Numérique / Territoires

ARCEP : La mutualisation aux limites du pouvoir ? Novembre 2008

La Loi sur la Modernisation de l'Economie renvoie à l'ARCEP le rôle de fixer les conditions de la mutualisation de la fibre optique, notamment sur la partie terminale des réseaux. Le 10 octobre dernier, et suite aux retours de la consultation publique lancée en mai dernier, l'Autorité a publié ses premières recommandations sur le sujet, l'objectif étant de « permettre aux propriétaires de n'avoir qu'un interlocuteur tout en assurant aux habitants le bénéfice de la concurrence dans le très haut débit ».

Devant l'éventail des possibles, l'ARCEP résume ses recommandations à la nécessité de se mettre d'accord pour expérimenter, et ceci toutes options confondues, afin de mieux déterminer les conditions technico-économiques pour les uns, les modalités éventuelles de régulation pour les autres.

Pour conserver la neutralité et la compétition sur les infrastructures, l'ARCEP « préconise » que, là où les opérateurs ne trouveraient de solutions satisfaisantes de partage de la fibre, celui qui fibre poserait des fibres supplémentaires jusqu'au point de mutualisation, dans la perspective d'une réciprocité et d'un partage des coûts.

Le texte ne donne pas d'indication précise sur la localisation des points de mutualisation, confirme que la pénétration des immeubles est un poste de coût important, que même en pied d'immeuble la mutualisation ne serait pas viable sauf pour les très grands ensembles, et qu'il faudra un traitement différentié en fonction du territoire visé.

Pour éclairer cette position très ouverte, les recommandations sont assorties d'une étude qui met en évidence l'efficacité d'un déploiement FTTh en fonction de la localisation du point de mutualisation, du nombre d'opérateurs présents ou encore de la typologie d'habitat. La principale conclusion est que plus le point de mutualisation est haut dans le réseau, plus on mutualise, chiffres à l'appui.

Ces analyses pourront servir en cas d'éventuels « règlements de différents » entre opérateurs sur l'accès au segment terminal à mutualiser.

Coté technologie, le PON ou le Point-à-Point ne sont pas évoqués en tant que tels, mais est évoqué le fait que les contraintes techniques liées aux points de brassage sur certaines technologies seraient peu adaptées à un marché de masse en nécessitant des interventions fréquentes sur le réseau.

L'indépendance de l'« opérateur d'immeuble » est un autre point évoqué, car sa réelle neutralité pose question face aux opérateurs commerciaux, dont certains pourraient être protégés par le biais des règles de mutualisation ou les opérateurs d'immeubles, d'autres exclus par des échelles d'investissement non adaptées.

En parallèle de ces recommandations, et suite à l'accord précipité entre ORANGE et SFR-NEUF (sans FREE), le secrétaire d'Etat en charge du développement numérique, avait réuni ORANGE, SFR-NEUF et FREE pour leur demander de s'entendre rapidement et d'aboutir à la signature d'un accord. Les opérateurs prennent acte des demandes et recommandations en expliquant qu'ils vont les expérimenter, mais finalement ne les appliquent pas encore...

Quelle leçon en tirer ? Que recommandations ne rime pas ici avec obligations. Ce texte nous rappelle que les pouvoirs réels dont dispose l'ARCEP sont limités. Le régulateur peut plus facilement intervenir auprès d'un opérateur dit « puissant », sur des segments de marché et des positions dominantes, dans le cadre de lignes directrices édictées par Bruxelles et sur la base d'analyses de marché.

A ce jour, et s'agissant spécifiquement du FTTh, ces règles ont permis à l'ARCEP d'imposer une régulation sur la partie terminale des fourreaux et sur le point de mutualisation, avec une stratégie globale de développement du marché basée sur une compétition par les infrastructures.

L'ARCEP ne dispose donc pas du cadre qui lui permettrait d'organiser une bonne coordination des investissements entre privés et publics et d'obtenir une bonne cohérence des initiatives. Un paradoxe lorsque l'on pense aux sommes qui sont en jeu et les difficultés techniques et administratives que va occasionner une mosaïque de projets assortie d'une diversité des modes de faire, alors qu'il faudrait aboutir à un aménagement du territoire homogène à l'échelle nationale, de préférence dans le cadre d'une péréquation de solidarité et d'une gouvernance adaptée.

Pour aller plus loin : Voir le communiqué sur le site de l'ARCEP : http://www.arcep.fr