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TV sur adsl, an II Mars 2005

Avec 75 000 abonnés à l'offre « MaLigne TV » de France Télécom fin 2004, les résultats sont conformes aux objectifs annoncés pour le démarrage. Ce résultat a été obtenu toutefois grâce à une sensible baisse des tarifs, et sont loin derrière ceux de Free, parti sur un modèle différent, en vendant l'accès tv comme un « plus » gratuit du haut débit.

Le dernier parti en 2004, 9 Telecom, revendique 10 000 abonnés fin 2004. Son offre tente de se démarquer de toutes les autres, en vendant l'accès à la tv comme une option (6 Euros/mois). Elle contourne l'interdiction de reprise de TF1 et M6 en rendant son coffret compatible avec la TNT (avec une prise d'antenne en entrée).

TPSL, parti le premier et distribué sur un réseau plus important, est en tête avec 53 000 abonnés, contre 21 300 pour CanalSatDSL. Un autre effet joue peut-être, l'exclusivité de l'accès à TF1 et M6 - en attente d'une décision de fond du Conseil de la concurrence.

Avec toutes les précautions à prendre avec si peu de recul, ce démarrage soulève quelques interrogations. L'an I est conforme aux ambitions modestes affichées, mais l'intérêt des plus gros opérateurs de communications électroniques et d'audiovisuel n'est pas d'en rester là... FT espère cumuler 210 000 abonnés à MaLigne TV fin 2005. Les projections pour 2006 tablent sur un parc de 600 000 abonnés à la télévision payante en fin d'année, tous opérateurs confondus.

Succès du couplage ou insuccès de la télévision

La totalité des téléspectateurs via Free et deux tiers via FT ont souscrit une offre haut débit en même temps que l'accès à la télévision. Le couplage, avec son tarif attractif, rencontre donc un succès certain ; ce taux montre, en creux, le certain insuccès d'une offre qui se présente d'abord, au niveau publicitaire, comme de l'accès à la télévision pour MaLigne TV. Il faut dire que le marché de la télévision payante est déjà bien occupé par Canal+ et le câble, et que sa croissance a toujours été relativement lente.

Du côté de Free, il semble bien que seule une partie des abonnés ayant accès à la télévision s'en serve régulièrement. Les questions d'ergonomie peuvent jouer : brancher le téléviseur, le téléphone et l'ordinateur sur une même boîte ne correspond pas forcément à la distribution dans le logement, en l'absence de WiFi. La non diffusion des chaînes leader d'audience (TF1 et M6) complique aussi les câblages et utilisations de zapettes. Enfin le cœur de cible de Free n'est pas forcément passionné par la télévision...

France Télécom lance également un autre couplage : télévision et visiophonie, rendu possible grâce l'adsl 2+. Quant à la Vidéo à la demande, arlésienne du PAF, elle devrait faire l'objet de relance tant sur le câble que sur l'adsl. Mais il s'agit seulement d'usages émergents.

Distributeur ou fournisseur d'accès ?

Le positionnement est multiple. Il s'agit d'offrir un accès technique aux chaînes, qui peuvent être mises directement à disposition d'emblée pour les chaînes gratuites, ou via un abonnement pour les chaînes payantes, avec un rôle de distributeur audiovisuel. Le distributeur est maître de sa relation avec l'abonné et du marketing de l'offre : vente chaîne par chaîne, composition de bouquets, options...

Le secteur des télévisions payantes est de fait extrêmement dépendant du duopole TPS/CanalSat, qui sont à la fois les plus gros éditeurs de chaînes et les plus gros distributeurs. La meilleure preuve c'est que l'économie des chaînes thématiques indépendantes est nettement moins bonne que celle des chaînes intégrées (voir les bilans annuels du CSA sur les chaînes thématiques).

Les opérateurs de réseaux câblés sont à la fois fournisseurs d'accès et distributeurs audiovisuels. Sur l'adsl, le modèle se cherche. FT se positionne jusqu'ici en fournisseur d'accès pour les distributeurs, qui prennent les abonnements. Free, qui jouait sur les deux tableaux, rentre un peu dans le rang en passant un accord avec Canal+, tout en continuant à distribuer des chaînes indépendantes.

Selon Patrick Le Lay, en 2010, la TV par adsl devrait toucher 2,5 millions de foyers pour les chaînes gratuites, et 1 million pour la télévision payante.

Un réseau en rapide expansion, jusqu'où ?

Le grand avantage de la télévision par adsl, c'est le parc installé de raccordés au téléphone. Il suffit d'équiper la ligne en amont, et de convaincre le prospect de brancher un simple coffret - à condition que la longueur de cette ligne ne dégrade pas trop le signal. Avec l'Adsl 2+, les débits augmentent encore 16 Mbit/s), permettant davantage d'utilisations simultanées. Le nombre de lignes équipées, environ 5 000 000 fin 2004, devrait doubler d'ici fin 2005, pour couvrir à peu près les mêmes zones que le câble. Au delà, les contraintes de distance et les coûts d'équipements ne permettent pas encore de se prononcer sur le rythme d'autres extensions.

Un jeu ouvert ou fermé ?

L'enjeu pour FT est considérable. Il s'agit bien sûr de prendre pied sur un nouveau marché, au moment de sa sortie du câble. Mais l'objectif principal est peut-être de sécuriser sa position dans l'internet et le téléphone, puisqu'un abonné qui souscrit à Maligne TV ne peut plus être dégroupé...

Pour les deux grands groupes de télévision payante, il s'agit d'élargir la clientèle, mais aussi de savoir s'il est possible de contourner le câble en milieu urbain. A la fois éditeurs et distributeurs, TPS (1,35 millions d'abonnés fin 2004) et CanalSat (2,9 millions) ont bien pénétré par satellite, sauf dans les villes où le câble est installé. Et là, il ne s'agit plus d'être distributeur en direct, mais seulement de vendre des chaînes à un distributeur, qui garde son lien précieux avec l'abonné. Sera-t-il possible de contourner le câble par l'adsl ? Canal+ semble le moins confiant, et a en tout cas gardé une participation dans un des deux câblo-opérateurs. La TNT pourrait aussi être un autre vecteur maîtrisé d'un bout à l'autre pour les chaînes payantes leaders.

De leur côté, les câblo-opérateurs regardent depuis un certain temps la possibilité de proposer leurs services via l'adsl là où leurs réseaux ne sont pas construits, en profitant de leur marque et de leurs savoir faire. Mais les chaînes thématiques éditées par les deux blocs semblent refuser d'être distribués ainsi, ou par les opérateurs alternatifs, réservant à TPSL et CanalSatDSL leur distribution. De même, TF1 et M6 persistent dans leur exclusivité sur TPSL... Le coffret de 9 Telecom, donnant accès à l'adsl et à la TNT, permettra-t-il de contourner l'obstacle pour finir par le faire sauter ?

Outre le rôle du Conseil de la concurrence, il faudra sans doute une intervention accrue de l'ART et du CSA, et si possible coordonnée, pour que le jeu soit ouvert.

Un tiers ou trois tiers ?

Près de la moitié des ménages n'ont pas d'ordinateurs à la maison, et ce taux diminue lentement. Deux tiers également n'ont pas choisi de souscrire à une offre élargie de télévision, et la TNT gratuite arrive... Par contre 85% des foyers ont de la téléphonie fixe, et 95% la télévision gratuite. Pour capter des parts de marché beaucoup plus significatives, le câble comme l'adsl devront être compétitifs sur une offre de téléphonie et sur de l'accès basique à la télévision...