Numérique / Territoires

Ondes et santé, passer d'une table ronde à des mesures bien carrées Juin 2009

A l'issue de la table ronde "radiofréquences, santé, environnement", le gouvernement a annoncé un certain nombre de principes d'action (transparence, attention, précaution, concertation), et a retenu dix "orientations". Il faut maintenant que ces orientations se traduisent par des mesures concrètes. C'est en particulier le cas pour deux dossiers qui concernent particulièrement les collectivités : les seuils d'exposition dans les lieux de vie (et leurs mesures), et l'implantation des antennes.

Vers des schémas de déploiements locaux planifiés ?

Pour les implantations des antennes, il est prévu d'expérimenter d'ici l'automne des dispositifs sur la concertation et l'information locale (orientation 8). Le dispositif le plus innovant repose sur des "schémas prévisionnels de déploiement élaborés au niveau des agglomérations de communes et validés par le Préfet". L'ANFr serait (orientation 6) "habilitée à proposer des solutions d'ingénierie de réseaux dans le cadre de procédures de conciliation ou d'élaboration des plans prévisionnels locaux d'implantation des stations radioélectriques".

Actuellement, ces implantations sont à la fois le fruit d'un historique, de la disponibilité des points hauts, de leurs coûts, etc. La couverture, en particulier dans les zones rurales est loin d'être optimale, avec des zones blanches et grises, et un faible taux de mutualisation entre opérateurs ; la minimisation de l'exposition dans les lieux de vie n'est pas un critère de déploiement.

Il y a donc beaucoup à gagner à tenter de rationaliser ces implantations. L'échelle "agglomération de communes", définition assez vague, est pertinente en milieu urbain continu, mais en milieu rural c'est probablement au niveau départemental qu'il faudrait agir. Avec quels pouvoirs pour les collectivités, les opérateurs, l'ANFr (puisqu'il s'agit du domaine public de l'Etat), les propriétaires de point haut ? La question est complètement ouverte.

Vers une baisse de l'exposition effective sans changement réglementaire ?

Des mesures de baisse de l'exposition aux stations d'émission étaient très attendues, et le maintien des seuils réglementaires actuels a provoqué des réactions. Le gouvernement réaffirme que, en l'état actuel des connaissances, "l'hypothèse d'un risque pour la santé pour les populations vivant à proximité des antennes-relais de téléphonie mobile ne peut être retenue".

L'orientation 5 s'intitule "un suivi raisonné des seuils d'exposition", sans évoquer explicitement la volonté d'une diminution de l'exposition réelle, alors qu'une telle baisse peut être obtenue hors mesure réglementaire, comme l'a prouvé la charte de Paris ou d'autres accords entre certaines villes et les opérateurs. Il est certes précisé qu'une révision des seuils n'était pas nécessaire "dans l'état actuel des connaissances" ; si l'on suit les récentes conclusions du SCENHIR au niveau européen ou de l'OMS, exposées pendant la table ronde, il y a peu de chances que "l'état des connaissances" évolue à court terme, à moins que l'AFSSET émette des recommandations différentes. Hors changement réglementaire, le gouvernement retient cependant trois pistes :

  • des modélisations et éventuelles expérimentations d'un changement des seuils, afin d'en "évaluer l'impact sur la couverture, la qualité du service, le nombre d'antennes". Cette proposition rejoint celle de l'Avicca. Elle devrait permettre de répondre à la question simple : peut-on faire mieux, et avec quelles conséquences ? Il paraît particulièrement important que cette recherche soit menée de manière transparente et indépendante des opérateurs. Il serait également utile d'observer comment la baisse réglementaire du seuil d'exposition dans les lieux de vie à 3V/m, qui devient effective dans la région de Bruxelles, est mise en oeuvre.
  • la "mise en oeuvre des meilleures techniques disponibles pour la réduction de l'exposition" sera "encouragée". Malheureusement aucune mesure concrète n'est suggérée pour cet "encouragement". A noter que l'article 5 du décret 2002-775 indique déjà que le dossier de déclaration pour une station doit préciser "les actions engagées pour assurer qu'au sein des établissements scolaires, crèches ou établissements de soins qui sont situés dans un rayon de cent mètres (...) l'exposition (...) est aussi faible que possible tout en préservant la qualité du service rendu". Est-il envisagé d'étendre cette disposition ?
  • la définition d'une "valeur cible" d'exposition dans les lieux de vie et de travail, harmonisée au niveau communautaire, sera également "encouragée". Il y a, certes, une clarification très utile à opérer entre des seuils réglementaires maxima à proximité des antennes et une valeur d'exposition, qui est seulement aujourd'hui supposée acceptable si ces seuils sont respectés. Mais si une harmonisation européenne apparaît souhaitable, elle peut renvoyer aussi toute évolution à une échéance indéfinie, puisque l'Europe ne peut émettre que de simples recommandations aux pays membres sur ce sujet.

Les orientations (6 et 7) sur le dispositif de contrôle des expositions sont plus précises. Bien que le document gouvernemental ne l'indique pas, le nouveau protocole de mesures devrait concerner les bandes de fréquences aujourd'hui utilisées pour déployer des réseaux de zone blanche (3,5 et 5,4 GHz), selon l'ANFr et conformément aux demandes de l'Avicca. L'Avicca avait également demandé une modification du financement des contrôles d'exposition, en taxant les opérateurs (qui financent déjà), et cette disposition sera "étudiée".

Information du public, précautions, indépendance de la recherche

Pour les campagnes d'information du grand public, des élus locaux et des professionnels de santé (orientations 1 et 2), il faudra sans doute attendre le rapport de l'AFSSET, prévu fin septembre. Dans le même temps, l'étude Interphone, sur les téléphones mobiles et non les antennes, attendue depuis plusieurs années, pourrait être publiée dans la presse scientifique, avec forcément des retombées médiatiques importantes.

La "prise en charge adaptée des personnes hypersensibles" et la poursuite de la "recherche sur les causes de ces symptômes" (3) donne la perspective aux médecins de ville d'avoir davantage d'éléments de réponse qu'aujourd'hui.

Les "démarches de précaution pour les citoyens"(4), qui ont pour but de diminuer l'exposition aux téléphones mobiles, en particulier pour les jeunes, peuvent être traduites assez rapidement dans la loi Grenelle 2, des décrets et des engagements volontaires des opérateurs.

Le financement de la recherche (9) doit être "rénové", en maintenant l'effort des opérateurs mais en "mettant un terme aux controverses liés au mode de financement actuel". Cette orientation rejoint également une des propositions de l'Avicca.

Au total, la table ronde, en quelques réunions, a brassé une grande variété de sujets : état des connaissances sur les risques pour la santé des téléphones mobiles et des stations d'émissions, problèmes de l'électro-sensibilité, financement et indépendance de la recherche dans ce domaine, responsabilité et gouvernance pour l'implantation des antennes, acceptabilité sociale des nouvelles technologies, état de la réglementation et de la jurisprudence, systèmes de mesures d'exposition, diversité des réglementations en Europe et recommandation européenne etc. Sur le seul sujet de la santé, l'AFSSET mène des auditions depuis près d'un an et doit délivrer son rapport en septembre. Autant dire que si beaucoup de questions ont été soulevées, il n'y a pas eu de réponses tranchées.

Un comité de suivi (10) doit être mis en place, ce qui apparaît indispensable pour traduire les nombreuses orientations retenues, ou simplement esquissées, en mesures concrètes.