Numérique / Territoires

Financement du très haut débit, marché bi-face et neutralité du net Juillet 2011

Il faut une trentaine de milliards d'euros pour passer au Très haut débit en France, dix fois plus en Europe... Comment financer cette mutation ? Soit le client paye davantage l'abonnement ou les options pour accéder au réseau, soit les fournisseurs de services payent pour accéder au client... soit les deux !

C'est ce "marché bi-face", dans lequel les opérateurs peuvent financer la mutation par les deux côtés, qui a la préférence des patrons de Vivendi, Alcatel Lucent et Deutsche Telekom, dans le rapport qu'ils ont remis à la Commissaire européenne pour l'Economie numérique, Nelly Kroes.

Cette approche suppose que "l'Europe doit encourager la différenciation en matière de gestion du trafic", autrement dit, que la réglementation aille clairement dans ce sens.

La différenciation du trafic des réseaux existe déjà : le flux affecté au bouquet de programmes de télévision que propose un fournisseur d'accès à internet, ou à la voix, est déterminé, et le flux internet tout venant ne bénéficie que de ce qui reste. La question est de savoir si c'est à l'intérieur du flux internet qu'une différenciation serait établie. Et de la différenciation à la discrimination, il n'y a qu'un pas, que certaines pratiques peuvent engendrer (brider un trafic parce qu'il vient d'une société concurrente par exemple).

Force est de constater que le système actuel bénéficie aux plus gros des acteurs du côté des offreurs de services. Et comme il existe une forte prime au gigantisme, liée au marché de la publicité ou de l'exploitation des données personnelles, ce système aboutit à la création de géants du web qui utilisent la plus grande part du trafic sans en payer le coût.

Mais le système actuel permet aussi à toutes sortes d'acteurs d'émerger, car, au moins, ils ne sont pas victimes d'une discrimination technique. C'est bien la différence avec, par exemple, l'ancien système des media classiques : les fréquences audiovisuelles étaient rares, et il existait une très forte barrière à l'entrée, réglementaire et financière.

L'avantage d'un nouveau système, c'est de contribuer à financer les réseaux. Mais il contribuera à conforter les acteurs les plus gros, avec un risque tant concurrentiel (barrière à l'entrée pour de nouveaux offreurs de services, et pour l'innovation) que sur le pluralisme des contenus. Et il ne faire guère de doute que cette voie du "marché bi-face" sera choisie par l'Europe, d'autant plus qu'il s'agit de donner du poids à des acteurs souvent européens par rapport à des leaders mondiaux américains.

Avec cette évolution en cours, les régulations (règlementation ex ante, pouvoirs de règlements de différends sur l'accès aux réseaux et aux contenus) seront déterminantes pour éviter un retour en arrière sur les plus belles avancées d'internet. Pour les offres d'accès fixe et mobile à internet, l'ARCEP a ainsi défini quelques grands principes sur la neutralité, dont la liberté d'usage, la qualité suffisante et la non discrimination entre les flux.