Numérique / Territoires

TRIP de printemps 2023 - Discours d'ouverture de Patrick Chaize, Président de l'Avicca Mai 2023

"Retranscription, seul le prononcé fait foi"

 

Monsieur le Ministre, cher Jean-Noël,

Mesdames, Messieurs les parlementaires, chers collègues

Mesdames et Messieurs les élu(e)s,

Mesdames et messieurs les responsables d’entreprises, opérateurs et partenaires,

Mesdames et Messieurs,

Vous toutes et tous qui faites partie de l’équipe de France de la transformation numérique de nos territoires !

 

Ce que nous voulons, ce que nous demandons à l’avenir, c’est garder notre statut de champion du monde du déploiement des réseaux à très haut débit.

C’est aussi d’être bien placé dans cette compétition globale de la transformation numérique des collectivités, des administrations et des entreprises.

Pour le premier objectif, les classements internationaux nous positionnent régulièrement aux meilleures places.

Pour le second, les matchs de qualification sont toujours en cours et, vous le savez, ce n’est pas (encore) gagné.

 

Ces défis sont un peu comme la Coupe du monde de Rugby que notre nation aura l’honneur d’accueillir en septembre prochain.

Cet événement, le plus prestigieux de ce jeu à 15 entre gentlemen, sera l'occasion pour des équipes du monde entier de se rassembler et de s'affronter sur le terrain, dans un esprit de compétition et de respect mutuel.

Respect mutuel, une attitude que j’aurais apprécié voir un peu plus ces dernières semaines dans les télécoms.

A ce sujet, je remercie sincèrement Monsieur le Ministre d’être présent.

Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais au moins, nous échangeons.

J’aurais aimé avoir la même attitude de la part de la FFT qui a, me semble-t-il, mis le pied en touche.

Bien qu’ayant accepté depuis des mois d’intervenir à ce colloque, la fédération n’envoie finalement ni sa présidente, ni l’un de ses vice-présidents en première ligne. C’est une forme de passage à vide, quasi de l’anti-jeu.

J’attends beaucoup du prochain mercato.

 

Depuis 2017, les collectivités et l’Avicca ne cessent d’alerter sur les manquements aux règles du jeu qui frôlent parfois la disqualification :

  • déconnexions intempestives,
  • armoires et points de branchement saccagés,
  • mises en danger de la vie des sous-traitants raccordeurs mais aussi des particuliers,
  • abonnés sans services durant des semaines voire des mois mais qui sont quand même prélevés…

 

Depuis 6 ans, les discussions avec les arbitres n’en finissent plus : chartes, énième évolution du mode STOC, promesses de lendemains qui chantent...

D’engagements en engagements fermes, en janvier 2024, les plats de nouilles seront sûrement « al dente... »

Supporteurs des collectivités et représentants élus de nos citoyens, nous ne pouvions rester sur le banc de touche plus longtemps. Il fallait agir pour reprendre le match en main.

La proposition de loi visant à assurer « la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique » a donc été adoptée à l’unanimité des groupes politiques de la Haute Assemblée en 1ère lecture lors de la séance du 2 mai.

A l’unanimité, cela veut dire quelque chose, Monsieur le Ministre.

Je rappelle que de nombreuses collectivités demandaient la suppression pure et simple du mode STOC.

Ce n’est pas ce que nous avons voté même si certains ont une autre surprenante lecture.  Dispositif ciblé et proportionné, la proposition de loi est destinée à donner un début de base légale à cet ovni technico-juridique qu'est le raccordement en mode STOC.

Le texte législatif devrait ainsi permettre de restaurer la confiance des Français dans la qualité de leurs raccordements, tout en leur garantissant un mécanisme de remboursement ou résiliation en cas de déconnexions prolongées.

Je salue ici tous les nombreux soutiens qui ont été apportés à la PPL.

Je remercie tout particulièrement Départements de France et son Président François Sauvadet qui s’est publiquement engagé à nos côtés, avec l’ensemble des présidentes et des présidents de Départements.

Ils comptent sur cette loi pour enfin siffler la fin de ce match.

 

Je profite de cette tribune pour dire clairement que les collectivités ne partagent pas le jugement de l’État, des OCEN et de l’Arcep.

En évoquant les réseaux dits atypiques, ceux-ci ne veulent voir que l'arbre qui cache la forêt.

Je ne nie pas que l'incendie y est plus important qu’ailleurs mais en se concentrant sur ces seuls feux, on en laisse prospérer des centaines d'autres.

Je ne voudrais pas que l’on se réveille un matin en découvrant la France entière en feu.

Et d’ailleurs, depuis quand un réseau même atypique devrait-il être vandalisé ?

En quoi un réseau atypique expliquerait-il que les raccordeurs montent sur une échelle télescopique ou sur le toit de leur voiture pour faire des raccordements ?

En quoi un réseau atypique expliquerait-il que les raccordeurs ouvrent les portes des armoires au pied de biche ?

Pour autre exemple, Les Présidents de Doubs numérique et du SYANE ont témoigné de techniciens, trop mal rémunérés pour se payer l’hôtel et obligés de dormir en plein hiver, à la montagne, dans leurs voitures voire dans les shelters.

Est-ce parce qu’ils ont des réseaux atypiques ????

Je ne passerais pas sous silence les deux techniciens décédés l’année dernière, électrocutés en remplaçant des poteaux télécoms, est-ce arrivé parce qu’ils déployaient des réseaux atypiques ?

Et pourquoi ces réseaux atypiques étaient-ils en parfait état tant que les raccordements y étaient faits en mode OI ?

Rien ne tient. Non, Rien.

La seule chose dont on peut éventuellement accuser ces réseaux atypiques, c’est d’être un plus grand révélateur des travers du mode STOC non encadré.

Le reste n’est qu’une énième et vaine tentative de contre-feu.

 

Certains mauvais perdants nous reprochent de changer les règles du jeu en cours de match.

Ils menacent même de ralentir les déploiements alors même que le texte ne vise que les raccordements et non pas les déploiements…

A ce rythme-là, on va bientôt accuser, la PPL d’être à l’origine de l’arrêt des déploiements en Zone Très Dense depuis deux ans et dans les zones AMII depuis un an déjà….   

 

A ce sujet des déploiements, et sans prétendre refaire le match, il est quand même possible de visionner quelques ralentis :

  • En 2010 : les AMII de l’État passent de 5 à 10 ans sur demande des opérateurs
  • En 2013 arrivent les CPSD (convention de programmation et de suivi des déploiements), et en corolaire l’annulation de certains RIP dont celui de la Métropole de Lille alors que le délégataire était choisi
  • à la veille de Noël 2017, le guichet France THD est fermé sans prévenir personne
  • 2018 conduit à la privatisation de nouvelles zones RIP avec l’invention des AMEL
  • 2018 toujours : l’échéance de 2020 pour l’AMII passe à 2022 moyennant des engagements L33-13.

 

Si changement de règles, il y a, les collectivités n’ont pas été épargnés.

La suite, on la connaît, avec la contestation immédiate de la décision de l’arbitre de siffler la fin des prolongations.

Décision contestée, attaquée mais heureusement confirmée par les plus hautes instances nationales…

Vive l’arbitrage vidéo.

Alors ce n’est pas nous qui changeons les règles du jeu.

Nous les précisons, pour que le jeu soit clair pour les usagers, les installateurs, les opérateurs, les collectivités mais pour vous aussi Monsieur le Ministre.

 

De mon côté, je continuerai toujours de jouer à la loyale, en toute transparence.

Et si j’assume de ne pas en rajouter quant à la décision du Conseil d’État, c’est que le bénéficiaire de ces services numériques, que l’on oublie trop souvent, doit être remis au centre de nos préoccupations, au centre du terrain.

Nous le verrons dans la table ronde de clôture de cette première journée, le client se fiche éperdument de savoir s’il est en zone AMII, RIP, AMEL, ZTD, CPSD, AMEI, L.33-13 ou que sais-je encore ?

Il se fiche de savoir si la coupure de son service est de la faute de l’OI ou de l’OC.

Il est en droit d’avoir un service de qualité d’autant que l’on évoque la fermeture du cuivre qui pour le client final est une notion encore bien trop étrangère, inconnue.

Et je n’ose imaginer le moment où on lui annoncera qu’on lui coupe le service cuivre et qu’il devra financer de sa poche les travaux en partie privative pour bénéficier d’une fibre qu’il n’a jamais sollicitée…

Si on ne veut pas que le client croit que le match est truqué, il faut lui apporter des réponses simples, claires mais également justes.

Il faut protéger ses intérêts avant les nôtres.

Il faut donc lui apporter un service de qualité où qu’il habite et dans les plus brefs délais. J’en profite pour prévenir que l’Avicca et ses membres ne sauraient entendre parler de refus de tiers lorsque les règlements d’urbanisme ou les contraintes liées aux PMR interdisent l’implantation de nouveaux poteaux.

Cela fait des années que j’attends que les règles de calculs de charges sur les appuis communs Enedis évoluent.

Nous avons réussi à le faire pour la D3, qui ne veut pas dire 3ème division mais désigne les raccordements FttH ; J’attends toujours pour la D2, c’est-à-dire la desserte FttH et non pas la deuxième division.

Et si l’Eco système devait ne pas bouger là-dessus, ce qui est son droit, cela ne pourra être une excuse pour ne pas assurer la complétude de ses déploiements.

Il faudra faire comme le font les RIP : changer patiemment et en dépensant trop d’argent public les appuis communs Enedis.

Mais il faut que tout le monde, y compris le gouvernement et l’Arcep, ait conscience que sans changement des règles de calculs de charges, le 100% FttH sera retardé d’au moins 18 mois.

Y compris d’ailleurs pour les opérateurs qui sont déjà très en retard sur leurs engagements L.33-13.

Autre sujet où je veux annoncer déjà la couleur. Le mobile.

Le match aller du New Deal mobile n’en est qu’à la mi-temps, mais j’entends depuis peu une bien étrange mélodie dans les tribunes, un appel à un New New deal mobile.

J’avoue être perplexe.

J’ai soutenu sans l’ombre d’une hésitation le New deal mobile de janvier 2018 et ses 5 engagements retranscris dans les annonces gouvernementales, de l’Arcep et des opérateurs.

Annonces qui devaient être retranscrites dans les licences d’autorisation de Fréquences (AUF).

J’espère que c’est bien ce qui a été fait car sinon, comment comprendre ce souhait d’un New New deal mobile ou d’un renew deal mobile ?

Je le dis tout de go : si on relance un nouveau dispositif, alors je vais ouvrir la boîte de Pandore et demander des comptes sur le New deal mobile 2018.

Il va falloir s’interroger sur la stratégie de l’entraîneur, sur les salaires justifiés ou non des joueurs, sur les primes de match… bref, voir si on nous a promis le stade de France et que finalement, on jouera au stade de Trifouilly-les-oies.

 

Dernier sujet réseau : la fermeture du cuivre. Je voudrais rappeler le plein et entier soutien de l’Avicca, mais également exprimer nos lignes rouges.

Plein soutien, donc, mais attention à ne pas nous renvoyer, volontairement ou non, dans nos 22 si on ne comble pas les points suivants :

  • la structure nationale nécessaire pour porter une communication neutre et faire connaître ce grand plan aux particuliers qui fait toujours défaut ;
  • Orange refuse encore de communiquer aux collectivités les données du réseau cuivre ;
  • et le manque de solutions pour financer les travaux en partie privative.

 

Vous l’avez compris le match est encore en cours sur les réseaux fixes et mobiles.

La troisième mi-temps autour d’un plan du développement des territoires durables et connectés se fait encore attendre.

Il faudrait pouvoir saluer des solutions Cyber responsable comme le 17 cyber ou le bouclier anti-arnaque, réviser la fiscalité des télécoms y compris pour les GAFAM, contribuer à la feuille de route France Numérique Ensemble, ... Ou encore agir pour une réelle prise en compte de l’empreinte environnementale du numérique, sujet Ô combien cher à mon cœur.

Faire adopter -parfois à l’unanimité- des textes de loi sur le numérique, c’est bien ; mais s’assurer que ces lois sont ensuite bien appliquées, c’est mieux.

Plus d’une soixantaine d'adhérents se sont ainsi réunis en visioconférence récemment, pour partager leurs actions en faveur d’une stratégie numérique responsable.

Ils co-construisent avec l’ANCT les dispositifs d’accompagnement qui permettent de rendre la loi REEN opérationnelle dans les territoires. Je les en remercie.

 

Vous le voyez, tant de sujets qui pourtant nous concernent toutes et tous et, pour certains, de manière urgente sont encore à traiter.

 Je regrette que les réseaux fixes et mobiles mobilisent toujours trop de notre temps de jeu.

Il est nécessaire de remettre à plat l’ensemble de nos politiques numériques.

La loi Lemaire pour une République numérique semble de plus en plus loin derrière nous.

Avec la multiplication des objets connectés, avec l’émergence des Dataspaces, avec l’Intelligence Artificielle, il nous faut remettre un peu de cohérence publique, de vision d’intérêt général, de stratégie en faveur des biens communs…  

Alors, Monsieur le Ministre, Après avoir marqué l’essai du Plan France THD, il nous faut une grande loi pour réussir la transformation numérique de la France !

Vous pouvez compter sur l’Avicca et toutes les collectivités de France pour y contribuer.

Nous avons de l’exigence mais nous souhaitons plus que tout une réussite collective, tel un pack, afin que chaque acteur (État, collectivités, opérateurs commerciaux, opérateurs d’infrastructures, entreprises de réalisation et bien sûr les abonnés) puissent être fiers du trophée que nous recherchons ensemble.

Je vous remercie de votre attention et je vous souhaite un excellent tournoi.