Numérique / Territoires

TRIP d'automne 2020 : allocution de Patrick Chaize, Président de l'Avicca Novembre 2020

Monsieur le Ministre,

Mesdames, Messieurs les parlementaires,

Mesdames, Messieurs les élu(e)s de l’Avicca qui m’avez renouvelé, je vous en remercie une nouvelle fois, votre confiance en me réélisant Président de l’Avicca,
Monsieur le Président de l’Arcep,
Mesdames et Messieurs,

Vous tous qui nous aidez à renforcer chaque jour la résilience numérique de la France.

J’ai ouvert ce matin le colloque d’automne de l’Avicca avec Etienne Dugas en accueillant Sébastien Soriano, que je remercie ici publiquement pour l’ensemble de son mandat. Qu’il est rassurant et agréable, Monsieur le Ministre, d’avoir eu six années durant un Président de l’Arcep connaissant à la fois parfaitement l’ensemble des dossiers télécoms et l’aménagement numérique du territoire. Je ne vous cache pas que la contrepartie a été pour nous de suivre un rythme qui s’est fortement accéléré sous son impulsion. Il n’y a pas que l’Arcep qui a pivoté ces six dernières années, croyez-moi ! Et il est essentiel que nous disposions pour les six années à venir, au regard des enjeux environnementaux du numérique, de l’arrivée de la 5G, du respect de la complétude de la couverture FttH et mobile, de l’internet des objets pour les territoires intelligents, et du lancement de l’extinction du cuivre, d’une présidence aussi opérationnelle sur tous ces points, entourée d’un collège et d’une équipe toujours à la hauteur.

Mais revenons-en à notre TRIP d’automne 2020. Dans ce contexte national de pandémie qui a affecté durement notre population ainsi que plusieurs membres de l’Avicca, il nous faut relayer avec force chaque bonne nouvelle pour conserver notre optimisme.

S’agissant du numérique, la première bonne nouvelle est que nous avons, depuis cet été, un Secrétaire d’État au numérique, qui plus est avec des missions particulièrement élargies. Monsieur le Ministre, cher Cédric, croyez bien que si j’ai particulièrement apprécié le travail avec Julien Denormandie, je me réjouis de l’excellente collaboration que nous avons entamée dès votre nomination et du périmètre élargi de vos attributions.

Si une telle nomination est accueillie avec satisfaction par la filière, c’est bien qu’outre sa cohérence intrinsèque, elle est également le signal que l’aménagement numérique de nos territoires pourrait désormais mieux peser face aux seules logiques comptables que nous avons dû trop souvent combattre.

Et c’est peut-être là la deuxième bonne nouvelle de cette année 2020 : le volet numérique du Plan de relance, lequel recouvre un large éventail d’actions, comme le préconisait l’Avicca dès le mois de juin dernier dans son plan de résilience numérique : inclusion numérique, transformation numérique de l’économie et de l’administration, cybersécurité, souveraineté numérique, territoires connectés… sans oublier bien sûr l’aménagement numérique du territoire, avec l’abondement conséquent du Plan France Très Haut Débit.

Car comme vous l’écriviez à l’occasion de votre nomination Monsieur le Ministre, « les télécoms sont l’épine dorsale de la transformation numérique. Sans connexion, pas d’usages ». C’était notre credo depuis des années, c’est désormais celui de l’État, qui vise le 100% FttH pour 2025. Comment ne pas être rempli d’optimisme ?

Il convient toutefois de raison garder. Il n’est jamais loin du capitole à la roche tarpéienne. Le 100% FttH demande un dernier effort d’investissement considérable pour l’État, les collectivités et leurs partenaires privés. Aussi, il convient de mobiliser, aux côtés des 550 millions d’euros déjà alloués par l’État, les presque 50 millions d’euros inutilisés du guichet cohésion numérique : nous serons ainsi très proches des montants attendus par les adhérents de l’Avicca pour aller vers le 100% FttH. Mais il convient également de veiller à ce qu’aucun euro de ces crédits ne soit réorienté vers d’autres dispositifs. Nous pourrions ainsi très mal accueillir l’emploi de fonds publics pour pallier l’abandon du dispositif de mise à niveau du génie civil en partie privative, qui devait être initialement financé par la communauté des opérateurs dans le cadre du nouveau cycle de régulation.

Il faut également raison garder car l’argent ne fait pas tout. La qualité des réseaux FttH déployés, le mode STOC qui les met à mal, les appuis communs toujours aussi complexes et coûteux à utiliser, la Base Adresse Nationale qui tarde, les raccordables soit-disant à la demande qui sont en fait des non-raccordables… sont autant de freins pour atteindre cet objectif de 2025. Il y a urgence à surmonter ces obstacles, afin que l’extinction du cuivre par Orange se déroule rapidement et dans de bonnes conditions. Ce basculement historique est nécessaire, tant il est vrai que nous n’avons pas les moyens d’entretenir deux réseaux simultanément.

Autre front, celui de la transformation numérique des entreprises, pour lequel l’Avicca et ses adhérents agissent depuis plus de 20 ans, et là aussi il y a de bonnes nouvelles comme le rachat de Kosc par Altitude. Cet objectif est également la raison première de notre mobilisation autour du rachat de Covage pour maintenir un opérateur neutre « pure player ». Et je ne vous cache pas ma satisfaction de voir l’État accompagner massivement dans le cadre du plan de relance cette nécessaire transformation. La mobilisation générale autour du « click and collect », que le second confinement a rendu encore plus essentiel pour la survie de nos commerces, en est l’une des illustrations. Attention cependant à ne pas oublier dans les dispositifs de l’État la connexion de nos entreprises, quelle que soit leur taille.

J’avais conclu mon discours, il y a un an de cela, en appelant de mes vœux un véritable Plan national d’inclusion numérique. Les collectivités sont en effet mobilisées depuis des années pour ne laisser personne au bord du chemin s’agissant de la transformation numérique de notre société toute entière. Lorsque je vois le Plan de relance, je constate avec satisfaction que les élus qui partagent cette préoccupation ont été entendus. Prudence cependant : il convient avant tout d’amplifier les actions déjà conduites, et de les accompagner de manière structurée et surtout durable.

Toujours dans le registre des bonnes nouvelles : nous commençons enfin à percevoir les effets du New Deal mobile. Mais que c’est long ! Cette lenteur explique que nos concitoyens ne ressentent pas toujours ce changement pourtant bien réel. Étrange paradoxe également de voir cette exigence légitime d’une meilleure couverture 4G sans cesse martelée, alors même que les oppositions voire les attaques physiques contre les pylônes et les antennes ne cessent de prospérer. Le paroxysme étant observé dans les zones où la couverture est pourtant encore la plus mauvaise : la zone rurale ! L’arrivée de la 5G n’est pas étrangère à ce regain d’oppositions, qui prospèrent certes sur des rumeurs complotistes délirantes, mais qui sont aussi dues à un manque criant de pédagogie couplé à des incohérences de calendrier. Des raisons pour le coup bien factuelles et qui peuvent expliquer des oppositions à l’arrivée de la 5G. Aussi, je salue les initiatives de plusieurs collectivités en termes de concertation, et celles de la Banque des Territoires, de la FFT et de l’État pour faire œuvre de pédagogie.

Je voudrais en conclusion, Monsieur le Ministre, rappeler ce que représente aujourd’hui l’Avicca, dont les presque 230 membres investissent l’ensemble des champs du numérique, réseaux comme usages.

Les adhérents de l’Avicca pèsent ainsi plus de 17 millions de prises FttH, dont 4,5 sont déjà construites. Nous talonnons ainsi Orange en zone privée, s’agissant du nombre de prises à construire, et sommes très loin devant l’ensemble des autres acteurs. J’insiste sur ce point car il est essentiel de rappeler à certains que les intérêts que nous défendons ne sont pas moins importants que ceux qu’ils défendent.

Et que dire du marché « entreprises » où les RIP dépassent l’ensemble des acteurs privés, y compris l’opérateur historique, s’agissant de la commercialisation des accès de gros, hors autoconsommation bien entendu.

Mais il n’y a pas que les réseaux en fibre optique qui comptent à l’Avicca. Je ne sais pas encore comment nous parviendrons un jour à consolider nos investissements récurrents dans l’éducation numérique de notre jeunesse, mais ils sont assurément bien plus conséquents que ceux dans les RIP. Et nous investissons les nouveaux champs du numérique avec une détermination sans faille : souveraineté du stockage de nos données, territoire connecté, impacts environnementaux du numérique, lutte contre la cybercriminalité… S’agissant de ce dernier point, je tiens ici à remercier le conseil d’administration de la plateforme Cybermalveillance.gouv.fr qui nous fait l’honneur d’intégrer, à compter du premier janvier prochain, l’Avicca parmi ses membres.

Tout cela, Monsieur le Ministre, vous le savez parfaitement et ce n’est bien entendu surtout pas à vous que ce rappel s’adresse. Notre motivation première n’est sûrement pas d’être les adversaires d’initiatives privées. Il est de faire avancer le dossier numérique dans un souci d’aménagement du territoire et d’égalité d’accès. Cela n’exclut pas des agendas et des options ponctuellement divergentes, mais nous avons, comme le répète à l’envi l’actuel président de l’Arcep, Sébastien Soriano, les réseaux comme bien commun.

Je vous laisse la parole Monsieur le Ministre et vous remercie, une nouvelle fois, de l’appui tout particulier que vous portez à l’ensemble de nos travaux.