Qualité des raccordements à la fibre : vivons-nous dans un multivers ? Mars 2025
CQFD épisode 1
Pendant que les opérateurs commerciaux continuent depuis 5 ans de promettre des lendemains meilleurs, pendant que l'Arcep continue d'observer qu'effectivement, demain ça ira mieux, pendant que les solutions techniques promises n'en finissent plus d'être reportées sans cesse, les difficultés rencontrées sur terrain continuent encore et toujours.
Certes, l'étude lancée l'année dernière par l'Avicca et la Banque des Territoires confirme que certains territoires, qui déclarent n'avoir que peu de problèmes avec les raccordements, sont effectivement réellement épargnés comparativement au restant du territoire. Pour autant, les opérateurs commerciaux ayant refusé l'accès à leurs sous-traitants, personne n'est en mesure d'expliquer les bonnes pratiques à reproduire ailleurs. Et comme rappelé à chaque fois, ces réseaux n'ont pas vu d'amélioration puisqu'ils ont simplement toujours été épargnés.
Certes, sur les autres territoires où le mode STOC endommage depuis l'origine les réseaux FttH, les armoires sont depuis quelques mois en meilleur état qu'auparavant. C'est un fait, une réalité indéniable mais qui cache avant tout un changement de pratiques des raccordeurs : lorsqu’ils débranchent un client pour en raccorder un nouveau, les techniciens des opérateurs commerciaux font désormais attention à bien passer la nouvelle jarretière comme il faut. Résultat : en dehors de certains réseaux toujours problématiques car non repris par l'OI, les armoires "plats de spaghettis" ont tendance à disparaître.
Pourtant si l'on regarde les points de branchement optiques (PBO) et les prises optiques, les problèmes de qualité demeurent. Oui mais, là aussi, on nous rétorque que "le volume des signalements diminue". Là encore, c'est factuel, mais pour quelles raisons ? Le nombre de nouveaux raccordements est en chute libre : fin 2024, il était inférieur de 40% à ce qui était encore observé fin 2020. Moins de nouveaux raccordements = moins de nouveaux problèmes de raccordements.
CQFD !
CQFD épisode 2
Le rapport annuel de la Médiation des Télécoms ne dit pas autre chose. En effet, le nombre total, tous services télécoms confondus des signalements à la Médiation des télécoms a diminué de 4% par rapport à 2023. Pourtant sur la même durée, la part des problèmes liés à la fibre a augmenté de 1%.
Et au cas où ce ne serait pas encore assez clair, la Médiatrice Valérie Alvarez ajoute dans son avant-propos : "Cette baisse est sans conteste le fruit d’une meilleure gestion des clients par les professionnels mais aussi le résultat du ralentissement des raccordements à la fibre (une baisse de 27 % par rapport à la même période en 2023), plus complexes et plus coûteux à déployer."
CQFD !
CQFD épisode 3
La DGCCRF va également dans le sens des alertes répétées depuis des années s'agissant des pratiques de sous-traitance du mode STOC. Observant que si la France fait partie des pays les plus raccordables à la fibre optique, « raccordable » ne signifie pas « raccordé ». En outre, « la qualité du service n’est pas toujours au rendez-vous : utilisateurs débranchés au profit d’un nouvel abonné, échecs de raccordement ou encore dégradations lors de l’installation. » Ainsi, confirmant le constat des collectivités et de leurs associations, la DGCCRF enquête sur le déploiement de la fibre optique, avec pour objectif de « rechercher toute pratique susceptible de créer des déséquilibres dans les relations commerciales entre les acteurs du raccordement final (fournisseurs d’accès et sous-traitants) pouvant se révéler à l’origine des difficultés subies par les consommateurs dans l’utilisation de leur connexion internet. »
CQFD !
CQFD épisode 4
Que voit-on sur le terrain ? Le reproche originel fait par les collectivités à l'observatoire de la qualité des réseaux en fibre optique de l'Arcep est qu'il mesure (à date) tout sauf l'état des dégradations causées par le mode STOC. Pourtant, il est possible de mesurer la qualité des raccordements des opérateurs commerciaux, certaines collectivités le font depuis longtemps déjà. Et sans surprise, les résultats vont évidemment à l'encontre de ce que mesure le Régulateur avec les seuls indicateurs fournis par les OC. En témoigne un RIP qui audite en moyenne 200 raccordements des 4 opérateurs chaque mois. Certes, les raccordements qui comportent au moins une malfaçon (plus ou moins grave) tournaient en moyenne à 80/90% des raccordements audités de 2022 à l'été 2024, et ont reculé à 70% en fin d'année. Peut-on se réjouir toutefois d'être encore à un tel taux ?
Ces indicateurs, jamais publiés, ne sont probablement pas exempts de tous défaut, ne serait-ce que parce qu'une malfaçon peut être considérée comme innaceptable par un RIP et acceptable par un autre. Mais pour autant, ne nous leurrons pas sur la validité des indicateurs transmis par les OC à l'Arcep afin de nourrir l'observatoire. Ainsi, on trouve toujours dans l'observatoire le taux de SAV par réseau, permettant à nouveau d'accabler les seuls OI. Cependant, un simple coup d'oeil sur l'évolution des signalements à tort, qui n'apparaissent toujours pas dans ledit observatoire, montre qu'en moyenne, encore 40% des incidents imputés par les OC aux OI incombent en effet à ces seuls OC.
CQFD !