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Les collectivités vont-elles financer à 50% la refondation du réseau cuivre de France Télécom ? Novembre 2009

A l'issue de la première lecture, au Sénat, du projet de loi de Finances, une importante disposition a été adoptée en faveur de France Télécom et éventuellement de Numericable. Il faut savoir que si la Taxe professionnelle est supprimée, toute une série de nouvelles taxes font leur apparition, notamment sur les "entreprises de réseaux", destinées à compenser en partie les recettes perdues par les collectivités. Il s'agit de ne pas retrouver certaines entreprises "super gagnantes" avec la réforme en cours.

La disposition initiale (en première lecture à l'AN) prévoyait ainsi que chaque ligne du réseau cuivre en service était imposée à hauteur de 12 E par an. La rédaction, qui n'est pas très claire, semble comprendre les réseaux câblés. Un amendement permet de minorer cette taxe de "50 % du montant des investissements consentis par les opérateurs pour l'amélioration des débits d'accès filaire à internet offerts aux usagers". Ceci revient purement et simplement à diminuer les ressources des collectivités d'autant, donc à leur faire co-financer obligatoirement la modernisation du réseau de France Télécom ou de Numericable. On savait que le projet de "refondation" de France Télécom, qui doit être annoncé dans quelques semaines, comportera un volet pour monter le débit de l'adsl, afin de freiner l'extension de la fibre. On sait maintenant que les collectivités risquent de payer la moitié de la facture.

Il n'est pas facile de se retrouver dans le maquis des textes ("Art. 1599 quater B. – I. – L’imposition forfaitaire mentionnée à l’article 1635-0 quinquies s’applique aux répartiteurs principaux de la boucle locale cuivre au sens du 3° ter de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques"...), mais certains y arrivent visiblement. On imagine sans peine l'aubaine pour l'opérateur historique, dans une zone où une collectivité, ou bien un opérateur alternatif, installerait de la fibre optique. L'aide fiscale permet à FT ou Numericable d'aller fibrer jusqu'à la sous-boucle, donc d'offrir des débits plus confortables, et de tuer dans l'oeuf la migration rapide des abonnés vers la fibre !

Plus largement, cette nouvelle fiscalité tourne au délire kafkaïen pour les télécoms : ainsi les émetteurs WiMAX seront imposés, à hauteur de 1530 euros par station. Sachant qu'ils desservent les zones blanches de haut débit, on fait payer une taxe aux collectivités pour financer les collectivités... Mais on ne fait payer que celles qui ont effectivement agi aujourd'hui, puisqu'il est prévu une exonération pour les nouvelles installation après le 1er janvier 2010, merci les pionniers... Par contre, si la bande de fréquences 5 GHz est utilisée, pas de taxes du tout...

Sur le fond, il ne serait pas aberrant à ce que la fiscalité soit incitative à monter en débit, mais est-ce aux collectivités de payer en amoindrissant leurs recettes ? Dans le schéma adopté par l'amendement à la loi de finances, l'initiative est laissée aux opérateurs, pour faire cette modernisation où et quand ils le décident. Plutôt que d'aider certains opérateurs privés à moderniser leurs réseaux propriétaires à terminaison en cuivre, il vaudrait mieux construire des réseaux en fibre optique, publics, ouverts à l'ensemble des opérateurs, ce qui suppose effectivement des recettes fiscales. Il reste encore une lecture du projet de loi de finances à l'Assemblée et au Sénat pour faire prévaloir cette vision.

Eléments du débat (mise à jour 26 novembre)