Ambition 2030 pour l'Arcep : le Régulateur pivote un peu plus Janvier 2025
C'est à l'occasion de la cérémonie des voeux de l'Arcep qu'a été présentée par la Présidente Laure de La Raudière la nouvelle revue stratégique du Régulateur, intitulée : Ambition 2030 pour l'Arcep. Une déclaration attendue, le paysage du numérique ayant considérablement évolué depuis la dernière revue stratégique de l'Arcep de janvier 2016 : l'Arcep pivote !
C'est donc pour réviser ses priorités et adapter la régulation à ces changements profonds, que ce soit ceux déjà constatés comme ceux anticipés par le Régulateur, que l'Arcep a défini sa nouvelle trajectoire pour 2030. La Présidente de l'Autorité la résume ainsi : “les infrastructures d’accès à internet fixe et mobile, au cloud, à des services d’IA et de partage de données doivent être accessibles partout, pour tous et pour longtemps”.
Un objectif bien évidemment 100% compatible avec les aspirations des collectivités représentées par l'Avicca, qui sur ce point ne peut que se féliciter de l'ambition 2030. Reste la délicate question des moyens envisagés par l'Arcep pour atteindre cet objectif. Si sur la plupart des sujets, ceux-ci peuvent sembler adaptés, il manque quelques thèmes et outils parfois essentiels.
Et au delà de ces possibles "trous dans la raquette", certains moyens ne manqueront pas d'interroger quant à leur efficacité réelle. D'autres, en apparence plus "anecdotiques" comme la mise à disposition du code source de la plateforme « J’alerte l’Arcep » aux collectivités (entre autres) qui en feraient la demande afin de proposer leur propre outil de signalement, s'avèrent potentiellement très intéressants et utiles pour ces mêmes collectivités.
Enfin, l'Avicca regrette qu'à aucun moment, l'Arcep n'évoque le sujet de la souveraineté des infrastructures et services du numérique. Ce sujet ne peut être balayé d'un revers de main au motif que ce n'est pas de la compétence du Régulateur. D'ailleurs, si ce n'était que cela, il conviendrait d'améliorer par la loi les attributions de l'Autorité.
Hertzien : l'équation compliquée du renouvellement des licences, de l'impact des constellations de satellites présentes et futures, et de l'annonce de l'arrivée prochaine de la 6G
Les inconnues restent nombreuses, l'une des plus grandes difficultés étant bien évidemment d'anticiper correctement les modalités du renouvellement des licences mobiles. On se souvient tous des espoirs suscités par l'arrivée d'une technologie 5G annocnée comme "disruptive". On en attend aujourd'hui encore les promesses autres que celles (essentielles il est vrai, là n'est pas le sujet) de la désaturation de la 4G et de l'augmentation des débits disponibles. Pour le moment, ce sont en effet surtout les collectivités qui portent ces nouveaux usages professionnels de la 5G ; aussi l'Avicca acceuille-t-elle très favorablement l'appui annoncé par l'Arcep d'accompagner celles-ci dans l'appropriation de ces solutions.
S'agissant des conditions de renouvellement des licences, l'Avicca s'inquiète de ce que pourraient devenir les enjeux d'aménagements du territoire, d'une part, et d'amélioration de l'efficacité énergétique, d'autre part. Ne serait-ce que parce que les services proposés par les constellations satellites évoluent, eux, très vite et pourraient bousculer les modèles des opérateurs mobiles - voire fixes - tout en aggravant l'impact environnemental du numérique, sans même parler des questions de souveraineté. Il ne faut d'ailleurs pas exclure que même la définition de ce que sera la 6G ne soit pas également profondément modifiée par cette irruption des constellations satellitaires.
Aussi, l'enjeu - légitime - de donner aux futurs détenteurs de ces licences mobiles de la visibilité dans un tel contexte d'incertitudes ne doit pas amener le Régulateur in fine à utiliser l'aménagement du territoire comme variable d'ajustement. Mais l'Avicca est bien consciente que l'équilibre sera plus difficile à trouver qu'avec l'arrivée de la 5G.
L'amélioration des cartes de couverture mobile : oui mais...
L'Avicca apprécie les annonces faites par l'Autorité pour améliorer l'information donnée sur la couverture mobile en France. Mais les évolutions annoncées et attendues restent incomplètes. L'amélioration des cartes de couverture théorique communiquées par les opérateurs restent insuffisante. De ce que l'on comprend à la lecture d'Ambition 2030, c'est que ces opérateurs pourront continuer à afficher les mêmes modèles théoriques bien trop optimiste sans tenir systématiquement compte des mesures effectives du terrain.
L'Arcep pourra donc - comme elle le fait depuis des années déjà - continuer de mesurer sur le terrain une absence ou une mauvaise couverture d'une zone donnée, les opérateurs pourront toujours afficher que cette zone est bien voire très bien couverte.
A l'heure de l'IA, des jumeaux numériques, de la démocratisation des outils de relevés topographiques et de la multiplication des mesures in situ (sans parler du crowdsourcing), il est de plus en plus difficile d'imaginer que les modèles théoriques de propagation de couverture mobile ne puissent toujours pas être mieux améliorés et beaucoup plus fidèles à la réalité.
Expertise des conditions économiques des réseaux FttH publics : formidable mais...
L'Arcep déclare qu'elle poursuivra dans la durée son suivi des conditions économiques d’exploitation des réseaux FttH, et en particulier des réseaux d’initiative publique, afin d’identifier d’éventuels cas de déséquilibre qui pourraient remettre en cause la pérennité de certains réseaux.
L'Avicca se félicite bien évidemment de cette orientation stratégique essentielle, mais se désole qu'aucun calendrier ne soit associé à cet objectif. Or il y a urgence, et ce n'est pas faute pour les collectivités et leurs associations d'avoir alerté l'Arcep à ce sujet suffisamment tôt. Côté Avicca, pour rappel, c'était en... 2018 !
Qualité des réseaux FttH : un objectif en apparence parfait, des moyens qui sont eux loin de l'être
L'Avicca soutient l'objectif du Régulateur de mettre la qualité des raccordements à la fibre au premier plan de son ambition pour 2030 (même s'il eut été préférable en la matière d'avoir une ambition pour 2025...), mais s'étonne de ne voir aucune nouvelle disposition. Celles indiquées sont en effet soit déjà en place et n'ont pas donné les effets attendus dans des délais compatibles avec le niveau d'urgence et l'étendue des problèmes (suivi de l'évolution de la qualité d’exploitation des réseaux FttH), soit ont déjà reçu un accueil plus que glacial de la part des opérateurs commerciaux (s'agissant par exemple des expérimentations en mode OI). Ce qui laisse douter et des délais pour y parvenir, et de l'effectivité d'une diffusion plus large de ces solutions.
Et ce n'est pas l'enrichissement de l’observatoire de la qualité de service des réseaux FttH avec de nouveaux indicateurs qui règlera le problème. Si le Régulateur veut vraiment en finir avec les pratiques encore et toujours rencontrées dans la mise en oeuvre des raccordements FttH par les opérateurs commerciaux, il va falloir vraiment faire autre chose que de la régulation par la donnée. Vraiment.
Marché professionnel des télécoms : le risque d'une énième désillusion
S'il y a bien un sujet sur lequel les régulations successives n'ont pas réussies à renverser la table, c'est celui du marché professionnel des télécoms. Et à la lecture de l'ambition de l'Arcep pour 2030, qui n'introduit aucune nouveauté, on a peine à imaginer des lendemains meilleurs.
Ce marché reste, cycle de régulation après cycle de régulation, largement dominé par Orange (surtout) et SFR (dans une moindre mesure). Le Régulateur compte essentiellement sur la bascule du cuivre « vers le réseau fibre est une opportunité pour rebattre les cartes de la concurrence. Dans le respect des prérogatives qui sont les nôtres, nous veillerons à ce que les offres et conditions tarifaires du marché de gros le permettent ». Une partie de la filière y croit également. L'Avicca, qui garde en mémoire les discours autour de l'arrivée du FttH puis du FttE qui étaient supposés déjà rebattre les cartes de la concurrence, reste beaucoup plus prudente. Elle salue toutefois le discours ferme de l'Autorité qui, à date, conditionne encore la fermeture commerciale du cuivre sur certaines communes à la disponibilité effective d'offres FttH avec des garanties de temps de rétablissement qui représentent une alternative intermédiaire entre le FttH standard et les offres de fibre dédiée.
Néanmoins et à date, la seule action ayant démontré son efficacité reste celle conduite depuis trente ans par certaines collectivités, à savoir la mise en place de réseaux de fibre optique dédiée mutualisée (RIP 1G). L'Avicca aurait apprécié de le voir rappelé.
Impact environnemental du numérique : complétude à 99,99% de la satisfaction de l'Avicca
Plusieurs points soulevés par le Régulateur font particulièrement écho auprès de l'Avicca. L'Arcep va ainsi investiguer rapidement le sujet de l'impact environnemental de l'IA.
L'Arcep indique également soutenir l’introduction, dans le cadre européen, de la possibilité pour les régulateurs d’imposer des obligations de mutualisation des réseaux mobiles, en dehors du cadre des attributions d’utilisation de fréquences. Cette position est particulièrement bienvenue, et gagnerait à l'être également s'agissant des couvertures Indoor.
L'Autorité approfondira ses connaissances sur les déterminants de la consommation énergétique des sites mobiles. C'est une excellente chose, car même si la progression du volume de données échangées sur les réseaux mobiles est nettement découplée de la consommation énergétique des boucles locales mobiles (elles progressent deux fois moins vite), la progression reste rapide : + 14 % d'énergie consommée en seulement 1 an. On est loin des annonces prometteuses faites à l'annonce de la 5G, même si en même temps, les technologies 2 et 3G ne sont pas encore arrêtées. Ce travail devra donc continuer à être conduit après l'extinction de ces technologies.
L'Avicca regrette toutefois un oubli, qui n'est peut-être que provisoire : l'étude de l'impact environnemental des constellations satellitaires d'une part et de la consommation énergétique des terminaux des clients de ces constellations d'autre part.
Pour une portabilité du cloud
Le risque de verrouillage des utilisateurs du cloud vis-à-vis de certains fournisseurs cloud n'est pas un fantasme. Il est au contraire avéré, du fait de l’existence de barrières au changement de fournisseur. Barrières tarifaires, techniques ou plus "simplement" contractuelles (voire fisclaes pour le cas particulier des collectivités locales)... La capacité des utilisateurs du cloud à changer de fournissuers pour bénéficier de tarifs ou de fonctionalités plus intéressantes se réduit chaque jour.
Or comme le pointe l'Arcep, "le libre choix des services cloud constitue un enjeu majeur car il est déterminant pour favoriser la circulation des données et ainsi l’émergence d’une économie par les données".
Aussi l'Avicca soutient ce nouveau positionnement du Régulateur et milite pour atterrir vers une forme de portabilité du service cloud d'ici 2030 (et même beaucoup plus tôt idéalement, au regard des mouvements de fonds qui sont lancés).
L'Avicca regrette en revanche que l'Arcep n'aborde pas le sujet du cloud sous l'angle de la souveraineté. De même, le travail des collectivités n'est visiblement pas identifié et aucune action n'est prévue pour elles.