Numérique éducatif : que veulent les collectivités ? Novembre 2020
Début novembre se déroulaient les Etats généraux du numérique éducatif. A l’issue des débats et des contributions, le ministère a publié une série de 40 propositions. Cette manifestation qui s'inscrit également dans le plan de relance a été l’occasion de ré-interroger les collectivités sur les points bloquants du numérique éducatif, de leur point de vue.
La première proposition des Etats généraux demande l’installation d’une gouvernance plus participative. Les collectivités réclament depuis très longtemps celle-ci et aussi se félicitent de cette proposition. Pour l’Avicca cependant, l’exercice de cette compétence demande d’abord la construction, au plus près du terrain, d’un véritable partenariat, d’une concertation locale en continu. Sans ce dialogue, les autres comités « supérieurs » ne disposeront d'aucune donnée terrain, ce qui conduira à des décisions issues de conceptualisations ou d'extrapolations déconnectées des besoins des acteurs éducatifs.
Cet avis vaut également pour le socle d’équipement du le 1D (proposition 18). S’il est plus simple de disposer d’une liste de courses, les échecs des politiques d’équipements de l'Ecole montrent qu’il est préférable de disposer d’une liste stable de fonctionnalités demandées par les équipes pédagogique et périscolaire. On doit par exemple pouvoir imprimer en A4, consulter telle plateforme, écrire sur telle autre, accéder à telle ressource, gérer l'accès au web, accéder à internet dans la salle de permanence, etc. Bref, répondre à un projet pédagogique.
Ces deux points nous ramènent à une demande phare des adhérents de l’Avicca, mais que nous n’avons pas retrouvée dans les 40 propositions : celle de disposer de référents numériques, en particulier dans les collèges et lycées, qui disposent d’une « vraie » lettre de mission, d’un véritable statut, qui soient connus de la collectivité (donc présents en tant que référents numériques dans les annuaires), que la collectivité puisse s’adresser à eux, et enfin que ces référents disposent d’une place dans l’équipe de direction. Pour les adhérents de l’Avicca, le pilotage des projets numériques fait défaut au niveau de l’EPLE ou de l’école ; or les référents sont des courroies de transmission entre les besoins du terrain et la collectivité.
Autre point que nous n’avons pas vu dans les propositions : la gestion des logiciels pédagogiques. C’est pourtant une autre difficulté importante à laquelle les collectivités sont confrontées. Si ces logiciels sortent du champ de compétence des collectivités et restent du seul ressort de l’Éducation nationale, il n’est pas possible de maintenir et de sécuriser les terminaux sur lesquels ils sont installés. Le problème peut être ainsi posé à l’extrême : une région ne peut gérer 40 000 logiciels sur 300 sites dont la taille, rappellons-le, est assimilable à celle de PME (cet exemple n'est pas fictif).
Par ailleurs, et c’est d’actualité (proposition 17), si l’effort d’une prime annuelle de 150 euros aux enseignants pour l’achat de matériel est bien accueilli par les collectivités, nous demandons une nouvelle fois à ce qu’il y ait une concertation avec la collectivité qui gère les équipements, les accès et la sécurité des réseaux des EPLE. Dans le cas contraire, les enseignants risquent de se retrouver avec un matériel inutilisable dans l’enceinte de leur établissement.
Les collectivités souhaitent également des actions cohérentes en provenance de la strate académique. Elles attendent un interlocuteur unique au sein du rectorat, afin d'éviter les postures ou décisions contradictoires, de permettre un effort d’harmonisation des pratiques entre les rectorats (en particulier pour les régions qui travaillent avec plusieurs rectorats) et enfin d'assurer une continuité des ordres de l’inspection dans le temps. Les projets numériques sont en effet des projets qui s'inscrivent dans un temps long.
Enfin, l'Avicca se réjouit que plusieurs propositions s’accordent avec celles portées par ses adhérents. Il en va ainsi de l’étendue de PIX et la nécessaire acquisition d’une culture d'usage, ou encore la mise en place d’une école résiliente aux évènements extérieurs. Sur ce dernier point, le premier confinement nous a appris que si un vrai partenariat pré-existait localement entre les acteurs (collectivités, associatifs et Éducation nationale), alors l’École résistait bien mieux.
En conclusion, l'Avicca regrette que ces 40 propositions du ministère n’adressent pas en premier lieu les "irritants" quotidiens. Le numérique est supposé faciliter, aider le travail quotidien de l'Ecole ; or les acteurs locaux constatent le plus souvent un décrochage des projets numériques d'avec la réalité du terrain. L'Avicca rappelle que ses propositions relèvent moins d’outils (ils sont là et sont potentiellement très performants) que de temps d’échanges, d’organisation, de construction collaborative du projet numérique et d’adaptabilité, dont le numérique éducatif a grand besoin.