Numérique / Territoires

Un petit dividende numérique pour une grosse facture Janvier 2008

Un pas important a été fait par la conférence mondiale des radiocommunications de 2007 pour une utilisation du "dividende numérique", par l'identification d'une partie de la bande UHF au profit des services de communications électroniques.

Il n'est plus nécessaire de rappeler que cette bande de fréquences permet à la fois de longues portées et une bonne pénétration dans les bâtiments, ce qui en rend l'usage très important pour le haut débit en zone peu dense.

La CMR ouvre la faculté d'utiliser en Europe la sous-bande 790-862 MHz, soit un dividende numérique maximal de 72 MHz. Une évolution d'autant plus positive que cette possible harmonisation européenne ouvre la voie à une industrialisation des équipements.

On sait que la facture pour éviter une fracture territoriale du très haut débit sera lourde. L'utilisation effective du dividende numérique permet de l'alléger, sans constituer une réponse suffisante et globale.

Reste que ce dividende n'est pas encore tombé dans l'escarcelle de l'aménagement du territoire, car de nombreuses limitations sont à lever.

  • Un petit dividende à élargir...

En Amérique et en Asie, le spectre sera mieux utilisé, avec un dividende s'étalant de 698 à 862 MHz, soit plus du double des 72 MHz prévus en Europe. De quoi limiter structurellement les usages qui pourront être développés en France, à moins de voir s'il est possible de l'élargir sur tout ou partie du territoire national.

  • Un petit dividende à élargir, évaluer...

A ce jour aucune étude n'a été publiée sur des hypothèses d'efficacité spectrale, de partage de bande passante, de puissance et de portée pour réutiliser les infrastructures existantes (principalement les pylônes et sites de téléphonie mobile). Ceci permettrait de dire dans quelles limites l'hertzien pourrait être un palliatif, au moins temporaire, à l'absence de solution filaire. Une telle étude pourrait être menée rapidement de façon à éclairer l'Etat, les collectivités, les gestionnaires d'immeubles, les opérateurs, et les équipementiers sur la "zone de pertinence" du dividende numérique : les zones rurales ? péri-urbaines ? pavillonnaires ? la moitié de la population française, tel qu'évoqué lors du Comité de pilotage du très haut débit de décembre 2007 ?

Si l'hertzien est LA réponse au très haut débit pour cette moitié de la France en population, donc pour 80% du territoire, ce dont on peut douter, alors il ne faut pas pré-fibrer les immeubles neufs par une obligation légale ni une incitation comme les labels, il ne faut pas inciter les collectivités à déployer du fourreau...

Il faut tenter d'acquérir une vision dynamique du passage au très haut débit, par un ensemble de mesures permettant une "montée en débits", y compris sur les réseaux existants, et replacer le dividende numérique dans cette perspective.

  • Un petit dividende à élargir, évaluer, confirmer...

Si l'ANFR a pu peser dans la décision de la CMR, en faveur d'un dividende éventuel, il ne s'agit pour l'instant au niveau gouvernemental que d'un "principe de précaution", mais pas encore d'une décision d'affectation.

  • Un petit dividende à élargir, évaluer, confirmer, libérer en France...

En France cette bande est pour partie utilisée par l'audiovisuel, et pour le reste par la Défense et les microphones sans fil. L'extinction de la seule télévision analogique ne garantit pas de récupérer tout ce spectre.

L'hypothèse d'une double diffusion généralisée des chaînes de la TNT en haute définition aurait sans aucun doute une double conséquence négative :

  • la saturation du spectre
  • la suppression de l'intérêt pour le premier service permis par la fibre optique, la diffusion simultanée de chaînes de télévisions en haute définition. En retirant une partie significative du marché, on compromettrait l'extension des réseaux à très haut débit filaires qui est porteuse d'un développement global des usages
  • Un petit dividende à élargir, évaluer, confirmer, libérer en France et à coordonner avec nos voisins...

D'un point de vue économique, il est très important qu'un maximum de pays aille dans le même sens afin de dégager des perspectives industrielles de masse, susceptibles d'enclencher une spirale positive entre la baisse des coûts et le développement des usages.

D'un point de vue technique, il est indispensable que les pays voisins décident eux aussi de ne plus utiliser ces fréquences pour la télévision, sous peine de brouillages... Et donc aussi que les voisins de nos voisins fassent de même... Les positions de la Commission Européenne vont heureusement dans ce sens.

  • Un petit dividende à élargir, évaluer, confirmer, libérer en France et à coordonner avec nos voisins, qu'il ne faut pas différer...

Si aucun calendrier n'est encore fixé pour faire déménager les applications de la défense et le parc des microphones sans fil (qui équipe par exemple tous les lieux culturels), celui de l'extinction de l'analogique existe : fin 2011. Un calendrier que tous les professionnels trouvent extrêmement ambitieux : on ne connaît pas de pays qui ait respecté les échéances fixées pour une telle migration de masse.

De plus l'extinction de l'analogique ne règle pas tout, car les fréquences numériques peuvent être aujourd'hui attribuées dans cette bande ! Une fois éteint l'analogique, il faudra un réaménagement des fréquences de la TNT. Cette opération prendra du temps. Pour mémoire, une opération beaucoup plus simple de changements de trois chaînes sur les multiplex en septembre 2007 a révélé l'ampleur des difficultés, avec un parc d'adaptateurs extrêmement hétérogène et pas toujours conforme aux normes.

Enfin, une fois le terrain libéré, il faut construire un parc d'émetteurs...

Des décisions sont donc à prendre rapidement pour faire migrer les autres utilisations et pour arrêter d'utiliser cette plage de fréquence pour les nouveaux émetteurs de TNT.

  • Un petit dividende à élargir, évaluer, confirmer, libérer en France et à coordonner avec nos voisins, qu'il ne faut pas différer, et qu'il faudra affecter à l'aménagement...

Si les grands opérateurs, unanimes, ont plaidé avec de vibrants accents en faveur d'un dividende numérique pour les territoires, ils ne se sont jamais pressés pour couvrir les zones peu denses avec les fréquences qui leur sont déjà attribuées. Ce sont bien les obligations précises qui seront fixées ou non par le gouvernement et le régulateur qui entraîneront une plus ou moins grande couverture du territoire. Si à nouveau le critère financier est important pour l'attribution des licences, le dividende n'ira pas à l'aménagement du territoire. La faible taille du dividende pourrait même obliger à faire des arbitrages entre un déploiement optimisant les usages fixes, en substitution de la fibre, ou le mobile.

  • Un petit dividende à élargir, évaluer, confirmer, libérer en France et à coordonner avec nos voisins, qu'il ne faut pas différer, et qu'il faudra affecter à l'aménagement, en plus d'autres mesures pour le très haut débit

Lors du comité de pilotage du très haut débit le dividende numérique a été présentée comme la seule mesure en faveur du très haut débit pour la moitié de la population française qui ne pourra bénéficier de la fibre des opérateurs privés.

Avec peut-être 72 MHz de bande passante à partager, avec un déploiement à partir de 2015 au plus tôt, c'est à dire au moment où une grande partie des zones denses bénéficiera d'au moins 100 M Bits/s symétrique, le dividende ne peut suffire à combler la fracture numérique. Il sera sans doute très utile, mais c'est toute la "montée en débits" qu'il faut organiser sur les territoires, et ce sans attendre...

Pour cela il faut que les collectivités aient d'abord la connaissance des réseaux, puis l'accès aux infrastructures essentielles dans de bonnes conditions (fourreaux, poteaux, pylônes et points hauts...), et aussi que l'Etat assure la péréquation financière nationale indispensable à une telle mutation.