Numérique / Territoires

Réseaux FTTH en zone moins dense : limiter les "fractures" et "fissures" numériques Juillet 2010

La "zone moins dense" délimitée par l’ARCEP concerne 80% de la population. Le cadre général reste celui d’une "concurrence par les infrastructures", où chaque opérateur peut sélectionner les prises les plus rentables. Le projet de décision de l’ARCEP vise à tempérer cette concurrence, qui risque de créer non seulement des "fractures numériques" entre territoires, mais aussi des "fissures" au sein même des communes.

L’Autorité de la concurrence a montré le risque de la situation actuelle : "Compte tenu des interrogations sur l’intérêt pour l’opérateur historique à déployer la fibre, celui-ci pourrait en effet réaliser dans un délai rapproché la partie horizontale du réseau dans le centre des principales agglomérations de la zone II, mais ne procéder que marginalement ou lentement au raccordement des immeubles et à l’installation de la fibre dans les habitations des zones concernées, en dehors des quelques immeubles les plus rentables".

Le plan "Conquête 2015" de France Télécom, en date du 5 juillet dernier, a confirmé un engagement d’investissement de 2 milliards d’euros dans les 5 prochaines années pour 40% de la population. Ce montant correspond à environ 200 €/prise, très en dessous d’un coût moyen de desserte complète des zones I + II. Il est très peu vraisemblable que Free, SFR ou d’autres puissent co-investir à cette hauteur pour porter le montant à 600 E/prise. Ce plan confirme donc l’analyse de l’Autorité de la concurrence :

  • il vise à dissuader les collectivités d’investir dans ces zones. Cette dissuasion se joue également au moyen de recours juridiques, par exemple contre le projet des Hauts-de-Seine :
  • il ne prévoit pas la couverture intégrale des territoires concernés, mais leur fibrage sélectif.

En l’état, le projet de décision de l’ARCEP agit favorablement en faveur de la mutualisation, mais ne donne pas de garantie de couverture par les opérateurs privés. Dans le même temps, il applique de nouvelles contraintes aux réseaux d’initiative publique, en termes d’obligations de co-investissement. C’est pourquoi l’AVICCA demande des précisions ou des modifications au projet de décision.

Dans la formulation actuelle, un opérateur qui couvre une zone pourrait :

  • renvoyer la couverture "horizontale" complète jusqu’à 5 ans après son démarrage ;
  • faire supporter l’essentiel des coûts de raccordement (plusieurs milliers d’euros) à l’utilisateur, en particulier dans les pavillons et les petits immeubles ;
  • ne pas raccorder les locaux professionnels : commerces, professions libérales, petites entreprises, services publics, qui ont encore davantage besoin de la fibre que les particuliers.

Par ailleurs l’AVICCA a réalisé des simulations montrant que la taille des zones de mutualisation est fondamentale pour réduire les risques d’écrémage. En conséquence de ses analyses, l’AVICCA demande notamment :

  • de rendre plus effective la couverture arrière des points de mutualisation, en obligeant l’opérateur à formuler des offres de raccordement sur l’ensemble de la zone ;
  • de prendre en compte tous les locaux et non les seuls logements ;
  • d’augmenter la taille de la zone de mutualisation ;
  • d’alléger les contraintes sur le co-investissement pour les réseaux d’initiative publique, afin d’éviter que des opérateurs privés ne viennent détruire la péréquation locale ;
  • de faire droit aux demandes de fibre surnuméraire si la collectivité veut déployer des services sur son territoire par ce moyen.

Paris, le 21 juillet 2010

Yves ROME

Président de l’AVICCA