Ouverture du colloque TRIP automne 2019, discours de Patrick Chaize, Président de l'Avicca Novembre 2019
Mesdames, Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs les élu(e)s,
Mesdames et Messieurs,
Vous tous qui nous aidez à répondre à l’urgence numérique.
L’Avicca organisait son tout premier colloque en 2005, au Sénat, en présence et avec la participation de Philippe Leroy, alors sénateur et Président du Conseil général de la Moselle. Il était aussi, secrétaire général de notre association.
C’était déjà l’urgence numérique et nombre d’entre vous se souviendront du combat parlementaire mené autour du fameux L. 1425-1, texte fondateur de l'aménagement numérique du territoire. Thierry Breton avait à l’époque échoué à empêcher l’adoption de cet article, grâce notamment à la ténacité et à la pugnacité de Philippe Leroy. A ce titre, l'ensemble des réseaux d'initiative publique, qu’ils soient de première ou de seconde génération, lui doivent beaucoup.
Philippe Leroy, vous le savez, nous a quittés cet été. En hommage à l’ensemble de son action en faveur des RIP, je souhaite lui dédier ce colloque d’automne.
L’urgence numérique a depuis changé de formes et d’exigences, mais elle reste au moins aussi forte qu’en 2005. Notre colloque d’automne, avec ses cinq tables rondes et ses quatre ateliers, mobilise une nouvelle fois l’ensemble de l’écosystème du numérique : plus de 250 structures représentées, la capacité maximale d’inscription est à nouveau atteinte et plusieurs ateliers ont dû placer certains d’entre vous sur liste d’attente…
Signe de maturité de ce TRIP que j’apprécie tout particulièrement, je note une participation impressionnante de ce que j’appellerai les « entreprises de l’avenir de nos réseaux », celles qui portent les usages présents et futurs de nos RIP. Bienvenue à elles.
L’urgence numérique depuis plusieurs années et pour quelques temps encore, c’est la formation aux métiers de la fibre, sur laquelle l’État, les adhérents de l’Avicca et ceux d’InfraNum travaillent sans relâche. Vous pourrez d’ailleurs, tout au long de ce TRIP, échanger sur ce sujet essentiel avec les responsables du centre de formation de Montereau.
L’urgence, c’est aussi la résilience de nos réseaux. Et cette résilience est mise à trop rude épreuve par le mode STOC, le moodstoc comme nous l’avons rebaptisé.
Vous pourrez observer les effets de ce premier dérèglement numérique tout au long de ce colloque jusqu’à son évènement de conclusion. J’espère ainsi convaincre les derniers « mode OI-sceptiques »...
La résilience se construit également avec une juste tarification des prises FttH qui permettra, dans la durée, d’en financer l’exploitation et les annuités d’emprunts réalisés d’une part, et de dégager d’autre part une marge suffisante pour intéresser durablement des opérateurs privés à exploiter et commercialiser nos réseaux.
S’il y faut néanmoins faire intervenir le Fonds d’Aménagement Numérique du Territoire dans cette équation économique, alors, allons-y franchement, sans plus attendre.
Autre sujet sur lequel il est urgent de nous pencher : la transition du cuivre vers la fibre. L’idée défendue de longue date par l’Avicca a fait son chemin : le maintien du réseau cuivre en plus d’un réseau FttH est aussi dispendieux qu’inutile. C’est la position désormais défendue par Stéphane Richard, président-directeur général d’Orange, depuis notre dernier TRIP de printemps. Un délai est fixé, 10 ans, ce qui semble raisonnable pour assurer une transition en douceur des clients qui ne sont pas encore passés à la fibre optique. Il est nécessaire d’expérimenter au plus vite cette transition. Nous pourrons facilement trouver des volontaires parmi les plus de 2 600 communes intégralement fibrées de la zone RIP. Le statut de zone fibrée, peu attractif en l’état, mais sur lequel j’ai un attachement particulier, devra être très rapidement revu pour en faire une véritable aide à une transition uniforme, tant en zone d’initiative privée que publique.
Je ne peux passer sous silence le nouvel arrêté technique et vous remercier, Monsieur le Ministre, d’avoir tenu parole, mais le travail n’est pas achevé. Il faut se pencher rapidement sur un guide des appuis communs spécifiques à la fibre.
L’urgence numérique, c’est hélas une nouvelle fois le marché professionnel, avec un risque de « non-assistance à concurrence en danger sur le marché des télécoms entreprises ». Le parallèle avec l’urgence climatique est évident. La terre se réchauffe, c’est un fait. Mais le dérèglement climatique entraîne une baisse des températures en certaines zones précises et limitées du globe. Imagineriez-vous un seul instant d’abandonner sur ces zones toute démarche de lutte contre le réchauffement global au seul motif que la température y baisse ? Non, bien sûr. Et pourtant, s’agissant du marché professionnel, c’est exactement ce qui se passe : les choix nationaux n’ont toujours pas réussi à ouvrir durablement la concurrence, mais l’Autorité dérégule à tour de bras les rares îlots de concurrence que les RIP 1G ont fait émerger. Le marché pro brûle, nos entreprises perdent chaque année un peu plus en compétitivité, et nous regardons ailleurs.
L’urgence numérique, c’est également le mobile. Non pas qu’il ne se passe rien de ce côté - c’est même tout le contraire - mais parce que le ressenti de nos concitoyens reste pour le moment insensible aux investissements réalisés, et pour cause : il pleut toujours là où c’est trop mouillé. Les sites 2G et 3G migrés vers la 4G sont certes nombreux, mais essentiellement situés dans des zones urbaines ou périurbaines déjà bien dotées en 4G. C’est un problème.
Autre difficulté : la mesure de la couverture au niveau national pour permettre - entre autres - une juste répartition du dispositif de couverture ciblée. Ce sujet technique, déjà abordé lors de nos derniers TRIP, sera à nouveau évoqué à la fois en plénière cet après-midi, et demain lors du lancement de notre Hackathon, T.Dat’Hack. Cet hackathon vise à travailler sur les données mobiles et fixes actuellement accessibles en open data avec l’ensemble de l’écosystème des télécoms, de la data et des réutilisateurs de données.
J’observe également depuis plusieurs mois un nouveau dérèglement numérique concernant le mobile : la préemption de certaines parcelles par des acteurs privés comptant les mettre à disposition des opérateurs mobiles au prix fort.
Nous avons réussi dans le cadre de la loi Elan à simplifier les procédures et à fortement raccourcir les délais, ce n’est pas pour que de nouveaux obstacles viennent enrayer la machine.
Il y a aussi de très bonnes nouvelles s’agissant de l’hertzien : je remercie ici publiquement l’Arcep, d’une part pour avoir su entendre notre appel pour prolonger l’ouverture du guichet THD radio - sujet qui préoccupait nombre de nos adhérents – et, d’autre part, pour avoir, à date, répondu en grande partie à nos attentes s’agissant des conditions d’attribution des licences 5G.
Nous avons également une très bonne nouvelle coté fixe : la réouverture du guichet France THD !
L’Avicca, qui a bataillé jusqu’au sommet de l’État pour cette issue, se félicite de cette annonce et remercie l’ensemble des acteurs qui l’ont rendue possible, à commencer par vous Monsieur le Ministre, cher Julien.
Cette réouverture, qui doit se traduire au plus vite et dans des conditions d’accompagnement adaptées à la typologie des prises restant à faire, souffre bien entendu d’un manque criant de nouvelles autorisations de programme.
Comment soutenir que les 140 millions d’euros disponibles pour le guichet 2.0 suffiront, alors qu’il reste un peu plus de 3 millions de foyers à fibrer sur 27 départements et que, selon notre estimation, l’ensemble des dossiers prêts à être déposés dès réouverture du guichet représente 462 millions d’euros de demande de FSN…
Le seul dossier breton nécessite pour ses 4 départements 200 millions d’euros. Et la Régie Auvergne Numérique, qui sera représentée à la première table ronde par Madame Juliette Jarry, vice-présidente de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, escompte bien pour ses 4 départements un peu plus de 100 millions d’euros. Et il reste une douzaine d’autres départements prêts à déposer une demande.
Pas besoin donc d’avoir fait l’ENA ou Polytechnique pour comprendre que le compte n’y est pas, et que les parlementaires doivent achever le travail dans le cadre du PLF 2020. Je me félicite d’ailleurs des nombreuses initiatives transpartisanes de plusieurs de mes collègues députés. Mais je regrette vivement que d’autres aient manqué de cohérence pour ne pas voter les amendements devant doter le guichet non pas de nouveaux crédits de paiement (CP), mais simplement de nouvelles autorisations de programme. Je rappelle juste que la motion portée par la députée du Jura Marie-Christine Dalloz avait été votée à l’unanimité de l’Assemblée nationale le 18 juin dernier. Je ne comprends vraiment pas le revirement de certains. C’est maintenant au Sénat de montrer l’exemple, et vous pouvez compter sur ma pleine et entière mobilisation.
Vous le voyez, les dérèglements numériques sont nombreux. J’aurais d’ailleurs pu parler aussi de la fragilité de l’article L. 33-13, mis en lumière une première fois par la QPC d’Orange. Or le L. 33-13 est la clé de voûte de la politique d’aménagement numérique du Gouvernement, et plus particulièrement de la question prioritaire de la complétude, qui sera abordée cet après-midi s’agissant des RIP et demain matin concernant les réseaux privés.
En conclusion, je voudrais insister sur l’exigence qui nous est faite de ne laisser personne au bord du chemin en matière de transformation numérique de notre société tout entière. Veillons tous ensemble à ce que le XXIème siècle soit celui de l’inclusion numérique, un sujet que nous aborderons avec l’aide la Mission Société Numérique en clôture du TRIP et pour lequel des solutions vous seront proposées.
Sur tous ces sujets, nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas. Bon TRIP à toutes et à tous.