Numérique / Territoires

Le secteur des télévisions locales au bord de l'implosion ? Mai 2009

Un projet de syndication nationale de programmes lancée par les chaînes qui appartiennent majoritairement à des titres de la presse quotidienne régionale. Une fois de plus, c'est vers une hypothétique manne nationale que certains espoirs se tournent, avec pour résultat paradoxal de saper la patiente construction d'une régie publicitaire nationale commune.

Un appel d'offres a été lancé pour trouver un fournisseur de programmes "familiaux" qui seraient repris, aux horaires de grande écoute, sur les chaînes volontaires de la PQR ou d'autres, et financées par de la publicité nationale. En parallèle, les effectifs des chaînes locales ont été largement diminués dans nombre de stations, diminuant d'autant le travail sur le terrain.

Le premier résultat de ce projet a été l'annonce par TF1 publicité de l'arrêt de la régie au 30 juin prochain. Elle n'avait pas été associée aux réflexions, et n'y croit visiblement pas. Résultat, une année de recettes publicitaires nationale gâchée, alors que des frais importants sont lancés par les chaînes, comme les mesures d'audience spécialisées, et qu'il avait fallu des années pour mettre tout le monde autour de la table. L'année 2009 sera donc encore plus difficile pour tous.

La plus grosse régie de France n'est pas la seule à douter du modèle. Bolloré, sollicité, a déclaré forfait, et le groupe Hersant Media commencerait à se retirer de certaines chaînes, à Caen et Nîmes par exemple. NRJ paraît intéressé, mais sans doute pour aller vers une 19e chaîne nationale, sur le modèle de sa longue pratique de rachats de stations en radio.

Sur le fond, la syndication pose un problème juridique, puisque l'éditeur local, bénéficiaire d'une autorisation du CSA, abandonne de fait sa responsabilité de choix sur les programmes et leur place dans la grille. Mais il pose surtout un problème de fond. Loin d'être un remède à des difficultés conjoncturelles (crise économique et donc de la publicité, coûts d'une double diffusion analogique et numérique en hertzien...), c'est une évolution structurelle qui est engagée.

Comment une télévision locale qui abandonne des horaires de grande écoute (la tranche 20h-22h est l'une de celles qui sont prévues) peut-elle accompagner des événements de son territoire, qui nécessitent parfois des traitements longs (grande manifestation sportive ou culturelle, élections locales, débat public sur des grands projets...) ? N'est-ce pas se lancer sur une pente pour rogner peu à peu le principe même de la télévision locale, une pente forte car un programme "familial" acheté sera toujours moins cher que des journaux ou magazines locaux ? Cela n'ouvre-t-il pas la voie à un rachat par un groupe de presse national pour bénéficier de l'équivalent d'une nouvelle autorisation nationale, en dehors de toute procédure ?

Il y a là un risque d'affaiblissement de la diversité audiovisuelle, car le nombre de chaînes nationales gratuites vient déjà de tripler, avec un apport culturel pour le moins discutable. Qu'apporterait une 19e chaîne ? Par contre, il n'y a généralement qu'une seule autorisation d'émettre par territoire en TNT. Si elle est détournée de son objet, ce sont des pans entiers de la vie locale qui disparaissent des écrans, c'est à dire du media qui est encore aujourd'hui le plus partagé des citoyens.

Quant à l'économie des chaînes locales, une récente étude a montré qu'elle pouvait être assurée, essentiellement par une part de publicité locale (de l'ordre de 2 euros par an et par habitant), et par un financement des collectivités correspondant à des missions de service public. Un modèle qui ne peut fonctionner dans un cadre de programmation étriqué puisqu'il faut toucher un maximum d'audience sur les émissions locales à des horaires variés, et en jouant avec les rediffusions.