Numérique / Territoires

Adsl, satellite et câble : la convergence pousse à l'intégration verticale Décembre 2005

Comme l'Avicca l'avait annoncé, France Télécom se lancera sans doute dès 2006 dans la distribution de chaînes gratuites dans son offre de télévision par adsl. Distancée par Free et son offre de télévision, talonnée par Neuf Cegetel, et surtout en risque d'être marginalisée par la croissance rapide de la TNT, France Télécom ne pouvait se contenter d'offrir l'accès à la seule télévision payante. Comme pour l'ensemble des acteurs, il faut conquérir une large base d'abonnés (au téléphone fixe ou mobile, à la tv gratuite, à internet...) ce qui permet de prendre pied sur le marché des droits (musique, sport, cinéma...). Chacun cherche en effet à vendre du contenu sur sa plate-forme technique, avec un réseau d'accès et le boitier de distribution chez l'abonné qui permet de gérer l'offre de services.

La bataille des droits

Cela fait quelques années que les opérateurs de télécoms acquièrent des droits audiovisuels : Belgacom avec le football pour sa tv sur adsl, France Télécom et British Telecom sur la vidéo à la demande, Orange sur la diffusion sur mobile...

En Allemagne, les droits télévisés du foot de la Bundesliga viennent d'être perdus par la chaîne à péage Première, au profit d'un consortium d'opérateurs du câble (Arena, filiale d'Unity Media) et Deutsche Telekom s'est vue attribuer les droits par internet.

Le mouvement se fait également en sens inverse, comme l'achat, par BSkyB de l'opérateur Easynet, qui possède des réseaux en fibre optique dans les grandes agglomérations de Grande-Bretagne, ou l'entrée de NRJ et M6 comme opérateur mobile virtuel.

Autre manière de lier contenu et réseaux, les alliances ou rachat entre les deux secteurs. Au Japon par exemple, NTT vient de créer une filiale commune avec l'opérateur de télévision Sky Perfect, pour alimenter les 100 000 prises en fibre optique que l'opérateur commercialise chaque mois. Et KDDI rachète PoweredCom, tandis que sa célèbre filiale mobile DoCoMo prend une participation dans Fuji TV.

La télévision sur mobile sera justement un des champs de bataille de cette querelle de titans. Elle nécessite un réseau dense d'émetteurs, donc des investissements conséquents. En Italie Mediaset vient ainsi de reprendre les fréquences numériques portées notamment par TF1 pour lancer une offre commerciale dans le deuxième semestre 2006.

France Télécom veut grossir sur la tv pour garder la ligne

Chaque année, le parc d'abonnés à une ligne fixe maigrit (9% de moins en 5 ans) ; 16% des personnes ne sont aujourd'hui équipés que d'un mobile, selon l'ARCEP. Mais un accès fixe (réseau téléphonique ou câble) reste indispensable pour un accès confortable à internet, à la téléphonie illimitée, et un bon vecteur pour une offre élargie de télévision. D'où les efforts déployés, certains avec peu de succès (visiophonie), d'autres avec beaucoup (haut débit). Or la télévision, avec la téléphonie, concerne la quasi totalité des ménages ; essayer de conquérir des parts sur ce marché devient indispensable.

L'autre avantage de la télévision sur adsl c'est qu'elle verrouille internet aussi : impossible d'avoir un fournisseur d'accès au haut débit différent de celui de la télévision sur adsl. Et quand on a internet, on a la téléphonie fixe sur IP !

Vivendi Universal mise d'abord le hertzien

Avec sa TNT des villes et son satellite des champs, Canal+ va « vendre » l'accès à l'offre gratuite de la TNT et des chaînes étrangères en prime de ses contenus exclusifs. Les coffrets d'abonnés en numérique le permettent déjà, et on peut parier que les incitations à passer de l'analogique au numérique seront fortes pour que le mouvement soit rapide. Le lancement de la haute définition à l'occasion de la Coupe du monde, va aussi permettre de fidéliser la partie haut de gamme de la clientèle : la plupart des lignes de l'adsl sont trop longues pour offrir le débit suffisant, même avec un codage en MPEG4.

Avec ses 5 millions d'abonnés à la chaîne premium, et plus de 4 millions à une offre élargie à l'issue de la fusion avec TPS, Canal+ a plusieurs longueurs d'avance. L'épisode sur les droits du foot a montré l'ampleur des risques que Vivendi Universal a su prendre pour étouffer toute velléité de concurrence.

Mais ce poids dans la télévision classique suffit-il par rapport à la montée des usages émergeants (télévision mobile) ou aux attraits marketing du triple ou quadruple play ? Si nécessaire, VU pourrait renforcer sa place dans SFR/Neuf Cegetel. A surveiller aussi, la place gardée dans Numericable, aux côtés de France Télécom qui n'a guère de raison d'y rester, et de fonds d'investissements qui sont là de manière transitoire.

Le câble joue les alternatifs

Les réseaux câblés, au moins pour ceux qui sont rénovés, savent tout faire : de l'accès à la télévision, à internet et à la téléphonie. Ils sont présents dans la plupart des grandes villes, et en cours de restructuration autour de deux pôles principaux. Alors que pour l'adsl du réseau de France Télécom, il est difficile pour les opérateurs de se différencier entre eux, les câblo-opérateurs sont maîtres de leurs réseaux, ne les partagent pas, et peuvent en développer certains atouts : haute définition et accès simultané à plusieurs canaux pour la télévision, très haut débit pour l'internet, services collectifs dans les immeubles...

Mais malgré les fusions opérées, le câble doit encore atteindre la taille critique sur chacun des secteurs et mieux industrialiser ses process. Dans le domaine audiovisuel, le plus ancien et le plus développé de ses trois marchés, seule une régulation forte lui évitera d'être pris en tenaille entre l'offre gratuite de la TNT et l'offre payante de Canal +, qui va détenir peu ou prou les clefs des trois quarts des chaînes du PAF des chaînes payantes.. Il rest e du chemin à faire avant de se lancer dans la bataille des droits du foot avec Canal + qui sera la seule offre payante ou presque sur le satellite, l'hertzien et la tv sur adsl.