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Le législateur s'alarme sur l'entretien du réseau d'Orange Mai 2015

Multiplication des pannes, délais de rétablissement qui s'allongent, câbles qui tiennent les poteaux... les élus ruraux constatent une dégradation alarmante de l'entretien du réseau de l'opérateur historique. A tel point qu'une proposition de loi a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale (l'AVICCA ayant été auditionnée à cette occasion).

L'ARCEP avait pour sa part constaté que les indicateurs de performance du service universel n'étaient en effet pas atteints en 2013 (quand ils étaient fournis !) :

  • seules 78% des défaillances téléphoniques ont été réparées en moins de 48h alors que ce taux devrait être supérieur à 85% ; 
  • le délai de réparation des défaillances suivant la signalisation est de 67 heures au lieu de 48 heures pour la mesure des 85% des défaillances relevées le plus rapidement ; 
  • le délai de réponse aux réclamations des usagers, pour la mesure des 80% des réclamations traitées le plus rapidement est de 6 jours alors qu’il devrait être inférieur à 5 jours ; 
  • le délai de réponse aux réclamations des usagers, pour la mesure des 95% des réclamations traitées le plus rapidement est de 21 jours alors qu’il devrait être inférieur à 15 jours. 
 
Quant aux premiers mois de 2014, ils marquaient une nouvelle dégradation. Aussi, l'ARCEP avait déclenché une enquête administrative le 27 mai 2014, qui avait eu pour conséquence la présentation par Orange d'un plan d'organisation et d'investissements (le 4 novembre 2014), sans éteindre l'action lancée par le régulateur. 

Le rapport parlementaire s'ouvre sur un constat de terrain sans appel, assorti de photographies, sur l'état du réseau dans le Livradois-Forez, un an après des évènements météos. "Les lignes sont endommagées, les câbles parfois sectionnés, et laissés à nu. Dans certains cas, les poteaux n’ont pas été remplacés, ou redressés. Des câbles ont été fixés à la va-vite sur les premiers supports disponibles : arbres, poteaux cassés, panneaux d’entrée de village. Dans d’autres cas, les câbles sont laissés à terre, tandis que les équipements, comme les armoires ou les répartiteurs, disparaissent sous la végétation".

A ce stade, la proposition de loi adoptée contient trois dispositions concrètes :

  • un renforcement des dispositions d'accès facilitant l'élagage ;
  • la possibilité pour le maire de faire assurer l'entretien des abords, aux frais de l'exploitant, si celui-ci ne l'assure pas malgré un risque d'interruption du service ;
  • la remise d'un "rapport détaillé de son réseau fixe" par le titulaire du service universel, trois mois avant l'expiration de son attribution. Il doit comprendre une analyse "à l'échelle de l'arrondissement" lorsque les obligations du cahier des charges ne sont pas remplies. Ce rapport pourrait être transmis aux collectivités et à leurs groupements concernés, sous conditions.

En fait, les problèmes rencontrés portent en fait sur trois questions distinctes :

  • l'obsolescence des équipements qui offrent le service sur le Réseau Téléphonique Commuté (RTC) ;
  • le sous-entretien du réseau cuivre ;
  • le sous-entretien de l'infrastructure support du réseau.

Une partie des pannes provient en effet des vieux équipements du réseau téléphonique commuté, l'ADSL continuant à fonctionner. Ils ne sont plus maintenus par leurs fabricants, les personnels qui les connaissent, tant du côté industriel que de celui de l'opérateur, partent en retraite massivement, et ils ne présentent aucun intérêt économique. Année après année, le nombre d'abonnés au RTC chute inexorablement. Orange devrait bientôt finir par annoncer la fin programmée du RTC, sachant qu'un délai de prévenance est nécessaire. Cela devrait toucher les abonnés au service téléphonique seul, mais aussi tous les services professionnels qui sont basés sur ses fonctionnalités (télé-alimentation...).

Le sous-entretien du réseau cuivre pose davantage de problèmes de long terme aux collectivités. En effet, celles qui agissent en "montée en débit" n'ont aucune garantie, par exemple, que l'opérateur continue à construire des lignes et arrête les petits multiplexages.

Par ailleurs l'infrastructure du réseau cuivre a vocation à servir de support au réseau fibre. Dans les zones où Orange n'est pas l'investisseur du réseau, on ne peut écarter le risque d'un sous-investissement chronique. Un audit indépendant  sur l'entretien et la maintenance de l'infrastructure d'Orange, assorti de comparaisons internationales, permettrait de jauger la pertinence des choix techniques, organisationnels et budgétaires, comme cela avait été fait en son temps pour l'infrastructure ferroviaire. A contrario, un rapport écrit par le titulaire du service universel lui-même, trois mois avant l'échéance, a peu d'utilité. D'autant qu'il n'y a aucun suspens sur le fait qu'il soit reconduit...

Lors de la consultation publique sur l'attribution du service universel de 2012, l'AVICCA avait demandé un tel audit, ainsi que des mesures pour éviter le multiplexage et pour cerner plus finement la qualité de l'exploitaiton en milieu rural.