Numérique / Territoires

Un seul câblo-opérateur national Avril 2006

Liberty Media a annoncé la vente de ses filiales UPC France et Noos à Cinven et Altice, déjà propriétaire de l'autre opérateur national Numericable, pour un montant de 1,25 milliards d'euros ; la cession devrait être effective en juin.

Comme en Angleterre, il n'y aura donc qu'un seul opérateur national, et il aura 95% du marché. A cela s'ajoutent les régies, très implantées dans certaines régions, et quelques opérateurs locaux. Cette fusion aura d'importantes conséquences pour le secteur, pour les collectivités et leurs projets haut débit.

Une fusion défensive

Le rapprochement, que tout le monde savait inéluctable, a été précipité par la fusion des opérateurs de télévision payante CanalSat et TPS, elle-même liée au démarrage de la TNT.

Cependant la vente ne se fait pas dans le sens généralement imaginé entre les deux acteurs restants : c'est l'industriel du secteur qui vend et le fond d'investissements qui reste et rachète. Le soir de l'annonce du retrait du marché français, l'action de Liberty Global a gagné 6,27%...

Après la fusion, Numericable totalisera plus d'un milliard d'euros de CA, 4,2 millions d'abonnés tv, dont plus d'un tiers de service antenne (contre 8,25 millions d'abonnés pour le groupe Canal+ , plus 1,65 avec l'apport de TPS), ainsi que 600.000 abonnés à internet (contre 9.000.000 en adsl) et 190.000 au téléphone (sur environ 32.000.000 de lignes) ; Numericable n'est pas encore présent sur le mobile.

Numericable pèse encore peu dans les télécoms, bien qu'en forte croissance sur ce secteur. En audiovisuel, elle sera par contre en position de challenger ; elle sera numéro deux de la télévision payante, mais dans un espace économique étroit entre la télévision gratuite étendue par la TNT et la télévision payante détenue par un acteur dominant, hégémonique dans l'édition et concurrent dans la distribution. ; les groupes qui seront actionnaires de CanalSat (TF1, M6, Lagardère et Canal+) représentent 75% du nombre de chaînes diffusées par le câble, et 90% en valeur. CanalSat sera pratiquement le seul distributeur en hertzien (analogique, TNT, satellite), et est également présent sur la distribution par adsl.

Il faut espérer que les autorités de la concurrence prendront des mesures pour limiter les conséquences de cette intégration verticale entre éditeurs et distributeurs à l'occasion de la fusion TPS/CanalSat.

Un opérateur en meilleure position

L'opérateur fusionné aura une meilleure capacité de négociation avec les chaînes et les fournisseurs, de communication publicitaire nationale et régionale, pourra dégager des économies d'échelles une fois le rapprochement effectif (unification du réseau de transport, du système d'information, de la hot line...).

Le rapprochement va également faciliter le déploiement vers le “quadruple jeu” (quadruple play) dans le mobile. Numericable et UPC étaient partenaires au sein d'un consortium mené par Clearwire pour une candidature WiMAX, et des discussions sont en cours côté opérateur virtuel sur le GSM ou l'UMTS. Cette évolution est indispensable, à la fois parce que le mobile représente plus de la moitié du marché des télécoms, et parce que la technologie permet de plus en plus une convergence fixe/mobile.

A noter que le câble a une valeur, il dégage un “cash flow” positif supérieur à 200.000.000 d'euros par an. Le montant de la transaction valorise chacun des 1,9 millions d'abonnés à UPC/Noos à 658 euros.

Les collectivités en attente

Pour certaines collectivités, ce sera le cinquième changement en 7 ans (de France Télécom Câble, à NTL, puis Noos, puis en gérance à UPC, et aujourd'hui Numericable). Elles souhaitent connaître le plus tôt possible les orientations du repreneur.

Il devrait y avoir un déblocage du côté de la distribution des chaînes gratuites de la TNT sur le service antenne des immeubles collectifs. Numericable a en effet une position qui est devenue très différente de celle de UPC/Noos : pas d'augmentation du service collectif, et mise à disposition du coffret moyennant un simple dépôt de garantie. Cette position est conforme à la recommandation du CSA, que UPC/Noos rejetait.

Un autre dossier important, c'est l'articulation avec les projets de réseaux ouverts haut ou très haut débit. Jusqu'ici, UPC/Noos s'était montré très hostile, allant jusqu'à des contestations en justice. Du côté de Numericable et de ses actionnaires, il y avait au contraire eu une participation active pour valoriser les infrastructures de l'opérateur (Moselle, Alsace).

Enfin collectivités et opérateurs ont jusqu'en juillet pour mettre leurs contrats en conformité avec la nouvelle législation, mais de nombreux blocages existaient sur le terrain avec UPC/Noos, notamment sur le principe des délégations de service public. L'Avicca a d'ailleurs saisi l'Arcep de cette question, après la DGCL.

On voit mal comment des discussions pourraient aboutir alors que l'opérateur est en cours de cession.