Numérique / Territoires

14. Intervention de Gabrielle GAUTHEY - Arcep Septembre 2005

Gabrielle GAUTHEY, Membre du Collège de l'Arcep

La procédure des licences WiMax

Le rôle des réseaux ouverts dans une perspective de long terme

Merci de m'avoir demandé de clôturer cette matinée, qui a été très riche. Cela fait plaisir de voir qu'une salle est aussi pleine sur des sujets qui, il y a deux ou trois ans, ne rassemblaient pas grand monde. C'est pour moi une très grande satisfaction de voir qu'il y a une intégration croissante des sujets de télécommunication et des sujets d'aménagement du territoire, et je crois que nous n'en sommes qu'au début de cette aventure.

Je voudrais d'abord remettre, en perspective, ce dont nous parlons ce matin, dans un marché du haut débit qui est très mouvant, dans une valse des technologies qui fait qu'un jour, on parle de telle technologie, deux mois après, on parle d'une autre... Et l'année prochaine, nous aurons peut-être d'autres sujets : la TVHD, qui arrivera et nécessitera d'autres réflexions.

Aujourd'hui, il est clair que, depuis deux ou trois ans, le panorama du haut débit a énormément changé, la France compte maintenant plus de 8 millions d'abonnés au haut débit et, alors qu'elle accusait un retard certain il y a deux ou trois ans, elle caracole aujourd'hui en tête du marché européen. Elle est en train de rattraper les États-Unis en termes de pénétration du haut débit chez les ménages (31 % de pénétration contre 32 % aux USA). En termes de pénétration de la population, en septembre, la France était à 13,2 %, et en nombre absolu de connexions DSL, nous avons dépassé l'Allemagne.

Le marché est tiré par des offres très attractives. Les tarifs sont parmi les plus bas d'Europe. Dans les réunions de régulateurs européens, je n'arrête pas d'être interrogée par mes collègues régulateurs sur ce qui se passe en France. “Comment avez-vous fait ?”, me demande-t-on. Ce n'était absolument pas le cas il y a deux ans.

Cette situation est liée à une conjonction de facteurs, auxquels vous n'êtes pas étrangers. Nous sommes en train de voir les prémices d'un premier bilan de cette action des collectivités locales, qui a été si difficile à mettre en œuvre sur notre territoire. Certes la reconquête du territoire par l'opérateur historique y est pour quelque chose mais nous sommes aussi en train de voir le succès de la concurrence, grâce au modèle du dégroupage.

Sur ces 8 millions d'abonnés, 2,3 millions sont dégroupés aujourd'hui. Il y en a 1 million en Allemagne. Le dégroupage de l'ADSL s'impose donc comme le modèle de référence de l'entrée de la concurrence dans notre pays. Le dégroupage total, qui est l'expression la plus parfaite de la concurrence, puisqu'il permet à un opérateur de prendre la totalité de la facture de son abonné, démarre bien. Il est encore modeste, en termes de chiffres absolus : 250.000 au total. Mais aujourd'hui, le rythme est de 15.000 dégroupés par semaine, dont 10.000 totalement, 5.000 partiellement. Le rythme du dégroupage total est donc croissant.

Bien sûr, les nouveaux usages se développent : la télé sur ADSL - 450.000 abonnés payants ; les usages de la voix sur IP, en France aussi, ce qui d'ailleurs ne nous facilite pas la tâche dans toutes nos analyses de marché, parce que nous sommes toujours les premiers à devoir nous prononcer sur le traitement de tel et tel marché « innovant ». Par exemple, pour la voix sur broadband, la voix sur IP : la France compte 2 millions d'utilisateurs de la voix sur IP - essentiellement voix sur broadband - contre 600.000 en Italie, 200.000 en Allemagne - je parle de résidentiels qui utilisent la voix sur broadband.

Les défis réglementaires sont quotidiens, ce qui rend d'ailleurs notre métier passionnant. Voilà donc le panorama, resitué dans une perspective européenne.

Néanmoins, des enjeux forts subsistent, en matière d'aménagement du territoire. J'en citerai deux : il y a toujours et, à mon avis, de façon croissante, une grande disparité concurrentielle sur le territoire, entre les 50 % de la population qui bénéficient aujourd'hui de cette véritable concurrence grâce au dégroupage, les 40 % qui sont en zone grise, avec une offre haut débit qui est celle la revente de l'offre de l'opérateur historique par ses concurrents, fondée sur les équipements de l'opérateur historique, et les 10 % de la population qui sont situés en zone blanche, et qui sont au cœur de nos préoccupations.

Le deuxième souci, et j'y reviendrai, ce sont les entreprises et notamment les PME, où la situation, notamment concurrentielle, est beaucoup moins rose. La part de marché de l'opérateur historique demeure prépondérante, les alternatifs peinent à atteindre les territoires. Et c'est l'un des soucis qu'expriment ces acteurs territoriaux lors des discussions que nous avons au sein du comité des réseaux d'initiative publique. C'est un souci légitime des collectivités locales, parce que la compétitivité de la France moyenne et des territoires, dépend grandement du degré de concurrence, les tarifs variant énormément. En effet les tarifs des entreprises ne sont pas homogènes, ils ne sont pas péréqués, ils sont beaucoup plus opaques, et ces différences sont beaucoup plus difficilement décelables que dans le marché grand public, où les prix sont placardés sur tous les panneaux. La différence entre les zones qui peuvent faire appel à plusieurs opérateurs et celles qui ne le peuvent pas varie très fortement, en gros de 50 %.

Quels sont nos axes de travail, et en particulier avec les collectivités ? J'en citerai deux : l'extension géographique du dégroupage et la desserte des zones d'activités.

L'extension géographique

Un certain nombre de chiffres ont déjà été cités : Environ 55 projets, 1 milliard d'investissements planifiés. Tout cela prend du temps, tous les projets ne sont pas en œuvre mais, d'ores et déjà, les résultats sont perceptibles. La loi prévoit que les projets L.1425-1 soient déclarés à l'Arcep : ce ne sont certes donc que des chiffres de déclaration et d'intention, mais ils sont là, néanmoins : aujourd'hui, la France compte 944 NRA effectivement dégroupés, dont 57 livrés grâce aux DSP de collectivités locales. Dans les projets qui sont lancés, dont certains sont déjà déployés, ce chiffre de 944 pourrait s'accroître, à l'avenir. Les collectivités nous annoncent en effet vouloir desservir en fibre 836 NRA supplémentaires. Bien sûr, ils n'ont pas tous la même taille que les répartiteurs, aujourd'hui dégroupés. Ils sont plus petits. Et vous savez que, dans nos recommandations sur les catalogues de DSP - nous travaillons sur ce point au sein du Crip -, nous sommes très favorables à tout ce qui notamment par des offres de fibre permet l'extension de ce dégroupage, et l'implantation, par les opérateurs dégroupeurs, de leur propre DSlam, au sein des NRA. Bien sûr, le fait de disposer d'une offre alternative de DSlam dans les zones les moins denses est une avancée par rapport à la seule offre de gros de l'opérateur historique. Elle est donc nécessaire elle aussi. Mais nous travaillons beaucoup, au sein du Crip, où la question nous est posée régulièrement, à la forme de tarification de cette fibre qui permet de réduire la distance vers les territoires les moins denses.

Conjointement, l'ACEP a réussi à obtenir de France Telecom une modification très importante de l'offre de référence dégroupage, le 26 juillet dernier, qui est passée un peu inaperçue mais qui accompagne ce déploiement de la fibre sur les territoires. Il s'agit d'une baisse significative de ce que l'on appelle les « petits tarifs ». Une offre de référence de dégroupage est un ensemble complexe qui ne comprend pas seulement le chiffre emblématique de 9,5 € de tarif du dégroupage total qui fait couler tant d'encre, mais également beaucoup d'autres prestations, tout aussi importantes comme les frais de co-localisation, frais d'énergie, de câbles de renvoi, etc.

Deux décisions majeures vont permettre d'accompagner l'effort de déploiement de la fibre sur les territoires : d'une part, la baisse significative de l'ensemble de ces tarifs - en moyenne pour les gros répartiteurs 1 euro par ligne par mois, pour les répartiteurs de 3 000 lignes, 3,84 € par ligne par mois. C'est donc une portion significative de ce tarif emblématique de 9,5 €. Pour les offres aux entreprises cela représente -30 € par ligne DSL par mois. Ce qui permet de faire reculer la limite de squeeze entre l'offre de dégroupage et l'offre de rachat de l'offre de France Télécom, le Bit Stream, des répartiteurs de 5.000 lignes à ceux de 2.000 lignes, c'est-à-dire du 1.250ème répartiteur au 3.000ème répartiteur. Cette baisse alliée à la possibilité de mutualiser le câble de renvoi va permettre de passer de 50 % à 65 % de la population atteignable. Nous sommes aujourd'hui à 50 %. Ces projections peuvent devenir réalité, grâce à une action conjointe des collectivités et une régulation, qui a mieux pris en compte la problématique d'aménagement du territoire.

À l'avenir, nous allons aussi au sein du Crip, engager des travaux de bilan de cette action des collectivités locales. La France est régulièrement interrogée par Bruxelles, sur cette articulation entre action publique et concurrence.

Les zones d'activités

Le deuxième sujet, ce sont les zones d'activités et leur desserte en fibre.

C'est là encore un enjeu majeur, souvent plus difficile à appréhender. Où sont situées ces zones d'activités ? Elles sont souvent loin des répartiteurs. Elles nécessitent la construction de nouveaux réseaux - pas forcément encore de la fibre au pied de chaque entreprise -, mais leur équipement implique en tout cas de raccourcir les lignes de cuivre qui desservent ces entreprises, qui sont aujourd'hui trop longues, voire même d'en tirer de nouvelles.

Le marché professionnel est beaucoup plus difficile à appréhender que le marché grand public. Au sein du Crip, avec les collectivités, avec l'ensemble des acteurs, avec le ministère de l'Équipement, nous travaillons dans un premier temps à clarifier les règles juridiques concernant les infrastructures passives, les fourreaux, pour mettre fin à des transferts un peu rapides et hâtifs qui ont pu avoir lieu, qui freinent ou mettent des barrières à l'entrée des opérateurs susceptibles, un jour, de vouloir desservir ces zones d'activité. Nous travaillons donc à l'élaboration d'un corpus de préconisations juridiques, mais également techniques et d'ingénierie, permettant aux aménageurs et aux collectivités de mettre en place des infrastructures mutualisables.

Oui, les collectivités peuvent intervenir là. Elles en ont la compétence. La compétitivité économique de leur territoire en dépend. Elles doivent inciter les aménageurs à inclure la problématique des fourreaux dans leurs préoccupations et à fibrer le plus possible afin de permettre que cette fibre soit mutualisée. Nous sommes en train de regarder les différentes architectures qui sont plus ou moins mutualisables. C'est une problématique importante.

L'Arcep mène une réflexion sur le FTTX qui regroupe le FTTH - quand il va jusqu'aux buildings ou un mélange de technologies fibre et cuivre.. Il y a souvent encore du cuivre, au final, qui, quand il a une taille suffisamment courte, est suffisant : cela s'appelle la technologie VDSL. Nous suivons de près l'introduction du très haut débit à la sous-boucle locale notamment du VDSL, qui pose des problèmes concurrentiels difficiles. Certains opérateurs poussent en effet très fortement à ce que le VDSL soit implanté très rapidement au sous-répartiteur. Il ne faudrait pas que cela perturbe les investissements déjà réalisés au répartiteur. Le modèle de la concurrence est aujourd'hui fondé sur le dégroupage au répartiteur. Le statut de répartiteur est donc important. Les sous-répartiteurs n'ont souvent pas la taille critique pour accueillir les équipements de dégroupage. Dans un premier temps, nous laissons donc au comité d'experts auprès de l'Arcep le soin de regarder ces sujets. Mais nous avons conscience qu'une solution doit être rapidement trouvée.

En tout cas, dans le plan dit NRA HD, qui est la transformation, par France Télécom, de sous-répartiteurs en répartiteurs, des avancées sont en train d'être faites, notamment sur l'accessibilité fibre de ces nouveaux répartiteurs. Nous examinons, naturellement ce qui se passe à l'étranger. On nous dit qu'aux États-Unis, la FCC, a décidé de ne plus imposer de contraintes de dégroupage, mais le contexte est absolument différent. Il y a là une véritable concurrence des câblo-opérateurs, une concurrence très forte sur l'accès, sur la partie terminale. Nous revenons du Japon, où nous avons vu que la fibre est dégroupée en collecte et en desserte et où ce n'est qu'aujourd'hui que le débat se pose sur la levée de cette obligation. De plus, la fibre est tirée en aérien, cela va donc beaucoup plus vite, car il n'y a pas toutes les contraintes d'enfouissement et d'environnement que nous avons. Il est trop tôt aujourd'hui pour que nous nous prononcions, mais nous y réfléchissons. Nous observons également le sujet dans un contexte européen. Nous avons essayé de poser la question au sein du groupe des régulateurs européens, mais nous avons rencontré peu d'enthousiasme parce que nous sommes, un peu les premiers. Les Anglais nous disent que les technologies DSL ont encore un bel avenir. Nous participons activement au comité de pilotage de l'étude Idate, qui rassemble un ensemble d'opérateurs, et d'acteurs parties prenantes de ce FTTX. C'est un sujet très important pour nous.

Pour terminer sur le haut débit et sur les entreprises, j'aimerais revenir sur la concurrence. J'ai été un peu pessimiste sur ce point. Lorsque l'on regarde quelle est la place des grands opérateurs sur le marché des PME en région - je ne parle pas des grands groupes multinationaux -, on voit qu'il y a un déficit de concurrence : le marché difficilement accessible, difficilement appréhendable et que les besoins des entreprises sont plus diffus et plus complexes. Je pense que le rôle des collectivités, de tout ce qu'elles construisent, est également de faire émerger une offre à leur tissu de PME, en permettant peut-être à de petits opérateurs locaux, innovants, venant du monde de l'informatique, qui existent beaucoup plus à l'étranger que chez nous, de renter sur le marché. Ils prendraient certainement mieux en compte les besoins des PME d'une région et en seraient beaucoup plus proches. Je pense qu'il faut avoir en tête ce modèle que, du fait de nos contraintes de dégroupage, nos règles ont jusqu'ici insuffisamment pris en compte.

J'ai parlé des petits tarifs, mais une autre avancée importante est la mutualisation du câble de renvoi distant : la collectivité peut subventionner ce câble de renvoi et le mutualiser en co-localisation distante. Je pense que c'est une avancée importante dans le sens de la concurrence pour les PME d'un territoire. Nous en voyons déjà les ferments dans un certain nombre de territoires que je ne citerai pas ici ; ils se reconnaîtront.

Je ne vais pas me dérober aux questions posées par M. Teston de l'ADF sur le WiMax. Je vais rappeler dans un premier temps les contraintes qui ont accompagné la proposition relative aux conditions d'attribution que l'Arcep a faite au Ministre, avant de tenter de répondre dans un deuxième temps à la façon dont nous comptons concilier deux procédures qui ne sont pas très simples : celle de décision spécifique des collectivités locales, et celle du processus d'attribution par le régulateur d'une ressource rare.

Nous étions tout d'abord obligés de faire une procédure d'attribution, soit par enchères, soit par soumission comparative. Nous ne pouvions plus faire autrement dans la mesure où nous avions constaté la rareté, en tout cas au niveau national. La loi dit qu'à partir du moment où il y a trop de demandes pour l'offre, nous sommes obligés d'organiser une procédure. Deuxièmement, la maille régionale n'a pas tout de suite été celle retenue. Nous aurions très bien pu faire une maille nationale. Mais il y a des contraintes à trop morceler les fréquences. Nous l'avons vu d'ailleurs chez nos voisins allemands, qui ont beaucoup morcelé les premières licences BLR, et qui ont beaucoup de mal à récupérer ces fréquences non utilisées et, de ce fait, ne peuvent pas ré-attribuer aujourd'hui, de façon satisfaisante, la ressource, qui n'est pas utilisée de façon optimum. Il y a des contraintes de neutralisation de bandes de fréquence aux frontières des zones d'attribution. Lorsque l'on fait des mailles trop petites au niveau d'un département, on est obligé de stériliser une bande à la frontière de ce département. Les technologies hertziennes font que l'on « stérilise » moins de ressources en attribuant la ressource sur une maille plus large qu'en obligeant les gens à se coordonner, sur des mailles plus petites.

Il y a également le fait que, matériellement, il était très compliqué pour l'Arcep d'organiser une centaine de procédures de soumission comparative. L'Arcep ne garde pas un bon souvenir du précédent appel d'offres et pendant très longtemps sa pente naturelle était celle d'une procédure qu'avaient choisie nos voisins anglais : les enchères pures. Que faites-vous quand vous avez une ressource rare à attribuer, dans un contexte technologique extrêmement flou où, après auditions et consultations multiples et variées, tous les discours ont été tenus sur ce sujet ? Sur l'évolutivité de la technologie, sur le fait qu'à échéance très rapide, elle allait être une technologie du mobile (je rappelle simplement que ce sont aujourd'hui des fréquences du fixe et que la mobilité est interdite dans ces bandes des fréquences, sur le tableau national des fréquences, et également dans les autres pays européens). La mobilité n'est donc pas permise. dans ces bandes. D'ailleurs, un certain nombre d'opérateurs en Allemagne ont dû désactiver cette fonction de hand-over.

La pente naturelle est d'organiser des enchères et de dire que le marché tranchera. Dans les premières réponses que nous avions eues, il y avait un intérêt d'un certain nombre de collectivités, certes, mais aussi de beaucoup d'opérateurs, y compris étrangers, ayant commencé à déployer ce type de technologie ailleurs, en Europe ou aux USA, essentiellement dans une perspective de concurrence dans les zones denses.

Dans un premier temps - et je n'injurie pas l'avenir en disant cela -, cette technologie a un bon positionnement, d'une part vers les entreprises. (elle est encore un peu chère pour le grand public sur notre marché français, où nous avons les tarifs de l'ADSL les plus bas et où elle a du mal à se positionner) et d'autre part, dans les zones peu denses. Mais elle nécessite cependant des investissements non négligeables et surtout de la collecte. De ce fait, la plupart des collectivités qui font acte de candidature sont celles qui se sont lancées dans des projets en L. 1425 et envisagent de construire ces réseaux de collectes mutualisables permettant de desservir les stations de base. C'est la raison pour laquelle nous avons confié une étude à Monsieur Labetoulle, initialement pour voir s'il était possible de dédier une fréquence aux collectivités locales. La réponse a été claire et précise : “non”. L'Arcep ne peut pas prendre en compte la spécificité du statut de collectivité locale dans sa procédure d'attribution. Ce qui veut dire : pas de fréquence dédiée, en revanche, pas d'enchères pures non plus. La maille régionale semblait donc la mieux adaptée. Voilà ce qui nous a amenés à proposer ces critères après moult débats, après avoir pesé les différentes contraintes.

Deuxième point : nous avons fait un constat de rareté au niveau national. Il nous semblait que dans un nombre limité de régions, le constat n'avait pas été fait au niveau régional et qu'il n'y avait pas forcément rareté dans toutes les régions. C'est pourquoi, nous avons souhaité une première phase, que nous avons appelée constat de rareté régional, devant permettre dans chaque région de voir quels étaient les réels besoins, le réel potentiel économique Il y a une fréquence disponible déjà attribuée, deux fréquences seront prochainement libérées et il y en a encore deux autres. Y a-t-il vraiment la place pour cinq opérateurs dans toutes les régions ? Nous n'en sommes pas complètement persuadés.

Nous pensons que cette première phase sera utile ne serait-ce que pour recenser et pour permettre d'articuler les différents niveaux de collectivités entre eux. J'en viens aux 4 questions posées par Monsieur Teston. Tout d'abord sur les groupements de collectivités nous en accepterons les candidatures mais regarderons derrière l'entité juridique qui en sont les membres et quelles sont leurs capacités d'investissements.

Le deuxième point concerne le manque de références techniques d'une collectivité qui se lance. Là encore, pour ceux qui envisagent de faire une DSP, nous regarderons les engagements qui seront demandés aux délégataires en matière de déploiement, en matière de maintenance.

Le troisième point concerne la souplesse que nous allons mettre soit pour la sous-location, soit pour la revente. Il y a un marché secondaire, tout cela ne sera donc pas figé à la date d'attribution. Nous avons engagé des juristes pour travailler sur ce sujet ; il semblerait - nous allons creuser même si, à mon avis, c'est du ressort des collectivités -, que ce transfert d'utilisation du domaine public entre personnes publiques échappe à la lourdeur du droit des marchés publics. Cela répond à une des questions de Monsieur Teston.

La quatrième question concerne le critère financier. Nous en avons largement débattu. Il est vrai que la publicité de la délibération d'une collectivité la handicape dans ce critère. Nous le savons. Nous sommes en train d'y réfléchir, et je pense que nous arriverons à trouver une solution. Le décret est rédigé de telle façon que tous les dossiers doivent nous arriver complets, c'est-à-dire que nous ne pouvons pas donner un délai supplémentaire à une collectivité. Mais une collectivité a la possibilité de libérer à huis clos.

Nous avons en revanche tout à fait conscience - sur ce point, je suis plus optimiste que vous - que deux des trois critères ne sont pas désavantageux pour les collectivités : d'une part le critère de prise en compte de l'aménagement du territoire. Qui, mieux qu'une collectivité engagée, qui décide de mettre des moyens, peut satisfaire ce critère ? Enfin pour le critère d'organisation de la concurrence ou du positionnement concurrentiel du projet, il est clair que le fait de proposer une offre de gros sera un plus appréciable.

Voilà ce que je peux vous dire aujourd'hui. C'est un dossier difficile, important, certes, pour la desserte des territoires les moins denses, mais je pense qu'il ne faut pas en maximiser non plus l'ampleur. Le WiMax est une technologie qui commence à se déployer. Dans un contexte de marché du haut débit très dynamique. Nous espérons que cette technologie arrivera à trouver sa place. Elle fait couler beaucoup d'encre aujourd'hui. Je ne veux pas tempérer l'enthousiasme d'aujourd'hui, mais il faut essayer de voir quelles sont les équations économiques qui vont permettre à plusieurs opérateurs, sur les territoires les moins denses, de s'y retrouver.

Je conclurai sur un mot d'optimisme à propos de l'action des collectivités locales. Je crois que nous ne sommes qu'au début de leur aventure dans les télécoms. Nous voyons bien qu'elles ont un rôle particulier à jouer. Dans le tourbillon technologique auquel nous assistons - et je pense que demain, vous ferez un colloque sur d'autre sujets -, votre rôle sera toujours un peu le même. Votre rôle d'assembleur du passif est absolument essentiel. Un certain nombre d'entre vous l'ont compris. Et vous seuls pouvez le jouer. Il est essentiel dans les télécoms, même si cela a longtemps été sous-estimé. Certes, les services et les usages sont absolument déterminants, mais il y a toujours besoin d'infrastructures, d'infrastructures mutualisables et d'investissements dans ces infrastructures. Les réseaux de fibre que vous avez tirés vont servir. Vous le voyez bien. Ils servent au mobile, à la 3G. A quoi serviront-ils demain ? Au FTTX, peut-être même à la télévision sur mobile. Votre rôle est également d'anticiper sur les besoins et de construire dans la durée. Ce n'est pas très facile. Vos zones grises, vos zones blanches et vos zones denses vont évoluer au rythme des technologies. Demain, les zones blanches et les zones grises ne seront pas les mêmes, parce que la TVHD va nécessiter l'ADSL2+, qui est en train de se mettre en place. Quand la TVHD sera là, vous verrez que vous aurez beaucoup plus de zones grises et de zones blanches, même dans les villes, parce que tout le monde ne sera pas éligible. (Environ 30 % de la population est éligible à l'ADSL2 +15 Mb/s). De nouveau, se posera la question de résoudre ce problème de non-homogénéité concurrentielle et même de couverture.

Je terminerai en vous disant que, si l'Arcep a pu peut-être, par le passé, dans ses décisions d'analyse de marchés, ne pas toujours prendre en compte l'aménagement du territoire d'une façon que vous jugiez suffisamment satisfaisante, je peux vous dire qu'il est aujourd'hui au cœur de ses préoccupations. Les collectivités locales sont rentrées, dans le processus de décision d'analyse des marchés de l'Arcep, au cœur de ses préoccupations. Par ailleurs, l'Arcep intègre pleinement son rôle modeste d'expert technique, d'expert des marchés de gros du haut débit, au profit des acteurs de l'aménagement numérique absolument incontournables que vous êtes tous devenus aujourd'hui.

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