Numérique / Territoires

WiMAX : échauffements avant la course aux licences Juin 2005

Curieusement, alors que tous les opérateurs de BLR s'étaient positionnés sur les villes lors des appels à candidatures de l'ART, on parle beaucoup des campagnes pour le WiMAX : couverture de zones blanches adsl, collecte de trafic pour des petits NRA, des zones WiFi ou CPL etc. Pourtant, dans la course aux licences, l'utilisation en milieu urbain sera sans doute prépondérante.

Lancements et expérimentations

Selon la mission économique de l'ambassade de France à San Francisco, les opérateurs américains, petits et grands se lancent sur cette technologie. Speakeasy ouvre un réseau à Seattle ; Towerstream opére à Boston, s'étend sur Los Angeles et San Francisco, et après l'accès à internet propose maintenant la voix sur IP ; Verizon va opérer en Californie dans la région de Monterrey...

En France, beaucoup d'expérimentations sont orientées vers les secteurs diffus (RTE, France Télécom, e-Tera, Pays de Saintonge...). Cependant TdF et Naxos (opérateur d'opérateurs, filiale de la RATP à travers Telcité) expérimentent la BLR en milieu urbain dense, à Paris et en première couronne. Albertville, avec ADW network, teste une utilisation orientée GFU et Pau collecte du trafic de bornes WiFi en milieu péri-urbain...

Des perspectives d'utilisation variées

Le WiFi a montré ses limites : pour couvrir une vaste zone, il faut multiplier les bornes, ce qui devient coûteux, et le résultat est aléatoire puisqu'il n'y a pas de fréquences attribuées. Cela marche donc mieux sur un campus universitaire que sur une place publique. Le WiMAX permettrait d'agir à l'échelle urbaine.

Un des marchés visé est celui des habitants qui n'ont plus d'abonnement filaire (sur le réseau téléphonique ou le réseau câblé), soit 15 à 20% de la population. Il s'agirait d'apporter du haut débit sans fil, en accompagnement de la téléphonie mobile.

Certains, et pas des moindres, pensent déjà à la « killer application » : la téléphonie sur IP, avec un forfait pour des appels illimités. La norme 802.16e permettra une utilisation nomade, à des vitesses « urbaines » inférieures à 50 ou 60 km/h. Une qualité de service moindre que l'UMTS, mais des tarifs imbattables. Ainsi Intel, qui développe sa puce Rosedale, vient de passer un accord de coopération avec Nokia, qui avait longtemps hésité pour ne pas perturber son marché sur l'UMTS : une alliance des deux numéros un mondiaux de leurs secteurs pour des téléphones avec puce WiMAX...

Plus prosaïquement sur le marché professionnel, la disponibilité immédiate du WiMAX peut servir à des entreprises qui déménagent, ou à couvrir des zones d'activité sans travaux de génie civil, dans une perspective de montée en charge progressive. La baisse des coûts des équipements terminaux (CPE) permet d'envisager aussi de relier des petits équipements dispersés (mobilier urbain intelligent, flotte de véhicule...).

Une ressource rare

L'ARCEP (ex-ART) va lancer une procédure pour attribuer deux blocs de fréquence de 15 MHz, par région, en plus de ceux déjà donnés à Altitude. Alors que la bande théorique est grande (200 MHz avec les équipements disponibles aujourd'hui), moins d'un quart est utilisable, car la bande 3,4-3,6 GHz est déjà partiellement utilisée. Même si des ressources complémentaires se dégagent plus tard, la perspective immédiate se limite donc à deux places nouvelles, alors que les candidats potentiels sont nombreux.

Les titulaires de licences de téléphonie mobile pourraient ainsi être tentés de préempter les fréquences : ils en ont les moyens financiers, ils pourraient se défendre contre de nouveaux entrants, en complément de l'UMTS, orienter le trafic des données vers le WiMAX. Les câblo-opérateurs pourraient aller vers le « quadruple play » ou étendre leur zone d'action vers le milieu professionnel péri-urbain, à partir de leur backbone. La perspective de la téléphonie sur IP et le marché des non abonnés au filaire peut faire émerger des « WISP » (Wireless ISP), au niveau français ou international, soit qu'ils exercent déjà en dégroupage, comme Free, soit qu'ils se créent à l'occasion. Les opérateurs d'opérateurs pourraient compléter leur réseau en offrant l'accès au dernier (ou premier) kilomètre là où ils n'ont pas de réseau de desserte. Et de gros opérateurs, comme FT, qui mène des expérimentations, et 9 Cegetel, ne laisseront pas passer une ressource rare sans se positionner... Sans oublier les collectivités, qui auront le droit de demander une licence, quitte à la faire exploiter par un opérateur (et plus probablement un opérateur d'opérateurs).

Quelles règles du jeu ?

Le Ministère de l'Industrie et l'ARCEP n'ont pas encore rendu publiques les règles du jeu pour les attributions de licence. A priori, elles seront octroyées sur une base régionale, et il y aura compétition à partir du moment où la demande excédera l'offre de fréquences disponibles. On peut parier, pour toutes les régions où existent d'importantes agglomérations, qu'il y aura plus de deux candidats intéressés.

Qui pourra répondre du côté collectivités ? Une région, bien sûr, ou bien des départements regroupés, ou encore des syndicats mixtes régionaux. La candidature de communautés de villes ou d'intercommunalités pour une licence régionale est peu probable, puisqu'il leur serait interdit d'exercer au delà de leurs limites territoriales.

Une candidature publique, pour organiser l'utilisation de ces fréquences, a-t-elle des chances de l'emporter ? Tout dépendra des règles. Y aura-t-il des obligations de couverture du territoire ? Le prix des licences sera-t-il le critère prépondérant ? Si la réponse est non à la première question, et oui à la deuxième, il sera difficile d'utiliser le WiMAX pour aménager le territoire.