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Très haut débit : la « détestable » stratégie du gouvernement Décembre 2019

Il y a quelques jours au Sénat, la Ministre Agnès Pannier-Runacher prétendait que les crédits inscrits dans le projet de loi de finances étaient suffisants pour achever le plan France THD. Elle allait même jusqu’à qualifier de « détestable » l’attitude des sénateurs qui, chiffres en main, démontraient qu’il n’en était rien et faisaient largement voter une rallonge au budget.

La publication du projet de nouveau cahier des charges vient expliquer le tour de passe-passe : le gouvernement veut diminuer à la fois l’assiette des dépenses éligibles et les taux de subvention pour les collectivités ! Avoir ainsi caché le changement de règles aux parlementaires est un déni par rapport à la représentation nationale. La « consultation publique » annoncée aujourd’hui seulement par l’État sur les changements du cahier des charges relève de la même méthode : « un leurre », puisqu’il s’agit uniquement d’ajuster le dispositif d’aides au reliquat de crédits disponibles.

Le communiqué publié par le Gouvernement tente de justifier ces évolutions au nom d’une « meilleure économie » des déploiements. Pour que l’économie soit meilleure, il faut que le total des subventions soit moindre, et à taux de financement de l’Etat égal, il y aura moins besoin de fonds nationaux. Mais changer les barèmes d’aides, c’est tout simplement transférer davantage de charges sur les collectivités qui en ont le plus besoin. Rien d’autre.

L’Avicca espère donc que le supplément budgétaire voté au Sénat sera maintenu à l’Assemblée Nationale et appelle les députés à ne pas cautionner cette flagrante rupture d’équité des territoires entre eux pour l’accès à la fibre optique.

A l’heure où Orange annonce que le réseau téléphonique cuivre sera déposé durant la prochaine décennie, il est plus que jamais essentiel que le réseau en fibre optique couvre l’intégralité de la France. L’unique moyen d’y parvenir, c’est que l’État conserve les paramètres initiaux du Plan France THD. Le Plan France THD est à l’origine du succès du fibrage de la France, alors, ne laissons pas le gouvernement transformer l’or en plomb.

Au nom des 27 départements menacés de relégation territoriale pérenne par les choix gouvernementaux, l’Avicca rejette la quasi-totalité des nouvelles dispositions de ce « détestable » projet de nouveau cahier des charges.

 

Paris, le 4 décembre 2019

Patrick CHAIZE
Président de l’Avicca
Sénateur de l’Ain

 

Annexe

Comparatif entre les nouvelles dispositions qui s’appliqueront pour les 27 départements et celles qui s’appliquent déjà pour les autres bénéficiaires

 

 

Éléments

Ancien cahier des charges PFTHD (2015)

Nouveau cahier des charges

PFTHD (2020)

Calcul du nombres de lignes commercialisables

(définition du plafond de référence maximum)

 

  • financement pour 100 % des locaux
  • base Insee logements de 2011
  • base Insee établissements (locaux professionnels) de 2013
  • financement de 92% des locaux
  • base Insee logements de 2011
  • base Insee établissements (locaux professionnels) de 2013

Pas de prise en compte de l’évolution du nombre de locaux

Décote[1] sur la desserte FttH

400 euros / ligne

800 euros / ligne

Plafonds par départements

Variable selon le niveau de ruralité

Inchangés, alors que les prises restant à construire sont les plus coûteuses

Financement de la collecte

oui

non[2]

Financement du raccordements des sites prioritaires, dont les entreprises notamment

oui

  • 33 à 61,6% du besoin de financement de la collectivité
  • plafond de 1000 euros / site

 

non[3]

Financement des mises à niveau des réseaux antérieurs

oui

  • 33 à 61,6% du besoin de financement de la collectivité
  • plafond de 100 euros / ligne

non

Financement des raccordements finaux

oui

  • 33 à 61,6% du besoin de financement
  • plafond de 150 euros / prise
  • décote de 250 euros

non

 

 




[1] La décote correspond au montant forfaitaire que l’État retire de l’assiette éligible de chaque prise FttH. Avec une décote de 400 € d’une part et la tarification demandée par certains opérateurs d’autre part, certains RIP ne peuvent déjà pas équilibrer leur budget. Alors avec un doublement du plafond…

[2] La collecte permet notamment de proposer des offres activées. Un récent règlement de différend par l’Arcep oblige un RIP (et potentiellement d’autres) à proposer de telles offres, ce qui est impossible sans financement de la collecte

[3] Il semble avoir échappé aux décideurs publics qu’il y avait un sujet sur le marché pro des communications électroniques…