Numérique / Territoires

Regards croisés sur les projets numériques Juillet 2018

La marche semble encore haute entre le fait de multiplier les projets numériques (voire les expérimentations) sur un territoire et le fait d’orchestrer tous ceux-ci en un projet cohérent de territoire numérique. Quels sont les points d’attention qu’impliquent la complexité et transversalité d’un tel objectif ? A l’occasion du TRIP de Printemps 2018 de l’AVICCA, une collectivité, un intégrateur, un expert des données et un établissement d’appui aux politiques publiques ont témoigné de la mise en oeuvre de la Smart city, lors de la table ronde dédiée au sujet. Proximité, organisation interne, interopéropérabilité des solutions, Open Data, choix des réseaux et des capteurs, procédures de passation des marchés comptent parmi les clés de réussite.

De la vidéosurveillance aux applications citoyennes

« Je suis en charge du numérique mais également de la voirie, de la propreté, de l’éclairage public, de l’assainissement et des transports. Lorsqu’on est placé face à tous ces sujets, on réalise que chacun peut être lié à une solution numérique », a rappelé Frédéric Sitbon, adjoint au maire de la Ville d'Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine, 87 000 habitants). Son objectif : « investir sur la ville intelligente pour plus de services, plus de sécurité, dans des rues propres, mieux éclairées et connectées, pour une meilleure qualité de vie globale ». Partant de la nécessaire modernisation d’un réseau de vidéosurveillance, grâce à l’ expérience professionnelle de l’élu, à la réorganisation interne des services de la collectivité et aux remontées des Asniérois, la ville a élaboré sa stratégie de smart city. Celle-ci comprend désormais ; une application smartphone de signalement pour les citoyens, le renouvellement de l’éclairage urbain (en LED et avec du LiFi), la pose de capteurs et de fibres noires, ainsi que l’équipement numérique des écoles.

Des capteurs aux briques interopérables

Attention, « on ne tombe jamais « amoureux » d’un capteur, on cherche toujours un résultat, qu’il soit financier ou politique », a prévenu Thibault Boullé. Le responsable commercial Smart city chez Sogetrel travaille avec 300 communes sur la vidéo. Cet outil peut permettre d’entrer dans un projet de territoire intelligent. Les applications smartphone avec lesquelles il est possible d’optimiser l’organisation déjà en place et de valoriser le travail des agents au quotidien dans la collectivité, en sont un autre. L’intégrateur fait le pari, depuis 2015, de partir de l’existant pour bâtir une offre de solutions modulaires pour la ville intelligente. La méthode se veut simple. Elle accompagne pas à pas la collectivité en ajoutant des fonctionnalités (stationnement, gestion de l’environnement et de l’énergie, civic tech) en fonction des besoins des territoires. Chaque « brique » est interopérable sur une plateforme de gestion, en interaction avec son application mobile. Sogetrel n’est jamais propriétaire des données, ce qui prend en compte la question clé de la réversibilité.

La donnée, oxygène de la ville intelligente

« On ne tombe pas amoureux d’un capteur, mais on pourrait se demander si on peut tomber amoureux d’une smart city ? », a rebondi Jean-Marie Bourgogne. Pour le délégué d’OpenData France, avec les enjeux de capteurs, d’infrastructures techniques et de processus de réorganisation, « la data est un élément capital dans la ville intelligente et sa maîtrise par les acteurs publics est très importante. Si cette donnée est appropriée par des acteurs privés, ou par les GAFA pour faire simple, on peut s’inquiéter sur la légitimité et la souveraineté de l’acteur public ». Environ 270 collectivités font de l’open data, quasiment toutes les régions sauf les DROM, un tiers des départements, toutes les métropoles et les grandes agglomérations mais seulement 1% des petites communes. Beaucoup de données sont publiées mais elles ne sont pas toujours normalisées et elles sont dispersées. La donnée est un patrimoine public informationnel qui n’appartient à personne en particulier, qui ne s’épuise pas, mais qu’il faut pour autant gouverner et gérer. Pour les territoires intelligents, il s’agit de produire des données gratuites (ou pas) sur internet, dans un état très fin, dans des formats ouverts... Tous ces principes représentent des enjeux techniques d’accessibilité, d’exhaustivité et de mise à jour qui sont complexes.

Choix techniques et de procédures de marché 

 « Concernant les capteurs, il est essentiel de savoir ce que l’on veut mesurer et pourquoi? », rappelle Florent Boithias. Le directeur de projets villes et territoires intelligents du CEREMA a notamment résumé l’étude récente sur « La ville et l’internet des objets - Mettre l’internet des objets au service de la ville intelligente et durable », qui a été pilotée par son établissement d’appui aux politiques publiqueset menée par 4 élèves de l’Écoles Nationale des Ponts et Chaussées (en lien ci-dessous). La question technique de l’architecture du réseau de capteurs reste primordiale. Recommandations : bien identifier le besoin au démarrage, trouver la qualité de mesure pour ce qu’on veut mesurer, anticiper la maintenance, rechercher une interopérabilité maximale, examiner la question de la propriété (des capteurs, des données et des algorithmes qui sont une valeur ajoutée), et veiller à la sécurité du système. Dernier point, comment contractualiser dans un domaine aussi innovant ? Les marchés publics classiques sont peu adaptés mais il existe d’autres possibilités telles que : marché de recherche et de développement, partenariat d’innovation, appel à projets, convention d’occupation du domaine public, gentlemen’s agreements…

L'accompagnement de l'AVICCA

Au départ, cette thématique de la smart city est un sujet de marketing, lancé par des vendeurs de solutions informatiques. Il n’est donc pas étonnant que l’approche technique prime sur la dimension humaine et urbaine. En outre, les villes les plus smart ne sont pas forcément celles dont on parle le plus. Il y a souvent encore trop de communication et trop peu d’expérimentations. Pour cela, il faudrait que davantage d’élus se saisissent des enjeux, élargir le cercle des services administratifs et techniques à mobiliser, mais également davantage impliquer  les citoyens. Sur tous ces points, l’AVICCA souhaite vous accompagner pour dépasser l’âge du dire et passer à l’âge du  « faire ». L’AVICCA devrait notamment contribuer à une nouvelle étude du Cerema sur les indicateurs de performance des différents types de réseaux existants pour l’IoT. Si vous souhaitez y participer, merci de prendre contact avec luc.derriano@avicca.org