Numérique / Territoires

Est-ce que l'Arcep pivote ? Avril 2021

La première audition parlementaire de la nouvelle présidente de l’Arcep a été nécessairement scrutée de près pour jauger les orientations que le régulateur va prendre sous son mandat. Laure de la Raudière était donc très attendue à la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat le 24 mars. S’il y a eu en partie une continuité de fond avec son prédécesseur, le ton est apparu nettement moins offensif sur de nombreux sujets, en renvoyant parfois la responsabilité sur le politique, voire les collectivités, ou encore en faisant le constat que l’Arcep n’avait pas forcément les outils pour traiter tel ou tel problème.

Mais ce sont surtout les propos tenus à l’égard du mode STOC qui ont fait réagir, voire bondir les collectivités et leurs partenaires. En déclarant qu’il avait été instauré à la demande des RIP, la présidente a provoqué une vive réaction. L’Avicca se doute bien que l’intention du régulateur n’était certainement pas de rajouter du gros sel sur la plaie bien ouverte faite par le mode STOC aux collectivités, mais c’est bien ce que nous avons tous ressenti. Les RIP n’ont JAMAIS été demandeurs du mode STOC : pour pouvoir choisir, on doit avoir le choix. Aujourd’hui encore, pour commercialiser leurs prises FttH aux OCEN, les RIP n’ont toujours pas le choix.

Interrogée par l’Avicca, l’Arcep a précisé que telle n’était pas l’intention de son propos, qui rappelait simplement que le mode STOC avait fait partie de l’équilibre favorisant une venue rapide des opérateurs commerciaux sur les RIP, à une époque où cette arrivée constituait un enjeu essentiel pour ces réseaux. Le régulateur maintient ainsi sa position exprimée il y a deux semaines dans notre bulletin "spécial STOC" : aujourd’hui, les difficultés sont réelles et les opérateurs doivent faire évoluer et encadrer et contrôler leur sous-traitance. Il revient au premier chef aux opérateurs commerciaux de le faire. L'Arcep rappelle qu'un opérateur d’infrastructures est légitime à suspendre le mode STOC pour un opérateur commercial qui ne respecterait pas les conditions d’intervention et l’état de l’art. Dans le même temps, le régulateur indique que les opérateurs d’infrastructures, qui ont la responsabilité de leur réseau, doivent davantage encadrer et contrôler les interventions sur le réseau, comme le leur permet le cadre réglementaire, et comme prévu dans la feuille de route arrêtée début 2020. L’amélioration de la qualité est à la fois l’affaire de l’implication de chacun et d’une discipline collective, favorisée par des règles claires et des contrôles périodiques.

L'Avicca a par ailleurs noté, dans les propos de la présidente de l’Arcep lors de son audition, une ouverture intéressante sur les pré-raccordements, qui font sens dans une optique d’arrêt du réseau cuivre, et qu’il reste donc à mieux prendre en compte.

Sur la ZTD, dont la couverture n’avance plus guère, l’Arcep estime ne pas avoir les outils, et sollicite l’intervention du politique. Pourquoi pas, mais là aussi, l’Arcep ne peut s’exonérer de sa responsabilité dans l’architecture des réseaux, puisque c’est le régulateur qui a délimité cette zone comme étant celle où la concurrence par les infrastructures pourrait jouer. Que l’on se comprenne bien : l’Avicca ne reproche pas une erreur d’appréciation initiale, prise dans l’urgence dans un domaine particulièrement complexe et mouvant. Mais le régulateur peut maintenant reprendre la main en constatant les faits. Certes, le gouvernement pourrait aussi lancer un nouvel AMII, les collectivités concernées un nouveau RIP, l’important étant d’arrêter de se refiler la patate chaude et d’enfin trancher.

Trancher, il faut le faire aussi pour l’actuelle zone AMII et l’engagement « contraignant » non respecté d’Orange d’en avoir couvert 92% de raccordables et 8% de raccordables à la demande fin 2020 (sans parler d’en avoir couvert 100% dans l’engagement non contraignant initial !). Avec une couverture à moins de 80%, Orange est sanctionnable (SFR aussi, mais dans une moindre mesure), mais l’Arcep estime que la demande doit venir du gouvernement envers qui l’engagement a été pris. De la même manière, bien que privées de moyen de sanctions à l’échelle locale par le régulateur en 2018, ce seraient désormais aux collectivités d’agir pour la zone AMEL… Quant aux raccordables à la demande, nous attendons toujours (pour demain ?) une offre de détail. Mais si celle-ci devait être enfin annoncée prochainement, nul doute qu’au regard du délai inégalé de gestation (8 ans !), cette offre devrait être d’une perfection et d’une opérationnalité absolues…

Autre sujet grave de préoccupation partagée, la qualité du service universel, que la présidente a qualifié de « calvaire » pour une partie de la population avec malheureusement un déficit d’outils pour l’Arcep afin d’y remédier. On peut gager que si le régulateur veut disposer d’outils réglementaires nouveaux, beaucoup de parlementaires n’hésiteront pas à lui accorder, a fortiori si les outils déjà en sa possession ont bien été utilisés et se sont révélés insuffisants.

Tant sur la couverture fixe que mobile, les défis de la période et les attentes de la population sont immenses. Collectivités, gouvernement, législateur, régulateur, chacun doit y jouer son rôle.