Numérique / Territoires

Le Nouveau PAP Juin 2004

Le Paysage Audiovisuel de Proximité se dessine, avec l'ouverture de la publicité pour la distribution, le lancement des appels à candidatures en hertzien analogique et les évolutions législatives. La loi sur les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle vient modifier les règles juridiques avec de nombreuses avancées grâce à la mobilisation des parlementaires. Resteront des chantiers majeurs : les aides économiques, la TNT et la syndication publicitaire.

Un rôle accru et clarifié pour les collectivités

Un nouvel article du Code général des collectivités territoriales (L.1426-1) reconnaît la compétence de toutes les collectivités, sur tous les supports, pour l'édition de chaînes locales. Les collectivités peuvent éditer des chaînes en direct, sur les supports non affectés par le CSA (satellite, réseaux câblés, Adsl...), mais pas en hertzien terrestre. Par contre, les Sociétés d'économie mixte (SEM), Etablissements publics de coopération culturelle (EPCC), ainsi que des Sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) peuvent désormais obtenir des autorisations en hertzien analogique ou numérique.

Les relations entre collectivités et éditeurs pourront être fixées dans des contrats d'objectifs et de moyens pluriannuels. Ce régime, appliqué déjà aux chaînes locales câblées, clarifie les rôles respectifs de chacun et les inscrit dans la durée nécessaire à la réussite de telles activités.

Un environnement économique moins pénalisant

La taxe sur les messages publicitaires d'un montant inférieur à 150 euros est supprimée. Cette taxe n'était que rarement appliquée, mais elle pouvait engendrer une ponction allant jusqu'à 13% des recettes pour Images Plus (Epinal), alors que les grandes chaînes étaient taxées à moins de 0,4%. Cette mesure bénéficiera à tous les formats de chaîne, commerciaux en premier lieu, mais également aux chaînes d'initiative publique qui complètent leurs ressources par la publicité.

Les contrats d'objectifs et de moyens seront soumis à un taux de TVA réduit de 5,5%. Cela pénalise moins les financements publics que le régime précédent et constitue une incitation à la négociation de ces contrats pluriannuels.

Reprise des chaînes d'initiative publique locale

Le dispositif qui donnait aux collectivités câblées la maîtrise d'un canal a été aboli, mais il est remplacé par une obligation faite aux distributeurs audiovisuels, sur tous les réseaux (hors satellite et hertzien), de transporter et diffuser les ''services d'initiative publique locale destinés aux informations locales'' ; les coûts de transport et de diffusion sont à la charge du distributeur.

Au delà du câble, ces obligations pourront peser sur d'autres réseaux comme la télévision sur Adsl, sous réserve d'un nombre suffisant de téléspectateurs potentiels. Un décret doit venir préciser ce point (sachant que certains décrets d'application de la loi du 1er août 2000 n'en sont qu'au stade de la consultation quatre ans plus tard...).

Des dispositifs anti-concentration fortement assouplis

De nombreuses mesures laissent présager des regroupements d'acteurs sur le ''marché'' naissant de la télévision de proximité.

Le bénéficiaire d'une autorisation nationale, en analogique ou en numérique, n'a pas le droit d'avoir une autorisation locale en analogique (sauf en Outre-Mer).

Par contre, le bénéficiaire d'une autorisation nationale en numérique (par ex. NRJ ou AB) peut obtenir des autorisations locales en numérique.

Pour les chaînes nationales bénéficiant d'une forte audience (à savoir TF1, M6 et Canal+), interdiction d'avoir plus de 33% du capital, ou des voix, dans une société bénéficiant d'une autorisation locale. Elles pourront donc participer à des réseaux, mais en restant minoritaires. Il sera par contre possible que d'autres structures nationales aient plus que la minorité de blocage dans un ensemble de chaînes locales.

Le cumul d'autorisations locales reste plafonné, mais ce plafond est passé de 6 à 12 millions d'habitants.

Il n'y a plus de plafond à 49% pour le capital d'une télévision locale. Ainsi, la PQR, qui était très demandeuse, pourra monter jusqu'à 100% des structures éditrices. Ce dispositif donne également de la souplesse dans le cas des SEM (si un actionnaire public majoritaire était à 51%, il n'était pas possible de postuler à une fréquence locale).

Pas de télévision locale pour l'Ile-de-France ?

Pour l'Ile-de-France, les divers plafonds ont été manipulés, dans le but de considérer qu'il ne s'agit plus d'une fréquence locale, mais nationale. Par des amendements successifs, le plafond pour considérer qu'une télévision est locale est passé à 10 millions d'habitants, alors qu'il devait être à 12. Objectif de la manœuvre ? L'Ile-de-France fait 11 millions, donc une fréquence sur cette région ne sera pas locale, donc TF1, M6 ou Canal+ pourront faire acte de candidature sur la TNT ! D'autant que parallèlement, le nombre d'autorisations nationales que ces groupes pourront détenir est passé de 5 (plafond qu'ils avaient tous atteint) à 7...

Résultat : il y avait une fréquence analogique francilienne, elle a été gelée pour faire un multiplex numérique local, et la loi permet de le rendre ''national''. A moins que le CSA ne maintienne sa position, en résistant aux pressions ?

Les acteurs du PAP demain

De nouveaux acteurs privés vont tenter d'émerger à l'occasion de la vague d'appels à candidatures en hertzien. Le dossier emblématique est celui de Marseille, dont l'audition des 8 candidats vient d'avoir lieu. Trois projets associatifs essaient de se faire une place parmi les poids lourds, en espérant au moins un partage d'antenne. Plusieurs acteurs nationaux, comme la COMAREG (groupe France Antilles), les groupes AB ou NRJ sont impliqués, avec parfois des montages (ou habillages ?) locaux.

L'existence de ces nouveaux entrants est dans les mains du CSA.

Qu'en est-il pour les "historiques" ?

La télévision d'expression purement associative est mal partie, entre l'abandon de certaines mesures générales (principalement les emploi-jeunes) et l'absence de mesure sectorielle (fonds de soutien). Sa seule viabilité est de se servir de sa dynamique pour nouer des partenariats avec les collectivités, maintenant que le cadre juridique est plus clair. Elle se rapprocherait donc d'une philosophie de service public.

Plus globalement, les chaînes d'initiative publique vont-elles se multiplier avec la clarification du cadre réglementaire ? En 20 ans, le câble a permis la naissance d'une centaine de télévisions, chiffre qui continue d'augmenter. Les premières chaînes hertziennes démarrent, avec TL7 dans la plaine du Forez, qui sera bientôt suivie de Nantes. Mais la nouvelle vague de décentralisation fait naître une incertitude sur les marges d'actions financières. On devrait donc assister plus à une croissance qu'à une explosion, où seules les collectivités déterminées, avec sur leur territoire des acteurs compétents, feront aboutir leurs projets.

Côté France 3, l'abandon du réseau de chaînes régionales en numérique se compense un peu par une politique d'élargissement des plages de décrochage sur l'analogique. Pas de financement à attendre de l'Etat, dans le contexte actuel. Sa mise en œuvre nécessite donc une dynamique interne pour gagner en productivité, et la mise en place de partenariats locaux pour trouver des financements. Un double pari.

La PQR a le champ réglementaire libre pour son schéma TPR, qui consiste à ce que chaque titre de presse dominant sur une zone devienne l'éditeur d'un chaîne locale hertzienne analogique. En effet, les chaînes nationales ne pourront obtenir ces fréquences locales ; M6 n'a pas le droit de faire de la publicité dans ses décrochages réguliers, donc ne peut les agrandir ; le plafond de 49% du capital a été aboli, mettant fin à la nécessité pour la PQR de trouver des partenaires. Reste la question économique, dans un contexte où la concurrence du gratuit mobilise les investissements. La rentabilité du schéma TPR repose sur la syndication publicitaire pour attirer la publicité nationale. Mais la couverture territoriale est très imparfaite, et le restera (il manque l'Ile-de-France), et de nombreuses agglomérations seront mal ou pas du tout couvertes. De plus, dès 2007, les chaînes nationales pourront elles aussi faire de la publicité pour la distribution : elles viendront rafler l'essentiel des budgets.

Réseau ou syndication

Au total, il serait surprenant qu'on assiste à la constitution d'un septième réseau national, dans les mains d'un acteur principal. La diversité des situations, va faire émerger des structures variées, avec des créations étalées dans le temps. Une des questions principales sera de mettre en place une syndication publicitaire la plus large possible, indépendamment des clivages actuels. Jusqu'ici, TPR n'a pas voulu se fondre dans un ensemble plus vaste ; tant que les "grosses fréquences" ne seront pas attribuées, cela risque de continuer.

Pourtant le temps presse. Sans large syndication, pas de recettes significatives. Et l'équation économique fera sans doute baisser les bras des acteurs privés locaux, au grand bénéfice de ceux qui n'attendront que leur essoufflement pour racheter ce qui peut l'être, et constituer ce septième réseau. Avec pour conséquence, de vider de sa substance la notion même de télévision de proximité.