Numérique / Territoires

THD 92 : aveu de faiblesse de Numericable, nouveau départ ? Décembre 2007

Numericable est le principal acteur du consortium d'entreprises qui s'est fait attribuer la délégation de service public "très haut débit" des Hauts de Seine (827 000 prises). Les deux autres, Eiffage et LDCollectivités, sont déjà présents dans les réseaux ouverts d'initiative publique. Numericable/Ypso ne l'était qu'à la marge dans le réseau de l'Alsace.

Sur de nombreux points il s'agit d'un changement majeur :

  • dans ses publicités Numericable fait croire que son offre est déjà sur fibre optique... et il va falloir construire un réseau en fibre optique jusqu'au bout
  • Numericable déclare que son réseau est déjà ouvert aux opérateurs ...et il va falloir le faire sur le nouveau réseau
  • depuis de longues années Numericable conteste le fondement même des délégations de service public qu'il a repris sur le câble

Mais beaucoup plus fondamentalement, Numericable voulait croire, ou faire croire, que Neuf et Free étaient marginalisés dans la course au très haut débit du fait que son réseau allait offrir les mêmes services avec une avance de plusieurs années : 2 millions de prises opérationnelles en 2008, dix mille prises construites par jour, du 100 Mega en plus de la bande passante pour la télévision...

Si l'avance du câble est si considérable, en termes de déploiement, de capacités techniques et de marketing, quel peut bien être l'intérêt d'une opération comme celle du 92 pour Numericable, dans un département qui est déjà presque entièrement câblé ? La collectivité ne met que 59 millions d'euros, il faut donc en trouver 363 pour construire le réseau, un réseau qui va être ouvert à ses concurrents FAI, inutile pour lui-même (puisqu'il peut offrir les services par ailleurs, à moins de dévaloriser son réseau coaxial), et qui est un bien de retour pour la collectivité ?

La réponse, c'est que Numericable n'avait guère le choix, parce qu' elle est déjà marginalisée dans l'internet, et parce que son avance sur le déploiement de réseaux risquait de se réduire fortement avec l'ouverture régulée des fourreaux de France Telecom.

Côté internet, Numericable n'ose même plus transmettre ses chiffres à l'Arcep, alors que ceux de ses concurrents, côtés en Bourse, sont publiés chaque trimestre. Avec une pénétrration inférieur à 700 000 abonnés, dans 9,5 millions de foyers des plus grandes villes de France, le retard est considérable. Moins d'un abonné à la télévision de Numericable sur cinq a choisi le triple play...

Côté mutualisation des fourreaux et des gaines, les travaux bien engagés devraient dégager des solutions dès 2008. D'ici 3 ou 4 ans, c'est toute la tête de pont de Paris et de la première couronne qui risquaient d'être perdus pour Numericable, de toute façon.

Il semble donc qu'un virage stratégique ait été pris

  • vers un réseau FTTH, à l'investissement plus lourd, mais à l'exploitation plus facile qu'un réseau câblé
  • vers un réseau proposant une véritable offre de gros à ses concurrents, reprenant une stratégie qui a si bien réussi à LDCom/9/Cegetel

Cette nouvelle orientation va-t-elle effectivement se concrétiser ? Si oui, va-t-elle se limiter aux Hauts de Seine ? Imaginons que les 50 villes du plan câble se lancent dans l'aventure, sans parler de celles qui ont un réseau câblé en délégation de service public... Il s'agirait d'un bouleversement majeur, par la rapidité de la mise en oeuvre, et par une ouverture d'un jeu du très haut débit qui sinon risque de se figer à trois acteurs.

Mais il reste tout d'abord à franchir l'obstacle côté Bruxelles, et à vérifier que les engagements se tiennent.