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Télévision locale : créer un fonds d''amorçage Mars 2004

L'existence de chaînes locales est un enjeu économique et social pour l'aménagement du territoire. Il existe 80 chaînes locales en Suisse, 100 aux Pays-Bas, 450 en Italie, 600 en Grande-Bretagne, près d'un millier en Espagne (générant 15.000 emplois). La France, avec 110 chaînes et 700 salariés, pour un chiffre d'affaires estimé à 40 millions d'euros, est à la traîne, et pourrait créer des milliers d'emplois locaux.

Pour atteindre cet objectif, plusieurs mesures ont été prises :

  • lancements d'appels à candidatures en hertzien analogique
  • autorisation de la publicité pour la distribution
  • réservation de canaux sur la TNT

Le secteur lui-même se structure, avec des syndications nationales et régionales, tant pour les chaînes privées que pour les chaînes d'initiative publique. L'audience, la crédibilité et l'impact de la télévision locale sur la population sont confirmés par des mesures d'audience fiables.

Des mesures favorables sont en cours d'adoption (loi sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle, suite à la première lecture à l'Assemblée) :

  • priorité donnée aux candidatures locales (non-cumul d'une autorisation nationale analogique et d'une autorisation locale)
  • clarification des compétences et financements des collectivités locales pour les chaînes d'initiative publique
  • possibilité pour les SEM, les SCIC, et EPCC de candidater à l'obtention d'une fréquence hertzienne
  • obligation de transport et de diffusion des chaînes d'initiative publique locale sur les réseaux (hors satellite et hertzien)
  • TVA réduite à 5,5% sur les financements publics (contrats d'objectifs et de moyens)
  • suppression de la taxe sur les passages de message publicitaires à faibles coûts

Ces éléments créent les conditions d'une économie au secteur. Mais il manque encore le coup de pouce qui permettra de mailler rapidement le territoire.

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Mailler le territoire : un enjeu collectif

Toutes ces mesures seront efficaces sur les grandes métropoles, où les ressources privées et publiques peuvent être importantes. Mais, dans les territoires moins favorisés, les collectivités sont déjà très sollicitées, et le potentiel publicitaire local est faible. Il y a pourtant un enjeu à créer des chaînes locales sur l'ensemble des territoires.

Pour ces territoires, l'existence de medias locaux est une nécessité. Dans un monde dominé par l'image, l'existence de structures de production et de diffusion locales est un élément incontournable, pour la citoyenneté, l'emploi, l'économie, le tourisme, le lien social, la vie culturelle, sportive, etc quel que soit le territoire urbain ou rural. Si le maillage du territoire en télévisions locales est suffisamment dense, la publicité nationale viendra s'investir sur des syndications publicitaires, comme cela existe en presse écrite (le 66/3) et il sera possible de contribuer au financement sur le long terme de ce secteur.

Ce maillage est aussi une nécessité pour les télévisions des grandes villes : sans une large couverture, elles n'intéresseront pas les annonceurs. L'audience locale est bonne, mais elle ne suffit pas, il faut développer une couverture réelle pour attirer les annonceurs nationaux de manière significative.

Cette construction est une urgence. Elle l'est pour l'ensemble du secteur : les chaînes locales privées actuelles ou chaînes locales du câble candidate à la diffusion hertzienne ou chaînes locales en projet. Car l'exclusivité de diffusion de la publicité de la distribution aux chaînes locales et thématiques s'arrête dès 2007. Les chaînes nationales pourront alors diffuser de la publicité pour la distribution. Le rapport de la Direction du Développement des Medias, sur les perspectives de la télévision locale, souligne la nécessité de la syndication publicitaire et cite une estimation de ressource potentielle de 50 millions d'euros par an.

Mailler le territoire est donc un enjeu en termes d'aménagement et de communication.

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Agir vite !

Si le territoire national ne dispose pas d'un maillage suffisant de télévision d'initiative locale, il sera trop tard pour le faire, et la création de chaînes locales se ralentira.

C'est pourquoi il est indispensable de créer un fonds d'amorçage, qui viendrait aider, sur une durée limitée, les chaînes locales, en création ou en développement.

Comme pour les radios, il conviendra que des priorités soient définies pour les attributions du fonds : aide au premier établissement, aide à la diffusion etc. Par contre, parce que les budgets d'une télévision sont largement supérieurs à ceux d'une radio, un tel fonds ne pourrait en aucun cas être la ressource principale d'une chaîne locale.

Une aide, limitée dans le temps, permettrait de conforter la chaîne au moment où elle doit consolider son réseau technique de diffusion, assurer sa notoriété, obtenir les premiers résultats d'audience pour convaincre les annonceurs potentiels ou ses soutiens publics.

A noter que pour les chaînes locales d'initiative publique, l'extension des compétences des collectivités (article 90 du projet de loi) impose aussi d'inventer des dispositifs de péréquation, selon la Constitution. « Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales (Art 72-2).

Ce fonds d'amorçage répondrait en partie à la mise en place d'un dispositif de péréquation pour ce secteur.

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Une ressource possible : la taxe sur la publicité télévisée

Une taxation complémentaire de la publicité télévisée pourrait être instaurée ; il suffirait par exemple de déplafonner la taxe qui alimente le fonds de soutien des radios (art 302 bis KD du Code général des impôts). En effet, les régies ne sont plus taxées pour leurs recettes au-delà de 137 millions d'euros par trimestre.

Ce plafond crée une inégalité : plus les recettes augmentent, moins elles sont taxées. De plus, la taxe étant payée par les régies, ce plafond bénéficie aux groupes des chaînes leaders qui l'atteignent ou le dépassent : en travaillant pour leurs chaînes thématiques, ces grandes régies s'exonèrent de la taxe que payent les régies de chaînes indépendantes.

Au taux normal de 1%, cette mesure pourrait rapporter environ 10 millions d'euros sur la base des ressources 2003 ; une partie viendrait abonder le fonds pour les radios, déficitaire en 2003, et l'autre aider les télévisions locales (cf.annexe 3).

De plus, cette réforme pourrait profiter de l'augmentation des ressources publicitaires des chaînes, consécutive à la levée de l'interdiction du secteur de l'édition et de la presse, dès 2004. Selon Mc Cann Erickson, au cours du seul mois de janvier 2004, 10,7 millions d'euros de publicité télévisée ont été investis par la presse, dont 65,8% pour TF1 et 23% pour M6, ce qui correspond à 3 mois de fonctionnement de l'ensemble des télévisions locales actuelles. Et des sommes sans commune mesure viendront s'investir en 2007 avec l'ouverture de la publicité pour la distribution aux chaînes nationales.