Numérique / Territoires

TRIP d'automne 2021 - Discours d'ouverture de Patrick Chaize, président de l'Avicca Novembre 2021

Retranscription, seul le prononcé fait foi

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs les responsables d’entreprises et d’administrations,

Mesdames et Messieurs, chers amis du monde du numérique,

En premier lieu, je tiens à remercier l’espace Charenton qui a su nous proposer une solution de repli très rapidement lorsqu’il y a de cela deux mois seulement, l’Institut Pasteur nous informait qu’il n’accueillerait aucun évènement au moins jusqu’à la fin de l’année.

Je veux également en commençant mon intervention remercier l’ensemble de l’équipe de l’Avicca qui sous la houlette de son délégué général Ariel Turpin a su réagir et s’adapter pour vous organiser dans les meilleures conditions cet événement tant attendu. On verra le moment venu où se déroulera le prochain TRIP d’automne, mais pour celui du printemps, je vous donne rendez-vous ici-même, les 1er et 2 juin prochains, entre les élections présidentielles et législatives.

Et qui dit élections dit programme ! C’est dès maintenant qu’il nous faut travailler à une feuille de route de l’aménagement numérique de la France pour la prochaine mandature. Nous avons eu le plan France Très Haut Débit pour la fibre, le plan du New Deal pour le mobile, nous aurons normalement demain la présentation du plan d’Orange pour éteindre le réseau cuivre. Que de plans !

Et pourtant, il en manque un, essentiel, pour parachever la transformation numérique tout en contribuant à la transition écologique de la France. Ce plan devrait être focalisé sur les questions environnementales pour amplifier et industrialiser les initiatives locales en matière de territoires connectés. Nous souhaitons un dispositif structuré, financé par l’État, adapté à la diversité de tous nos territoires, et sur une même échelle de temps que ceux qui ont assuré la modernisation de nos réseaux de communications électroniques.

Une telle organisation est demandée par tous les acteurs de la filière, à commencer par InfraNum dont je salue les représentants, notamment Etienne Dugas et David El Fassy. La presse s’en est déjà fait l’écho, comme j’ai pu le lire récemment aussi bien dans La Tribune que dans la Gazette des Communes. Et ça tombe bien, nous avons travaillé à une proposition en ce sens, à l’Avicca. Elle vous sera présentée demain en fin de matinée par notre collègue Jean-Marie Bost, président de Dorsal, que je salue ici. Nous apportons notre contribution et nous vous invitons à la critiquer, à l’amender ou à la compléter. C’est un rendez-vous important que je vous invite à ne surtout pas manquer, car je fais le pari que la future mandature, quelle qu’elle soit, devra porter un tel dispositif.

La grande actualité de cette fin d’année, c’est bien évidemment un autre plan : le plan de décommissionnement du réseau cuivre de l’opérateur historique. Annoncée par Stéphane Richard, président directeur général d’Orange, lors du TRIP de printemps 2019, l’extinction a déjà été testée sur le terrain en 2020 et de nouvelles expérimentations sont en cours. Les adresses ne pouvant plus souscrire un abonnement ADSL se comptent désormais par millions. La réalité de la fin du réseau téléphonique commuté va s’imposer rapidement à tous les Français, comme vous le découvrirez demain au travers des propos de Stéphane Richard, après une table ronde que j’aurai le plaisir d’animer sur ce sujet, avec les représentants des 4 OCEN , les opérateurs commerciaux d’envergure nationale, et de l’Arcep.

Car le sujet ne concerne bien évidement pas seulement Orange. Les opérateurs commerciaux présents sur le cuivre sont intéressés au premier plan. Ceux déployant la fibre le sont tout autant, ne serait-ce que pour les sujets de complétude. Tous les usagers qui ne peuvent pas encore se raccorder effectivement à la fibre ont besoin d’un maintien de la qualité du réseau cuivre. Quant aux collectivités, elles seront une nouvelle fois en première ligne. Il faudra en effet leur aide pour expliquer aux habitants ce qui se passe, convaincre les réticents, accompagner les plus fragiles, parer aux fraudes et arnaques qui vont inévitablement profiter de ce grand changement. Enfin, il faudra déposer le cuivre et mobiliser pour cela la filière. Et il faudra le faire sans endommager le réseau fibre optique plus qu’il ne l’est déjà du fait du mode STOC.

Justement, le mode STOC, il en sera à nouveau question dans quelques minutes, lors de notre plénière. Mais pourquoi diable ce sujet est-il encore sur la table ? Cela devait être réglé avant l’été... mais ça ne l’est franchement pas !

Pire, à ce constat détestable s’ajoute une nouveauté dont on se serait bien passé : il me remonte de plus en plus de cas de déçus de la fibre, déçus qui repassent à l’ADSL. Bien sûr, rien de massif, mais la seule existence de ce mouvement doit tous nous interroger. Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment est-il possible encore de gâcher ce moment historique de l’arrivée du FttH par des comportements que rien ne saurait excuser ?

Si des mesures radicales devaient être prises demain s’agissant de certains acteurs ou du mode STOC lui-même, que personne ne vienne s’en plaindre ! L’Avicca continue d’être intransigeante sur ce dossier, mais reste en soutien de toutes les initiatives concrètes visant à améliorer la situation. Donc pas seulement en parole, mais en acte. Cela va de la signature des contrats STOC v2 aux travaux de notation des OI et OC en passant par la mise en open source des solutions logicielles visant à limiter la casse sur le terrain.

À propos de casse, j’ose espérer tout le monde est bien conscient qu’il va désormais falloir payer ou faire payer les réparations. Certains OI et RIP sont venus m’indiquer les coûts prévisionnels de remise en état, cela donne le vertige. Il est hors de question que les victimes, nos administrés, les collectivités et l’État en supportent le moindre euro. S’il le faut, je me battrai pour le faire écrire en dur dans la loi : les casseurs devront passer à la caisse !

Pour en revenir à la feuille de route de la prochaine mandature, l’alimentation du FSN pour le 100% FttH n’est peut-être plus le sujet le plus urgent. À une exception près, Mayotte, qui a besoin d’un abondement de 22,5 millions d’euros pour ne pas revivre l’expérience du cuivre. En effet, en choisissant la France en 1976, les Mahorais n’ont pas pu bénéficier du fameux plan Delta LP, ce qui fait qu’il n’y a dans ce beau département d’outre-mer que 18 000 lignes téléphoniques pour 50 000 logements. Ne laissons pas l’histoire se répéter : il faut aider Mayotte à se doter d’un réseau 100% FttH comme le restant du territoire.

Pour les autres RIP, grâce au Plan de relance et à l’affirmation par Cédric O de l’objectif du 100% de raccordables FttH pour 2025 sur l’ensemble de la zone publique, nous devrions pouvoir être au rendez-vous, même si nous aurions préféré de meilleures conditions d’aides, des subventions aussi favorables qu’en 2013. 

S’agissant de la zone d’initiative privée, il faudra en revanche peut-être se soucier d’alimenter le FSN pour achever les zones très denses - quelle ironie ! On peut aussi penser qu’il le faudrait aussi si les AMEL ne tenaient pas leurs promesses, pardon, leurs engagements. J’y reviendrai dans un instant. Mais la priorité de la prochaine mandature doit porter sur l’exploitation de nos réseaux FttH et le bon raccordement de l’ensemble des foyers et entreprises. Que veulent les opérateurs et le Régulateur ? Une tarification unique du FttH sur tout le territoire ! Soit, mais il faut alors que tous acceptent alors la mise en place d’un fonds de péréquation national pour l’aménagement numérique de la France, permettant de compenser les écarts de charges d’exploitation, de création de nouvelles dessertes, l’enfouissement ou la sécurisation de lignes, ou encore de nouveaux raccordements en zone d’initiative publique par rapport aux zones d’initiative privée.

Le futur Service universel sera, je l’espère, utile pour les raccordements très complexes, mais n’y suffira pas. La dépéréquation n’a pas été choisie par les collectivités locales. Les conséquences financières de ces choix ne doivent donc pas leur être imposées. Et puis je compte bien entendu sur l’État, qui a su imposer la double taxation copie privée des appareils recyclés aux dépens de toute logique environnementale, pour être tout particulièrement inventif afin d’alimenter ce fonds de péréquation national.

Au passage, je reste toujours très perplexe devant le traitement de la couverture FttH des zones d’initiative privée. Les gouvernements successifs - et dans une moindre mesure l’Arcep - ont toujours déroulé le tapis rouge aux opérateurs privés. Acceptons, mais en retour, rien. Il n’y a pas d’amour mais que des preuves d’amour disait Cédric O… Les problèmes d’absence de complétude se concentrent en zone AMII et zone très dense. Certains n’ont peut-être pas compris le sens de l’article que l’Avicca a publié en juillet dernier : « Complétude de la zone AMII : la pièce de théâtre que l'on ne prendra pas la peine d'aller regarder ».

Le propos était de dire qu’il faut arrêter de faire semblant de vouloir sanctionner les opérateurs pour le non-respect de leurs engagements de déploiement en zone AMII. Il y avait une échéance à fin 2020, elle est passée de bientôt un an, passons à autre chose. Il y a une autre échéance en 2022, si l’État et l’Arcep veulent vraiment montrer les crocs, qu’ils le fassent dès maintenant pour l’échéance du 1er janvier 2023, en considérant la trajectoire des déploiements et l’enlisement des « raccordables sur demandes ». Ce sera le bon moment pour demander des comptes aux conteurs. Mais par respect envers les 3 millions de foyers à qui l’État et les opérateurs privés avaient en avril 2011 promis, croix de bois, croix de fer, de les rendre raccordables au FttH à la fin 2020... arrêtons de faire semblant.

Si je pense qu’il faut surseoir provisoirement aux sanctions sur la zone AMII au moins jusqu’à l’échéance de 2022, en revanche, il y a deux points sur lesquels je ne veux rien lâcher :

- premièrement, la complétude des ZAPM : l’Arcep doit sans état d’âme faire respecter sa réglementation. Or cela fait des années que l’Avicca réclame de rendre publiques les dates de mise à disposition des ZAPM ; pourquoi ce black-out ?

- deuxièmement, le respect des échéances des AMEL : la situation est autrement plus grave qu’en zone AMII, pour lesquelles peu de RIP étaient lancés, même si j’ai une pensée toute particulière en disant cela pour la métropole de Lille. Les AMEL sont venus en substitution de RIP, avec des promesses fortes du gouvernement de ne rien laisser filer. Que l’État respecte sa parole, et que l’Arcep ne se fasse pas désirer. Sinon, il y aura des territoires entiers cette fois et pas seulement quelques communes, quartiers ou habitations de ZAPM qui seront abandonnées à leur sort. Agissez, et agissez maintenant !

Regardons ce qui se passe sur les zones RIP. Elles sont de plus en plus nombreuses à atteindre la complétude, même les plus rurales. Dernière en date, la Corrèze. Son président, Pascal Coste, vous présentera dans quelques minutes le tour de force qu’il a réussi pour couvrir aussi rapidement l’intégralité de son territoire. Pardon, l’intégralité de la zone d’initiative publique de la Corrèze. Car pour la zone AMII de Tulle et celle de Brive- la-Gaillarde, c’est une tout autre histoire... Le Président Coste vous expliquera ce que signifie, pour lui comme pour beaucoup d’autres collectivités, la complétude des déploiements FttH.

Voilà nos préoccupations pour le Très haut débit, avec de lourdes préoccupations qui occultent hélas l’immense succès collectif, qui place la France en tête des pays européens pour l’aménagement numérique des territoires, grâce à vous toutes et tous dont je salue l’action.

Autre sujet préoccupant, avec une progression des cyberattaques de 400% en l’espace de quelques mois, la cybersécurité est devenue l’une des priorités des acteurs du numérique, et sera très certainement à l’agenda du prochain gouvernement.

Nous l’avons bien vu au moment du premier confinement, les attaques informatiques, elles, n’étaient pas confinées ! Avec le recours au télétravail et le développement massif des usages (pour le numérique éducatif ou les télédiagnostics, par exemple), les systèmes d’information ont dû aussi adopter - et souvent en urgence - les bons gestes « barrière ».

Quelle que soit leur taille et leur notoriété, les collectivités représentent des cibles comme les autres pour les cybercriminels. Une quarantaine de collectivités publiques sont attaquées par semaine, selon Guillaume Poupard, directeur général de l’ANSSI.

La prise de conscience est de plus en plus forte, avec un risque accru pour les collectivités de « petite taille ». L’Avicca pousse à ce qu’un ou des dispositifs spécifiques soient mis en place. Il faudra également des mesures incitatives pour mutualiser l’informatique des collectivités entre elles, afin d’atteindre un haut degré de protection.

Il nous semble qu’un sujet reste dans l’angle mort : celui du manque de robustesse et de fiabilité des capteurs et des réseaux de l’internet des objets. Il y a déjà plusieurs années, démonstration a été faite de l’action d’une télécommande de TV sur le contrôle des feux de circulation dans une ville allemande. À Aix-en-Provence, le système d’arrosage automatique a également été ciblé, tout comme les panneaux d’information de la ville de Rousies dans le département du Nord. Nous abordons d’ailleurs ce sujet dans notre proposition de Plan France Territoires durables et connectés, cité précédemment.

Notre feuille de route prévoit bien sûr de nombreuses autres actions que je n’aurai pas le temps d’aborder ici, que ce soit pour le numérique éducatif, qui représente un budget voisin d’un milliard d’euros en 2021 selon la Banque des Territoires, l’inclusion numérique, le marché professionnel des télécoms dont il sera question en deuxième partie d’après-midi, le mobile etc. Reconnaissons, s’agissant du mobile, que la mandature qui s’achève aura déjà fait beaucoup en troquant enfin avec les opérateurs mobiles l’argent des licences contre l’extension de la couverture. Tout n’est pas parfait, mais nous commençons enfin à voir, avec un décalage temporel, les fruits de ce choix.

Il est cependant encore un sujet sur lequel je souhaite que tous, collectivement, nous nous mobilisions pour la prochaine mandature et même bien au-delà : la prise en compte de l’impact environnemental du numérique dans toutes nos grandes décisions. Il nous faut capitaliser collectivement sur les premières actions prises par les parlementaires au travers de la loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France (Reen). J’accueillerai tout à l’heure un des meilleurs soutiens que nous ayons eus sur ce texte, le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, Cédric O. Je lui réserve pour l’occasion mes remerciements appuyés.

Ensemble, État, régulateur, collectivités, acteurs privés de la filière... nous devons mettre en œuvre une politique concertée de limitation des impacts environnementaux du numérique. Parce qu’au cas d’espèce, contrairement aux non- respects des engagements L. 33-13 ou de la réglementation, les sanctions climatiques tomberont toutes seules. Vite et brutalement, sans échappatoire, sursis ou autre.

Un mot de conclusion pour quelqu’un que nous avons accueilli lors du TRIP du 18 octobre 2012 : le président fondateur de la FiRIP, devenue InfraNum, Étienne Dugas, qui avait alors annoncé la création de cette filière avec comme membres fondateurs Marais bien entendu, mais également Altitude Infrastructure, Nomotech, Scopelec, Sobeca et Sogetrel... J’ai invité Étienne à prendre la parole lors de cette première journée de notre colloque.

Je vous souhaite à tous et à toutes un excellent TRIP en présentiel. Profitez bien de ces moments devenus trop rares depuis 2020, et continuez à prendre le plus grand soin de vous et de vos proches.

Je vous remercie !