Numérique / Territoires

L.1425-1 du CGCT : un article fondateur, à perfectionner Juin 2004

Le projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique comporte l'article fondant le droit des collectivités dans le domaine des infrastructures, réseaux et services de télécommunications.

Le futur L.1425-1 du CGCT, placé au chapitre des services publics, remplace le L.1511-6, qui était dans le chapitre des aides économiques. Au delà des infrastructures passives autorisées antérieurement, il permet d'établir et d'exploiter des réseaux actifs, et, sous condition, d'offrir des services aux utilisateurs finals. Il concerne l'ensemble des infrastructures et réseaux, y compris le câble. C'est donc une avancée tout à fait considérable.

Encore un progrès... à faire

Cet article est cependant encore imparfait, surtout au niveau des principes et pratiques pour offrir des services. Sur ce point, il reste en deça des possibilités ouvertes aux collectivités en Europe : au lieu du principe d'égale concurrence, il ne permet aux collectivités d'intervenir qu'en cas d'insuffisances d'initiatives privées.

De plus, la distinction entre exploitation de réseaux et fourniture de services aux utilisateurs finals, qui a pour but d'ouvrir assez largement aux collectivités le champ d'activité d'opérateurs d'opérateurs, en restreignant celui d'opérateur classique, est peu pertinente en termes juridiques et techniques.

Etablissement et exploitation des réseaux

Une des avancées que nous avons obtenues dans le texte adopté : ces réseaux peuvent être mis à disposition des opérateurs mais aussi des utilisateurs de réseaux indépendants (par exemple, un GFU d'hôpitaux ou universitaire, mais aussi pour relier deux sites d'entreprise distants).

En termes d'établissement du réseau, le parti hostile à l'intervention des collectivités a tenté d'imposer une obligation de cohérence avec les réseaux existants, qui aurait abouti à une incohérence et des surcoûts pour les nouveaux réseaux. Il a été obtenu que la cohérence soit entre réseaux d'initiative publique, ce qui oblige à une articulation des projets entre les différents niveaux de collectivité.

Restriction sur les services

La fourniture de services aux utilisateurs finals est soumise, sauf sur le câble, à de fortes restrictions : un constat d'insuffisance d'initiatives privées, à l'issue d'un appel d'offres infructueux. L'Avicam, l'AMGVF, la Fédération des SEM, l'ANROC, ainsi que l'AMF avaient pourtant souhaité l'abandon de cette procédure. Elle rajoute des délais importants, et semble juridiquement inadaptée concernant des services de télécommunications qui doivent être rendus à des tiers : ils ne sont pas fournis à la collectivité, mais aux entreprises, institutions et habitants de son territoire.

Séparation des fonctions

Une même personne morale ne peut à la fois exercer une activité d'opérateur de télécommunications et être chargée de l'octroi des droits de passage, et une comptabilité distincte est obligatoire.

Ces obligations, en particulier la séparation, ne pèsent pas pour de la simple location de fibres passives, qui ne sont pas des réseaux de télécommunications. La comptabilité distincte, qui existait pour le L.1511-6, semble malgré tout indispensable pour éviter d'être attaqué sur une concurrence déloyale, en particulier en cas de subventions des infrastructures.

Les collectivités exerçant des fonctions d'opérateur sont normalement soumises à l'ensemble des droits et obligations qui en résultent.

Toutes ces contraintes, mais surtout les nécessités intrinsèques de l'activité, devraient pousser à des délégations de service public, ou à la constitution de SEM et régies, voire d'associations dans les cas les plus simples (WiFi par exemple).

Subventions encadrées

Pour les territoires les plus défavorisés, quand les conditions économiques ne permettent pas la rentabilité de l'établissement de réseaux ou d'une activité d'opérateur, il est possible de mettre les infrastructures et réseaux à disposition, à un prix inférieur au coût de revient.

Les possibilités de subvention résultent du droit commun des marchés et délégations, et non d'un régime particulier fixé dans un décret. Rappelons que le L.1511-6 a été abrogé après être resté 3 ans sans décret. Les aides doivent être transparentes et non discriminatoires.

Le régime du câble, particulier et plus favorable

Avant même que la loi sur l'économie numérique ne soit promulguée, celle sur les communications électroniques la modifie en ce qui concerne le câble (article 115). Sur les réseaux établis et exploités par les collectivités avant la promulgation de cette deuxième loi, il n'est pas nécessaire de faire la publicité prévue, ni de constater les insuffisances d'initiatives privées, pour exploiter le réseau au sens des télécommunications, ni pour offrir des services aux utilisateurs finals.

Une nouvelle étape

L'intervention des collectivités a été ignorée dans la loi de 1996 ; mais un aménagement du territoire sans les réseaux de télécoms n'a pas de sens. Et qui d'autre que les collectivités porte cette préoccupation partout ? Après bien des conflits, voire des procès, la loi Voynet a amené une première réponse de principe en 1999. Trop restrictive, il a fallu la revoir en 2001. Trois ans après, des combats d'arrière garde subsistent encore pour freiner ce processus. Mais les faits sont têtus : sommées d'agir, par leurs habitants, leurs institutions et entreprises, et même l'Etat, les collectivités en réclament le droit, sans restriction, comme la quasi totalité de leurs homologues en Europe.