Numérique / Territoires

Hertzien - santé - environnement Juin 2002

Le décret, tant attendu, sur l'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par les équipements de télécoms est paru le 2 mai au JO. Et Bouygues Télécom vient de demander une licence UMTS, rejoignant France Télécom (Orange) et CEGETEL (SFR). La construction des nouveaux réseaux hertziens, plus denses que ceux du GSM, ne va pas manquer de relancer les difficultés d'implantation des antennes relais, sources de bien des inquiétudes. Cette inquiétude pourrait-elle gagner d'autres types d'émetteurs (FM, wifi... ?)

Le dossier des antennes relais est un exemple assez typique du rôle des collectivités dans les télécoms : d'abord ignorées, puis sollicitées, et souvent arbitres.

Dans un premier temps, elles sont totalement écartées des questions d'implantation ; les opérateurs font leurs choix entre les contraintes techniques et les coûts, les villes et les départements n'ont pas leurs mots à dire. Puis les collectivités sont sollicitées pour les zones non couvertes. Enfin, elles sont interpellées par les riverains inquiets ; elles doivent alors trouver des solutions pour que le service soit disponible en minimisant l'impact pour les populations, conjuguant aménagement du territoire et environnement.

Un décret in extremis

Le décret sur l'exposition du public était attendu tant par les industriels et les associations que par les collectivités.

Les associations qui espéraient des limites inférieures aux recommandations européennes, comme dans certains pays, sont déçues ; et les industriels seront sans doute inquiets qu'une attention spécifique soit portée aux établissements de soins, scolaires ou crèches. Un rayon de 100 mètres autour de chacun de ces établissements, cela couvre une très grande partie de la ville !

Le décret étant sorti entre les deux tours des élections présidentielles, est-il étonnant qu'il soit ainsi balancé ?

A noter aussi qu'il s'adresse aux exploitants de réseaux, pas seulement au niveau télécommunications, mais aussi les titulaires d'autorisations de diffusion en radio et télévision.

Les arrêtés arrêtés ?

N'ayant que de faibles pouvoirs sur les implantations d'antennes relais au titre des règles d'urbanisme, des villes ont pris des arrêtés, souvent sous la pression de riverains inquiets. Ils ont été contestés par les opérateurs, faute d'arguments juridiques et scientifiques pour justifier de contraintes supérieures à celles qui découlent du respect des normes européennes. La jurisprudence n'est pas constante, mais semble globalement défavorable aux collectivités.

La publication du décret pourrait renforcer les juges dans l'idée que les collectivités n'ont plus à intervenir, sauf à jouer sur la rédaction ambiguë concernant les bâtiments « sensibles ».

Protocoles et chartes

Plutôt que de jouer les pompiers une fois l'incendie allumé entre opérateurs et riverains, les collectivités jouent la prévention à travers des engagements de bonne conduite.

De tels documents sont discutés dans de nombreuses villes et ont été signés à Rennes et Lyon. Mais les opérateurs vont-ils négocier 36000 protocoles ou chartes ? D'autant que chacun cherchera à bénéficier de la clause de la ville la plus favorisée... Les opérateurs restent prudents : avant toute généralisation, ils souhaitent faire le bilan de l'application, sur le terrain, des premiers textes signés.

Une loi, qu'y a-t-il dans une loi ?

Faut-il généraliser le contenu des protocoles dans une Loi ? Deux propositions de Loi avaient été élaborées assez rapidement, mais n'ont jamais été discutées.

A l'Assemblée Nationale, la proposition de M. Aschieri était très volontariste : «les communes définissent des emplacements réservés à l'implantation des antennes relais... ». Au Sénat, celle de M. Karoutchi était beaucoup plus souple : « les opérateurs doivent avant toute décision d'implantation (...) recueillir l'avis du conseil municipal » .

La première formulation suppose que les villes soient prêtes à assumer politiquement une part de la gestion du risque ; elle revient à leur faire gérer les points hauts (directement ou par des « tower companies »), ce qui nécessite aussi des compétences techniques (internes ou externes) pour assurer la desserte. Cela s'inscrit dans un cadre de gestion des infrastructures qui peut avoir aussi des retombées économiques et d'aménagement du territoire.

La formulation sénatoriale se rapproche de certaines chartes : elle oblige les opérateurs à informer les villes, oblige les élus à prendre position, mais garde la responsabilité aux opérateurs. Mais que se passe-t-il en cas d'avis négatif ? Les opérateurs ne desservent pas la commune ?

Les opérateurs ne sont certainement pas prêts à abandonner la souplesse qui existait jusqu'ici. Sauf si les situations de blocage se généralisaient... Quant aux collectivités, leur philosophie se dégage peu à peu à travers les projets de charte : demande de transparence, de minimisation des risques, d'intégration à l'environnement, mais aussi de couverture du territoire.

En attendant le rapport...

L'article 19 de la loi du 17 juillet 2001 indique que l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale doit remettre au Gouvernement et aux assemblées parlementaires, avant le 30 septembre 2002, un rapport sur l'existence ou l'inexistence de risques sanitaires d'une exposition au rayonnement des équipements terminaux et installations radioélectriques de télécommunications.

Le libellé manichéen de cet article de Loi laisse perplexe ; d'abord parce que, pour reprendre Paracelse, tout est question de dose. Ensuite, parce qu'on peut prouver qu'il existe un risque, on ne peut pas prouver qu'il n'en existe pas. Enfin parce que les recherches se poursuivent. « En l'état actuel des connaissances » est une locution qui revient 16 fois dans le rapport Zmirou...

A l'heure où nous mettons sous presse, il est difficile de connaître les grandes lignes de ce rapport : l'Agence, en cours de création, n'a pas encore le téléphone ! A moins d'utiliser un portable ? Une seule certitude : le directeur scientifique de l'agence n'est autre que Denis Zmirou... Et « l'état actuel des connaissances » ne semble pas avoir été bouleversé depuis 18 mois.

...gérer l'incertitude

Téléphonie mobile, transmissions de données et internet, radio, télévision, les utilisations du hertzien se multiplient. En face, des risques sanitaires qui « en l'état actuel des connaissances » ne sont pas avérés, et des recherches qui se poursuivent. Le risque zéro n'existe pas, mais quel est le risque acceptable, et qui le définit ?

Les normes se précisent et leur respect est un impératif. Comment aller au delà, en usant du principe de précaution ? Les réflexions autour des bâtiments sensibles, parce qu'accueillant des populations plus fragiles, en sont une illustration. Faut-il aussi hiérarchiser les priorités d'utilisation du spectre hertzien en tenant compte de la dimension sanitaire ?

Souvent, des municipalités comme Nice ou Rodez ont organisé des débats publics, en réponse à des conflits locaux. Un débat national serait lui aussi utile.

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sur Légifrance : Décret

La bande à FM

L'ANFR a effectué une campagne de mesures sur l'exposition du public aux champs électromagnétiques dans des situations diverses. Prenons l'exemple du chemin de terre situé au sud du cimetière de St Aoustrille, dans l'Indre, plus précisément à 46°54'30 ''N et 1°54'10''E : le champ électrique total est 62,2 fois plus petit que la valeur limite la plus faible fixée par la recommandation européenne. De même, place de l'Odéon à Paris, le champ total est 30,5 fois plus petit que la norme.

Pour ceux qui ne contestent pas cette norme, les résultats, consultables sur le site internet de l'ANFR, sont plutôt rassurants, malgré la prolifération des sources (GSM, HF, TV, FM, balises et autres). On peut aussi relever que si les antennes relais de téléphonie mobile ont suscité une levée de bouclier, ce sont les émetteurs FM qui s'avèrent souvent, et de loin, les plus puissants.

voir le site : ANFR