Numérique / Territoires

Dégâts sur les réseaux de fibres optiques : on prend les mêmes indicateurs et on recommence Juillet 2024

Il y a un an, l'Arcep publiait son premier observatoire de la "qualité des réseaux FttH". Il y a un an, l'Avicca réagissait vivement à cette publication.

L'Arcep reste toujours pavée de bonnes intentions

L'Avicca constate que l'Arcep a bien tenu compte dans ses propos préliminaires des critiques portées à son observatoire. Ainsi, la nécessité de récupérer des données des OI et non plus des seuls OC, mais aussi de l'état général des réseaux est-elle indiquée comme nécessaire. Mais un an après, elle n'est toujours pas opérante et l'Arcep précise qu'elle "(...) a retenu pour l’établissement des infographies ci-dessous les données provenant des opérateurs commerciaux considérant que celles-ci reflètent mieux a priori l’expérience des utilisateurs finals". Un a priori que l'Avicca ne partage bien évidemment pas, pour les mêmes raisons que celles évoquées il y a un an. De fait, ce ne sont nullement les conséquences du mode STOC sur nos réseaux que cet observatoire permet d'appréhender. Nullement. Il permet juste de focaliser sur des réseaux supposés mal construits qui expliqueraient à eux seuls le vécu de trop nombreux particuliers, entreprises et administrations, et évite ainsi le sujet du choix du mode de mise en œuvre des raccordements par les OC.

Non, non, non et non. Il n'y a aucun "droit" fait aux OC de démolir des réseaux même supposément mal construits. Cette idée est proprement insupportable. Or c'est bien ce que le lecteur retiendra de la lecture des graphiques de cet observatoire, malgré les précautions liminaires prises par l'Arcep et bien que le Régulateur ait tenu compte des corrections apportées par les OI aux données fournies par les OC.

Il est d'ailleurs intéressant de noter la lecture quelque peu différente de cette problématique des réseaux "mal" construits faite par la Médiation des télécoms dans son dernier rapport annuel : " En 2023, il apparait la problématique de la construction des premiers réseaux fibre qui n’étaient pas forcément réalisés selon les règles de l’art d’aujourd’hui et qui nécessitent une reprise par les opérateurs d’infrastructures pour en assurer la maintenance. " C'est donc un nouveau problème dont les conséquences commencent seulement à se faire jour, sans que cela éclipse le moins du monde les problèmes récurrents dont la Médiation se fait l'écho régulièrement (voir infra).

Des informations toutefois utiles pour comprendre que le vrai problème est bien le mode STOC

L'Arcep suit précisément dans son observatoire l'impact des remises en état et des remises à niveau des armoires de rue. Elle observe ainsi qu'après les opérations de remise à niveau, les taux d'échecs de raccordement et de SAV diminuent, sans pour autant atteindre les niveaux moyens observés nationalement. Le Régulateur démontre ainsi de manière implicite - ou involontaire - que les difficultés vécues par les habitants concernés ne sont que très partiellement liées à l'état du réseau, et que par conséquent, la seule explication reste la persistance d'une mise en œuvre défaillante du mode STOC.

D'ailleurs, la durée moyenne d'une armoire remise à niveau est de 6 mois, ce que n'a pas contesté le Président de la Fédération Française des télécoms lors de son intervention au TRIP de printemps 2024.

Sur le terrain, une réalité vécue en décalage complet avec l'observatoire

Il y a un an, la première Fédération d'associations de consommateurs de France, l'UFC Que Choisir, publiait une vaste étude sur la galaxie des problèmes rencontrés par les consommateurs dans leur accès à la fibre optique. Au premier rang - et de très loin - des problèmes figuraient sans surprise aucune les difficultés liées au raccordement. Un an après, Marie-Amandine Stévenin, Présidente de l'UFC Que Choisir, pointe la persistance des difficultés et l'absence d'améliorations tangibles : " Un an plus tard, il est évident que le gouvernement n’a pris aucune mesure pour remédier à cette situation. Pire encore, il semble saboter délibérément tout effort visant à garantir l’atteinte de ses propres objectifs. "

Dans son rapport de 2023 qui pointe une baisse généralisée des litiges autres que techniques sur la fibre optique (contrats, résiliation, services...), la Médiatrice des Télécoms, Valérie Alvarez, fait également le même constat : " Les litiges sur les problèmes techniques [de la fibre] en forte hausse (+8) sont depuis 2016 la première source de conflit avec les consommateurs, représentant plus de la moitié des propositions de solution de la Médiatrice à 53% (45% en 2022, 42% en 2021 et 40% en 2020) : inéligibilité technique, dysfonctionnements techniques du fait d’armoires non sécurisées, débranchement sauvage de consommateurs par des techniciens au bénéfice du client à raccorder, …" 

Côté collectivités, le flot de remontées du terrain ne s'est nullement tari, bien au contraire. Ainsi - à titre d'illustration - la Collectivité de Corse ou Berry Numérique (Cher + Indre) figurent dans le peloton de tête des réseaux qui posent - selon l'observatoire de l'Arcep - le moins de problèmes tant en taux de pannes qu'en taux d'échecs de raccordements. Pourtant, ces territoires voient leurs réseaux se faire dégrader par les prestataires des opérateurs commerciaux avec une constance immuable. Ces deux territoires ont ainsi proposé d'expérimenter le raccordement en mode OI. Si les 4 OC ont réagi avec une célérité inégalée pour s'opposer à l'expérimentation de raccordement en mode OI dans 4 villages du Cher, aucune décision n'a été officiellement prise s'agissant de la Corse. 

L'arlésienne de l'expérimentation du mode OI

Au delà des initiatives de la Corse et du Berry, les collectivités ont proposé depuis longtemps aux 4 OC d'expérimenter le mode OI. La Présidente de l’Arcep, Laure de La Raudière, a également formulé un souhait d’une telle expérimentation. L'ancien Secrétaire d'Etat au numérique Jean-Noël Barrot l’a fait à son tour à l’automne dernier. Il ne s’est rien passé.

Côté OC, on entend toujours les mêmes objections :

- " changer de méthode de raccordement risquerait d'arrêter les déploiements " : aucun risque, les déploiements privés sont déjà à l'arrêt en ZTD depuis plus de deux ans et en chute libre en zone AMII ;

- " l'essentiel des problèmes sont liés aux réseaux accidentogènes ou atypiques " : mais depuis quand un réseau même atypique devrait-il être vandalisé ? En quoi un réseau atypique expliquerait-il que les raccordeurs montent sur une échelle télescopique ou sur le toit de leur voiture pour faire des raccordements ? En quoi un réseau atypique expliquerait-il que les raccordeurs ouvrent les portes des armoires au pied de biche ?

- " le mode de raccordement par OI donnerait le même résultat que le mode STOC " : pourtant, partout où le mode OI a été mis en œuvre, il n'a pas été constaté de problème.

Disons-le franchement : si les OC voulaient vraiment démontrer qu’il y aurait les mêmes désordres avec le mode OI qu’avec le mode STOC, ils se seraient depuis longtemps rués sur les expérimentations en mode OI rien que pour rabattre le caquet aux associations d'élus et de consommateurs.

Le mode STOC reste le nœud du problème, même s'il existe des territoires épargnés

Au delà des multiples dégradations subies par la plupart de nos réseaux FttH et qui concentrent les principales critiques des clients et des collectivités, ce sont bien évidemment les aspects financiers de traitement de ces dégâts qui posent problème. Ainsi, à titre d'exemple, le SIEA (Syndicat Intercommunal d’énergie et de e-communication de l’Ain) a mis en place un système de détection des ouvertures intempestives de portes d'armoire pour prévenir les dégradations. Résultat : tous les ans, le SIEA dépense 2 millions d'Euros simplement pour refermer les portes des armoires et les remettre en état si nécessaire. Comme les OC contestaient les tentatives de refacturations de ces coûts exorbitants, le SIEA a mis en place des caméras pour identifier les prestataires des opérateurs commerciaux. En vain, puisque ceux-ci interviennent masqués ou cachent l'objectif de ladite caméra...

Mais heureusement, il y a des territoires où le mode STOC ne pose que très peu de problèmes. Même s'ils sont rares, ces RIP témoignent que le mode STOC peut être un choix de raccordement non préjudiciable pour l'état de nos réseaux, donc compatible avec les attentes des collectivités et des habitants.

Ces RIP témoignent aussi d'une situation enviable qui a pourtant précédé les mutiples plans de la filière pour tenter de noyer le poisson - ou plutôt le mode OI - et faire croire en des lendemains meilleurs qui ne sont jamais arrivés. Donc oui, le mode STOC peut fonctionner sans CRI photo, sans pseudo labelisation des intervenants, sans e-intervention, etc...

Mais alors comment expliquer ces succès locaux de ce mode de raccordement très majoritairement honni ailleurs ? C'est ce que l'Avicca et la Banque des Territoires s'emploient à étudier sur 3 départements. Les résultats de cette étude devraient être rendus publics lors du colloque TRIP d'automne de l'Avicca les 26 et 27 novembre prochains.