Discours de Julien Denormandie au colloque d'automne 2019 Novembre 2019
Retranscription, seul le prononcé fait foi.
Monsieur le Président, cher Patrick,
Je voudrais tout d’abord m’associer à l’hommage que vous avez fait à l’attention de Monsieur Philippe Leroy pour tout ce qu’il a pu faire autour de ce sujet qui nous rassemble aujourd’hui fortement.
Je voulais également vous prier de bien vouloir m’excuser, mais je devrai impérativement partir à 14h30. Lorsque vous êtes ministre, vous avez des questions au gouvernement. J’ai l’honneur d’avoir la première question au gouvernement, et je ne peux donc aucunement arriver en retard, sur des sujets ô combien compliqués et d’actualité, je pense notamment à ce qui s’est passé ces dernières heures à Chanteloup-les-Vignes.
Je voulais, comme j’en ai pris maintenant l’habitude depuis deux ans et demi, venir vous rendre compte des différentes avancées que nous faisons à la fois sur le volet de l’action sur le numérique, le THD, mais également sur le mobile, en commençant mon propos par vous dire que tous - gouvernement, parlementaires, élus locaux, acteurs de terrain opérationnels, opérateurs et personnes qui déploient - je crois que nous avons aujourd’hui pleinement le partage des objectifs que nous nous sommes fixés, qui sont des objectifs ambitieux : un bon débit pour tous en 2020, un très haut débit pour tous en 2022, et une amélioration significative de la couverture mobile.
Au moment où je vous parle, s’agissant du premier objectif, celui de la bonne couverture pour tous les Français d’ici 2020, j’avance avec une confiance très forte, puisqu’il y a uniquement un département sur lequel notre vigilance s’est accrue quant à l’atteinte de ces objectifs, mais je crois pouvoir dire que le travail collégial nous permet d’appréhender cette première échéance avec une certaine forme de vigilance, mais de sérénité également.
Je voudrais par mes propos succincts mais exhaustifs, aborder avec vous quatre axes : le premier sur le volet de sécurisation des déploiements, le deuxième sur le rythme de déploiement, le troisième sur la question de la généralisation et, enfin, le quatrième sur la question des usages.
Le premier point en effet concerne la sécurisation des déploiements. J’ai eu l’occasion de m’exprimer lors du colloque InfraNum sur ce sujet, je crois qu’il est extrêmement important aujourd’hui que nous continuions à avancer dans un cadre totalement sécurisé. C’est ce que nous avons fait en zone urbaine où nous avons demandé à l’ensemble des opérateurs concernés notamment par la zone AMII de prendre des engagements dits contraignants - je pense à Orange et à SFR -, et puis au volet de la zone rurale avec les RIP qui nous rassemblent aujourd’hui qui, eux, relèvent déjà de contrats et donc d’obligations contractuelles.
Il y a évidemment la nécessité d’accompagner ces RIP. Vous m’avez déjà entendu plusieurs fois parler de ma croyance très forte dans la pertinence du modèle des RIP. Depuis mai 2017, c’est 1,9 milliard d’euros qui ont été engagés au bénéfice de ces réseaux d’initiative publique et, le 23 octobre dernier, ce sont 260 millions d’euros d’engagements supplémentaires que nous avons pris au titre de l’enveloppe THD.
Pour le mobile, c’était le New Deal signé en janvier 2018 avec l’ensemble des opérateurs, sous le sceau de l’Arcep, qui permet aujourd’hui d’avoir là-aussi des engagements contraignants et pas simplement des objectifs partagés. Je crois que dans la vie on avance beaucoup plus avec des objectifs contraignants que simplement des cibles partagées.
Nous avons également - et je voudrais à ce titre saluer, non pas le président de l’Avicca, mais le sénateur - beaucoup travaillé avec les parlementaires notamment sur le cadre juridique (le fameux petit « n » devenu grand « N » de la loi Elan, comme dirait Patrick Chaize), avec des mesures de simplification qui ont été prises et que nous sommes en train de mettre en œuvre avec les élus locaux, mais aussi avec un engagement, vous l’avez rappelé Patrick, que j’avais d’ailleurs pris devant vous. Je crois que j’avais eu 15 jours de retard et je m’en excuse mais ce fameux arrêté Enedis a été pris le 12 juillet dernier. J’entends, maintenant que cet arrêté est pris, qu’il y a déjà des demandes reconventionnelles disant qu’il faudrait avancer ici ou là. J’en prends acte et je suis vraiment à disposition avec mes équipes pour que nous y travaillions, et j’accueille également la proposition de Patrick s’agissant du guide d’appui technique que vous évoquiez.
Il nous faut avancer dans ce cadre sécurisé, je crois que c’est absolument essentiel. Je veux aussi être très clair sur l’actualité récente, avec notamment cette question de la QPC qui n’est plus une question aujourd’hui, la QPC ayant été retirée. J’ai toujours eu le même discours en disant que, dans la vie, on avançait quand un cadre était sécurisé et quand un cadre était contraignant. C’est comme cela qu’on fait une accélération ; il ne s’agit pas de renverser la table mais d’évoluer dans un cadre, en sécurisant ce cadre avec des objectifs contraignants. Quelles que soient aujourd’hui les évolutions forcées, contraintes ou venues, en tant que ministre en charge de ces questions, vous pouvez compter sur moi pour faire en sorte que toute adaptation soit prise pour assurer ce cadre qui, à mes yeux, est un facteur important de l’accélération que nous avons vue dans le déploiement et de la fibre et du mobile.
J’en viens au deuxième élément qui est ce fameux rythme de déploiement. Je voudrais envoyer une satisfaction générale, si je puis dire, car ce n’est pas du tout l’exclusivité d’une action d’un gouvernement que je représente, mais c’est vraiment grâce à l’action collégiale, et au premier rang les donneurs d’ordres, c’est-à-dire les collectivités locales, ainsi que ceux qui déploient, les opérateurs et l’ensemble de ceux qui aujourd’hui, dans les RIP, mettent en place les différents réseaux, que nous atteignons des chiffres hors du commun, je crois.
Je me souviens, il y a deux ans et demi, quand on parlait de ce rythme de déploiement, beaucoup doutaient qu’en 2019 on arriverait à atteindre plus de 4 millions de prises raccordables. Beaucoup en doutaient, alors même que certains mettaient déjà en amont ces perspectives pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés et que j’évoquais au préalable au début de mon propos. Il s’avère que le premier semestre 2019 a été un semestre record. Nous n’avions jamais autant déployé de prises dans notre pays, ce qui veut dire que, dans l’année 2019, on arrivera très probablement et même de manière certaine, je crois qu’on peut le dire aujourd’hui, à dépasser les 4 millions de prises raccordables. Songez quand même que c’est en une année deux fois plus que ce qui avait été fait au cours de l’année 2016. C’est-à-dire qu’en l’espace de deux ans, le secteur a su, en dépit des difficultés et des défis auxquels nous sommes confrontés en termes de ressources humaines et en termes d’approvisionnement des matières, doubler le rythme de déploiement, ce qui est en tous points considérable et soyez-en remerciés parce que c’est vous qui êtes à la manœuvre tous les jours pour ce faire.
C’est également un chiffre qui à mes yeux est absolument faramineux : chaque jour ouvré qui passe, c’est 14 000 de nos foyers qui voient la fibre leur être proposée.
Et puis, nous avons eu un deuxième volet que constituent les AMEL. On en a beaucoup parlé, je n’y reviens pas. Lors du dernier TRIP de l’Avicca, je m’étais engagé à mettre une fin à ces AMEL pour faire en sorte que les dernières conclusions puissent être finalisées. C’est ce que nous avons fait et, au moment où je vous parle, c’est près de 1,3 million de prises qui vont pouvoir être faites grâce à ces AMEL qui étaient effectivement importants.
Mais on sait très bien que la fibre ne sera pas le seul élément. Même si c’est aujourd’hui la technologie nous permettant d’atteindre l’objectif de 2025 (la société du Gigabit), la fibre ne sera pas le seul élément nous permettant d’atteindre les échéances de 2020 et 2022, comme je l’évoquais. C’est pour cela que nous avons mis en place un guichet « cohésion numérique des territoires » doté de 100 millions d’euros de l’État. Aujourd’hui, 11 opérateurs se sont joints pour faire des offres, qu’elles soient satellitaires, radio ou 4G fixe, aux Français qui sont les plus éloignés, qui souvent ont la double peine, c’est-à-dire de ne pas avoir la solution technologique la plus facile et en même temps de se voir proposer une solution parfois plus coûteuse. Pour éviter cela, nous avons mis en place ce guichet cohésion numérique permettant à chacun d’avoir ce coup de pouce et de disposer des meilleures infrastructures.
Ensuite, il y a le déploiement du mobile ; c’est la mise en œuvre du New Deal. Là aussi je n’y reviens pas, vous m’avez entendu m’exprimer. Je me souviens, il y a deux ans, je parlais d’un État qui doit savoir « se faire mal » au même moment où les opérateurs doivent savoir se faire mal, avec ce changement de paradigme. Force est de constater que, un an et demi après le New Deal, c’est 5 111 communes ou points fixes qui ont basculé des anciennes technologies vers les nouvelles, de la 2G/3G vers la 4G. D’ici fin 2020, ce seront 10 000 sites qui basculeront des anciennes technologies vers les nouvelles, c’est considérable.
Le deuxième élément, c’est l’éradication de ces zones blanches et là, je voudrais vraiment saluer le travail à nouveau collectif qui est fait entre les collectivités et les opérateurs pour ce faire. Au moment où je vous parle, ce sont près de 1 200 zones blanches qui d’ores et déjà ont été identifiées et ont fait l’objet d’un arrêté signé par les différents ministres concernés, et qui sont donc en cours de résorption. Sachant qu’une fois l’arrêté signé, les opérateurs ont entre un et deux ans pour mettre en œuvre et raccorder le nouveau pylône, qui représente autant de zones blanches que nous arriverons à couvrir dans les tout prochains mois. D’ici l’été, c’est près de 500 zones blanches qui seront couvertes. Et chaque année, nous continuerons ainsi à publier entre 600 et 800 points nouveaux traités à partir de ce New Deal. Là aussi, c’est un rythme, une accélération très importante et très significative et vous pouvez compter sur ma détermination pour continuer à aller en ce sens.
Je voudrais insister sur un point : tout cela est permis grâce au cadre que l’on a sécurisé, grâce à des engagements contraignants que nous avons pris, et nous devons travailler dans la plus grande transparence. C’est ce que l’on fait dans le cadre de comités de pilotage, je voudrais saluer notamment le préfet Mirabaud qui nous aide beaucoup sur ce sujet. C’est ce que l’on fait aussi grâce à l’action de l’Arcep avec une publication de l’avancée à la fois du New Deal et à la fois du déploiement du THD. Je crois que c’est vraiment par cette transparence que nous arriverons effectivement à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, et surtout à changer la perception de nos concitoyens. Beaucoup nous disent encore : « au final, est-ce que ces transformations sont vraiment pour moi ? ». Vous êtes tous au quotidien confrontés à cela et je crois que la meilleure des réponses que nous pouvons faire, c’est effectivement de mettre en œuvre très rapidement les choses.
Troisième élément sur lequel je voudrais insister, c’est la question de l’après, notamment la question de la réouverture du guichet.
Effectivement, Patrick Chaize l’a dit, nous avons pris une décision importante que nous avons annoncée : c’est la réouverture de ce guichet, conformément à l’engagement que j’avais pris sur ce sujet. La question aujourd’hui concernant cette réouverture est de savoir de combien nous abondons ce guichet ?
L’arbitrage que nous avons obtenu, la décision que nous avons prise, c’est que tous les euros aujourd’hui dans le guichet du FSN (ces fameux 3,3 milliards) resteront dans ce fonds du FSN pour alimenter les projets et notamment les phases supérieures des projets, c’est-à-dire surtout les phases de 2022 à 2025 qui doivent être prises en compte dès maintenant. Ce n’est pas quelque chose qui était forcément évident et couru d’avance, Patrick Chaize le sait très bien et il connaît toute l’énergie que nous avons mise pour obtenir cela. D’ores et déjà, c’est plus de 140 millions - 160 millions d’euros - qui sont disponibles au titre du reliquat du FSN.
Ce qui est sûr, toutes les évaluations le montrent, c’est que ce sera bien plus. En fait, nous avons la conviction assez nette que l’argent aujourd’hui dans le FSN permettra de couvrir au final les déploiements restants. La difficulté que nous avons est une difficulté de technique budgétaire, Patrick Chaize l’a très bien dit. Comment allouer ces sommes en préemptant le fait que, pour un projet donné, tous les euros ne seront pas dépensés et donc qu’ils pourront d’ores et déjà être réalloués à d’autres projets ? C’est un constat que vous faites tous les jours sur le terrain, lorsque vous voyez que la part du privé ne cesse d’augmenter, et donc que la part des financements des collectivités ou de l’État ne cesse de diminuer. C’est une dynamique dont on peut, je crois, tous se réjouir.
Aujourd’hui, notre organisation doit être de se demander comment, en préservant l’ensemble du FSN, arriver à donner suffisamment de visibilité aux collectivités dans les déploiements futurs. C’est simple à dire, c’est beaucoup plus compliqué à faire, j’en ai bien conscience, et nous sommes en train d’y travailler - je voudrais saluer à la fois mes équipes, Marc Chappuis ici présent, mais aussi les équipes de mon ministère, Zacharia Alahyane et Laurent Rojey. Nous sommes en train de travailler sur ce cahier des charges qu’on portera à consultation des collectivités pour justement déployer ce fonds FSN et donner cette visibilité importante aux collectivités. Encore une fois, j’ai conscience de la difficulté que cela implique mais j’ai aussi profondément confiance dans notre capacité collectivité à surmonter ces difficultés et à développer les phases ultérieures des différents réseaux.
Enfin, dernier point, et je ne voudrais pas quitter cette salle sans l’évoquer car c’est d’ailleurs un point qui, d’une certaine manière, est assez satisfaisant pour l’ensemble de la communauté que nous représentons : aujourd’hui, de plus en plus, le débat porte sur l’usage plus que l’infrastructure. Cela prouve que les déficits en infrastructure sont peut-être moindres qu’ils n’étaient auparavant. Cela prouve aussi que nous sommes profondément attendus sur cette question des usages. C’est ce que fait mon collègue Cédric O, c’est ce que l’on fait avec les collectivités, pour voir comment on accompagne les 13 millions de Français qui sont en situation d’illectronisme. Parce que cela ne sert à rien de faire arriver un TGV en bas du jardin s’il n’y a pas de station et si l’on ne peut pas monter dedans.
Aujourd’hui nous avons un défi dans l’ensemble des politiques publiques que nous développons à l’échelle nationale ou locale, qui est d’accompagner l’ensemble des Français dans l’utilisation à la fois de la data via le mobile ou des réseaux d’infrastructure. Cela passe par des enjeux très concrets, des enjeux de FAI, et je crois que vous allez en parler lors du TRIP. C’est un vrai sujet : quand vous prenez le taux de commercialisation par rapport au taux de recouvrement, on a une marge de progrès qui est immense, et il nous faut aborder avec sérénité et efficacité, comme on le fait depuis deux ans et demi, ce sujet. Cela pose la question des nouvelles politiques publiques que l’on déploie et notamment des nouveaux usages.
À toutes les collectivités locales ici présentes, je voudrais vraiment pointer du doigt ce que nous sommes en train de faire sur les nouveaux lieux, ces nouveaux tiers-lieux, avec une politique publique dédiée que nous avons lancée il y a plusieurs mois maintenant et que nous voulons démultiplier sur le territoire. Cela pose la question des maisons France Service : comment ces maisons peuvent aussi être des lieux où on accompagne les Français face aux transitions ? Parce qu’un service public ne peut pas être uniquement numérique, ce serait de la folie. Et en même temps, il nous faut accompagner nos concitoyens qui sont éloignés du numérique, pour pleinement bénéficier des nouvelles potentialités données. Et puis, cela passe évidemment par toutes ces questions d’inclusion qui sont faites avec le Pass numérique qui a été développé notamment.
Bref, vous l’aurez compris, il y a beaucoup de détermination de ma part, et une méthode qui, depuis deux ans et demi, je crois, commence à porter ses fruits. Je ne m’en félicite pas, parce que tant que les Français nous diront « je n’ai pas toutes les barres sur mon téléphone » ou « ma connexion internet n’est pas suffisamment forte », c’est que notre tâche collective reste très importante. Il y a une volonté très forte de ma part de continuer à avancer avec le même état esprit, sans jamais opposer les uns aux autres. Je crois vraiment qu’aujourd’hui on n’est pas du tout dans ces débats et c’est très bien ainsi. En revanche, que chacun assume ses responsabilités avec des engagements contraignants ici ou là, avec des efforts faits par chacun, avec des changements de paradigme parfois nécessaires. Je crois que c’est comme cela que l’on va avancer, comme cela que l’on va enfin être à la hauteur de ce défi, parce que n’oublions jamais, l’année dernière nous l’a bien montré, trop souvent le numérique a accru les inégalités plus qu’il n’a réussi à les résoudre et c’est cela tout l’enjeu, et toute la grandeur je dois dire, de l’action qui est la nôtre. Je ne serai pas plus long, je vous prie de m’excuser, mais je tenais vraiment, comme je l’ai fait à chaque fois depuis que j’ai été nommé au gouvernement, à pouvoir partager un moment avec vous au sein de ce TRIP. Je vous souhaite un très beau congrès, de belles tables rondes, et vous réaffirme une très grande envie de ma part de continuer à vous accompagner avec la même méthode, la même détermination, la même bienveillance, mais la même exigence aussi. Je crois que c’est comme cela qu’on avance. Un grand merci à vous tous, et spécialement à vous, Président, cher Patrick.