Numérique / Territoires

TRIP d'automne 2022 - Discours de Jean-Noël BARROT, Ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications Janvier 2023

(Retranscription, seul le prononcé fait foi)

 Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Chers Collègues,

Monsieur le Préfet,

Mesdames et Messieurs les élus,

Monsieur le représentant de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes du Sénégal,

Chers toutes et tous,

 

Je suis très heureux d’être présent parmi vous au TRIP automnal de l’Avicca, un TRIP musical cette année, enfin quand c’est un orchestre de cuivres, ça se rapproche plus d’une fanfare que d’un orchestre symphonique. Je sais à quel point c’est un rendez-vous incontournable - et ce depuis 2007 - pour parler numérique et territoire. J’espère d’ailleurs bien pouvoir être des vôtres ce printemps !

L’Avicca, en regroupant les collectivités engagées dans le numérique, a fait de l’échelon du territoire un maillon essentiel et à raison. En effet, les territoires sont devenus la clé de voûte d’un numérique accessible à tous les Français.

 

C’est aussi l’ADN de l’Avicca que d’être mobilisée sur de nombreux chantiers structurants pour l’avenir numérique de notre pays : le développement des territoires connectés, la connectivité tant fixe que mobile pour nos concitoyens, le numérique éducatif, la cybersécurité, que vous évoquiez Monsieur le Président, ou encore l’inclusion numérique. Je reviendrai dans quelques instants sur la cybersécurité.

J’ai pu, en me rendant à Aurillac, fin août, pour Ruralitic, ou encore lors de mon intervention aux territoires connectés de l’ARCEP, partager mon ambition, l’ambition du Gouvernement, de faire du numérique un puissant levier dans la réduction des fractures territoriales. C’est ainsi tout l’objectif des politiques publiques conduites ces dernières années et qui continueront à l’être jusqu’en 2027. Ainsi, dans le cadre de nos objectifs d’aménagement du territoire, l’accès au numérique ne doit pas représenter un frein.

Avant de vous parler plus en avant de la thématique retenue pour animer vos deux journées d’échanges, à savoir la fin du réseau cuivre, je voudrais prendre quelques minutes pour revenir sur les succès qui ont été les nôtres, depuis cinq ans, sous l’impulsion du Président de la République, avec votre détermination et celle de tous les acteurs, et qui permettent de faire de la France une grande nation du numérique et des télécommunications.

Concernant le déploiement de la fibre qui est le plus important chantier industriel de ce début de siècle, nous n’avons pas à rougir du résultat. En effet, 70 % de nos concitoyens sont éligibles à une offre fibre et d’ailleurs plus de la moitié ont souscrit à un abonnement. C’est vrai aussi bien pour nos entreprises que pour les citoyens eux-mêmes. Cette situation nous confère une place de leader au niveau européen. En comparaison, l’Allemagne n’en est qu’à 26 % du déploiement. Je tiens ainsi à saluer l’engagement des collectivités et des opérateurs, notamment grâce aux Réseaux d’Initiatives Publiques, franc succès de la mobilisation des territoires. Ils ont permis de déployer onze millions de lignes fibre en zone rurale en près de dix ans.

Et c’est précisément sur ces zones rurales, ou encore éloignées, parfois, d’un accès de qualité, que je souhaite que nous nous concentrions.

Derrière les bons chiffres que j’évoquais à l’instant, il ne faudrait pas relâcher nos efforts ou se laisser porter par une forme d’angélisme, et je vous rejoins Monsieur le Président. Il y a encore certains défauts et des dossiers qu’il convient de traiter, j’en ai conscience et je suis mobilisé pour définir le cap de ces prochains mois et années, déterminantes dans la finalisation de ce grand plan.

Nous devons rester vigilants à ce que les objectifs du Plan France Très Haut Débit soit tenus et que, conformément à l’ambition du Président de la République, la fibre soit la technologie qui se généralise d’ici 2025.

Je constate comme vous les mauvaises expériences de raccordement et les malfaçons sur certaines parties du réseau. Elles sont limitées certes, mais malgré tout présentes et inacceptables du point de vue de nos concitoyens. J’entends aussi le mécontentement de certains élus. Et sur ce sujet précisément, mon action a été résolue dès ma prise de fonction.

Comme vous le savez, avec Laure de LA RAUDIERE, nous avons engagé un travail de discussion auprès des opérateurs d’infrastructures et des opérateurs commerciaux pour définir des actions concrètes et rapides qui puissent avoir des répercussions sur l’amélioration directe des raccordements.

Des plans de reprise de certains points de mutualisation ont été notifiés par les opérateurs d’infrastructures à l’ARCEP, qui doit veiller à suivre ses engagements.

Je le dis et le rappelle, nous devons collectivement veiller à ce que les promesses de la fibre soient au rendez-vous pour l’ensemble des Français. Le déploiement de la fibre est une réussite industrielle majeure : n’entachons pas cela d’un défaut de qualité pour les usagers. J’y serai particulièrement vigilant et j’attends, de la part de tous les acteurs concernés, une implication et une détermination sans faille pour résoudre ces problèmes dans un calendrier raisonnable, le plus resserré possible.

Autre grand succès qu’il convient de saluer, c’est celui du New deal mobile. C’est un autre bel exemple de coopération de confiance entre les collectivités, les opérateurs de télécommunication et l’État pour répondre aux besoins de la vie quotidienne des Français. Je salue à cet endroit Julien DENORMANDIE, Jacqueline GOURAULT et Cédric O qui ont œuvré à l’établissement de ce dispositif innovant à vos côtés. Aujourd’hui, plus de 90 % du territoire est couvert en 4G.

Le succès sera complet en restant collectivement mobilisés afin d’atteindre l’objectif de couverture totale du territoire d’ici 2027. 600 sites sont ainsi attribués aux départements pour l’année 2023 qui s’ajouteront aux 3 795 sites d’ores et déjà arrêtés depuis le lancement de ce dispositif, en 2018. C’est déjà presque 4 000 zones blanches qui ont été effacées par le New deal mobile.

Toujours dans notre objectif d’assurer une connectivité essentielle à nos concitoyens, nous œuvrons également au déploiement de la 5G tant pour favoriser les usages industriels que les usages privés. Là aussi les territoires ne seront pas oubliés. Les opérateurs ont d’ailleurs obligation de déployer 10 500 sites 5G dont 2 625 en zone peu dense et dans les territoires d’industrie d’ici 2025.

Car la 5G a un formidable potentiel applicatif pour la plupart des secteurs de notre économie. C’est la raison pour laquelle nous en avons fait l’une des stratégies d’accélération au cœur du plan France 2030, porté par Bruno LE MAIRE.

Parlons maintenant du sujet qui vous réunit aujourd’hui avec la fin de la commercialisation du cuivre et l’extinction de ce réseau.

Orange a présenté son plan d’extinction du réseau qui a été mis en consultation publique fin janvier 2022 par l’ARCEP.

Cet arrêt du réseau cuivre est largement souhaitable pour l’ensemble de la filière à de nombreux égards, notamment pour assurer notre transition écologique grâce au numérique. En effet, la fibre est trois fois moins énergivore que le cuivre, ce qui, dans le contexte que nous connaissons, est un enjeu important à prendre en compte, notamment au regard des ambitions fixées par la Première Ministre dans le cadre de France Nation Verte.

Toutefois, la transition du cuivre vers la fibre doit s’accompagner des garanties nécessaires de disponibilité, de qualité, d’abordabilité des services à l’égard de nos concitoyens.

Au même titre que le déploiement de la fibre, je serai tout aussi mobilisé sur cet enjeu de continuité de service qui doit être sans impact pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Sur l’enjeu de communication, que vous avez cité Monsieur le Président, et que vous aurez l’occasion d’aborder aux côtés de Nicolas GUÉRIN, Arnaud LUCAUSSY et Michel SAUVADE que je salue, il est essentiel que les élus locaux soient associés et tenus informés. On l’a vu dans les premières expérimentations, c’est grâce à la mobilisation du Maire, du Conseil municipal, que les derniers récalcitrants, si vous me passez l’expression, ont accepté de faire la migration du cuivre vers la fibre. Vous l’évoquiez Monsieur le Président, des comités de concertations locales au niveau départemental, avec les Préfets, vont progressivement être mis en œuvre. Je remercie les associations de collectivités pour les propositions constructives qu’elles ont adressées au Gouvernement pour organiser ces concertations locales. La note de cadrage qui sera adressée aux Préfets en tiendra compte. En parallèle, j’ai à ma signature un courrier à destination de l’ensemble des préfectures pour leur rappeler la vigilance qui leur incombe sur la nécessité d’une information la plus transparente possible auprès des élus locaux et pour rassurer nos concitoyens qui peuvent être inquiets légitimement de cet arrêt commercial à venir.

Pour autant, le déploiement de la fibre et le projet d’arrêt de commercialisation du cuivre ne doivent pas pour autant évincer les problématiques de qualité du cuivre.

Il n’est pas concevable que nos concitoyens ne puissent pas bénéficier d’un service de qualité pour téléphoner sous prétexte qu’ils n’ont pas encore accès à la fibre déployée. J’ai pu échanger avec l’ARCEP sur ce point qui m’a réaffirmé sa mobilisation à s’assurer du respect des engagements de l’opérateur Orange sur les délais de rétablissement, et je sais que Nicolas GUÉRIN est très vigilant sur ce point.

Un mot pour conclure ce mouvement dans la symphonie qui va s’étaler sur ces deux jours. Sur les points que vous avez abordés en conclusion. Le premier point est celui du fair share, c’est-à-dire de la contribution équitable, en bon français, des éditeurs vidéo au maintien aux investissements dans les infrastructures. Comme vous le savez, la France soutient l’initiative prise par la Commission européenne de lancer début 2023 une consultation sur ce sujet. Nous espérons qu’elle pourra aboutir le plus tôt possible à des propositions constructives qui viendront nous aider à financer ces efforts d’investissement considérables qui restent devant nous.

Un mot ensuite sur les cyberattaques, puisque vous avez eu raison de le rappeler, Monsieur le Président, un certain nombre de grandes collectivités sont la cible d’attaques de plus en plus fréquentes. Depuis la rentrée de septembre, c’est l’hôpital de Corbeil-Essonnes, le Conseil départemental de Seine-Maritime, de Seine-et-Marne, des Alpes Maritimes, la ville de Caen, la ville de Chaville et désormais la Guadeloupe qui subit une attaque d’une intensité considérable. Face à cette menace, le Gouvernement agit depuis 2021, puisque dans le cadre du plan de relance, ont été inscrits des parcours de sécurisation qui sont administrés par l’ANSI et qui ont d’ores et déjà bénéficié à 950 établissements, grandes collectivités, établissements consulaires, établissements de santé. Bien que nous n’ayons pas encore suffisamment de recul pour pouvoir l’attester de manière rigoureuse, il semble que ces parcours de sécurisation portent leurs fruits. Là où la mairie de Caen avait terminé son parcours de sécurisation, avait installé un EDR, c'est-à-dire un anti-virus sophistiqué synchronisé sur l’ensemble des équipements et a pu limiter les dégâts provoqués par l’attaque, puisque cinq minutes après le début de l’attaque elle a pu mettre à l’abri un certain nombre de données pour éviter qu’elles ne soient cryptées par les pirates. L’hôpital de
Corbeil-Essonnes et d’autres collectivités, que je viens de citer, sont encore bien embarrassées par les conséquences dramatiques des attaques qu’elles ont subies. Elles n’avaient pas eu la chance de pouvoir aller jusqu’au terme de leur parcours de sécurisation. S’agissant de l’hôpital de
Corbeil-Essonnes par exemple, seule la première étape de ce parcours, l’étape d’audit, avait été réalisée, il lui restait à réaliser les étapes et de formation des collaborateurs.

Étant donné l’ampleur de cette menace, nous voulons aller plus loin. Lorsque je me suis rendu à l’hôpital de Corbeil-Essonnes au début du mois de septembre avec le Ministre de la Santé, j’ai annoncé une rallonge de 20 millions d’euros à ce dispositif pour permettre de couvrir en plus des 150 établissements de santé déjà couverts, 150 établissements supplémentaires. Et la semaine dernière à Rennes, j’ai annoncé que nous allions ouvrir 50 parcours de sécurisation supplémentaires à destination des collectivités qui ne figuraient pas dans la liste des
950 premières collectivités sécurisées.

Voilà ce que nous voulons faire pour les grandes collectivités, mais il reste ensuite les 34 000 communes petites communes, petites collectivités, qui n’ont pas nécessairement besoin d’un parcours de sécurisation aussi avancé que des grands hôpitaux publics, mais qui ont besoin qu’on leur apporte des réponses, car elles sont la cible d’attaques répétées elles aussi. L’année dernière en 2021 une collectivité sur trois déclare avoir été victime d’une tentative d’intrusion. Pour leur venir en soutien, nous allons, avec l’ANSI, développer une plateforme de services sur étagères, c'est-à-dire à disposition de ces collectivités sur abonnement, qui leur permettra de bénéficier d’un nom de domaine, d’un système de messagerie et à terme d’un système d’hébergement, mutualisé, sécurisé, un peu uniformisé, ce sera toujours un petit peu la même adresse de site Internet avec la personnalisation du nom de la commune, mais ce sera surtout sécurisé, et donc immunisé contre les attaques un peu bêtes qu’elles subissent parfois parce qu’elles sont restées sur des noms de domaine ou sur des adresses de messagerie qui sont datés, des wanadoo ou autres, qui n’ont pas été actualisés pour les standards de sécurité du moment et qui sont des portes grand ouvertes pour hackers en tout genre. Pour les grandes collectivités des parcours de sécurisation renforcés. J’ai oublié de préciser que pour 125 des 950 on va aussi leur permettre de faire une deuxième étape du parcours de sécurisation, nous allons en ouvrir 50 supplémentaires. Pour les petites collectivités, des services sur abonnement qui leur garantiront d’être sécurisées dans leurs activités du quotidien.

Voilà ce que nous voulons faire, Monsieur le Président, en réponse à ce drame qui touche nos collectivités, mais qui touche aussi nos entreprises et nos concitoyens, nous avons d’autres mesures, mais ce n’est pas le lieu que de les détailler ici.

Je vous souhaite en tout cas des échanges fructueux et je vous dis à très bientôt et au plus tard en mai prochain pour le TRIP printanier de l’AVICCA. Merci de l’invitation !