit en quelque sorte d'une double peine, frappant des foyers modestes dans des territoires ruraux qui ne bénéficient souvent pas de réseaux filaires alternatifs.

Le schéma d'extinction [2] ne mentionnait pas un rôle des collectivités pour remplir les zones blanches. L'Avicca a eu la surprise, quelques semaines après sa publication, de voir que le gouvernement avait donné un avis favorable à un amendement qui va créer une pression sur les collectivités, en particulier rurales, pour compléter la couverture [3]. Jusqu'à 9% de la population d'un département pourrait être dans ce cas. Et l'Avicca constate aujourd'hui que le CSA entend mettre en première ligne les collectivités non seulement sur la diffusion, mais aussi sur la réception, avec une récente décision sur les immeubles brouilleurs ou les éoliennes, prise sans aucune concertation [4] .

Les collectivités payent un lourd tribut financier pour permettre le haut débit pour tous. Encore s'agit-il d'un progrès par rapport à la situation précédente. Il n'en est pas de même pour pallier la suppression d'un service qui bénéficie gratuitement à tous les Français aujourd'hui.

L'Avicca ne remet pas en cause l'intérêt de passer au numérique, dans les meilleurs délais. Mais dans l'état actuel du dossier, l'extinction s'accompagnera de vives réactions, ce qui ne peut que nuire à ce lourd processus. Une amélioration des dispositifs prévus est indispensable pour permettre une véritable Télévision Numérique pour Tous.

Paris, le 2 juin 2009

Yves ROME

Président de l'AVICCA

Contact : Patrick VUITTON, Délégué général

Notes :

[1] Article 115 de La Loi de Modernisation de l'Economie : « Avant le 31 décembre 2008, le Conseil supérieur de l'audiovisuel publie la liste des zones géographiques retenues pour leur desserte en services de télévision numérique hertzienne terrestre, en vue d'atteindre le seuil de couverture de la population fixé ci-dessus, ainsi que, pour chaque zone, le calendrier prévisionnel de mise en œuvre. » A ce jour le CSA n'a publié que les sites des émetteurs, qui pourraient évoluer, et sans leurs zones de couverture.

[2] Arrêté du Premier Ministre du 22 décembre 2008 approuvant le schéma national d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique.

[3] Article 80 de la Loi n° 2009-258 du 5 mars 2009.

[4] « Pour les zones de brouillage dues aux immeubles brouilleurs et aux éoliennes (...) leurs propriétaires devront fournir une demande d'implantation de réémetteur pour les multiplex concernées rédigés par la collectivité ou son groupement » (délibération requise). Courrier du CSA adressé à l'Avicca.