Numérique / Territoires

Zone AMII : l’Arcep publie la mise en demeure d’Orange Février 2023

Nous en savons ENFIN un peu plus !

L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) a rendu public, ce 17 février 2023, sa décision de mise en demeure de l’opérateur Orange (prise en mars 2022) de se conformer à ses engagements de déploiement de fibre optique jusqu’à l’abonné (FttH) en zone AMII (appel à manifestation d’intention d’investir). 

Devant le Gouvernement dès 2011, Orange avait déclaré son intention puis confirmé son engagement, en 2018, sur un périmètre géographique défini, situés en dehors des zones très denses. Concrètement, l’opérateur proposait de déployer à ses frais un réseau de fibre mutualisé sur 3 016 « codes communes » de l’Insee. Sur ces communes, librement choisies par Orange, l’opérateur historique promettait de rendre 100 % des locaux « raccordables » ou « raccordables à la demande » au FttH d’ici fin 2020 (avec moins de 8% de « raccordables à la demande »), et de rendre 100% des locaux « raccordables » à fin 2022 (dont aucun logement raccordable à la demande). Par arrêté du 26 juillet 2018, le Gouvernement avait accepté la proposition d’engagements d’Orange au titre de l’article L. 33-13 du CPCE, les rendant ainsi juridiquement opposables.

Sur les communes préemptées par les opérateurs privés (Orange et SFR), il devenait de facto inutile - voire impossible - de déployer des réseaux d’initiative publique (RIP), du moins dans le cadre du Plan national France Très Haut Débit. 

Le temps ne fait rien à l’affaire…

La suite est tristement connue : l’Avicca n’a cessé d’alerter sur la lenteur des déploiements en zone AMII. A la bordure de ces périmètres réservés, des dizaines de milliers d’habitants avaient ainsi accès à la fibre via leurs RIP, tandis que sur les communes AMII limitrophes, leurs voisins ne voyaient toujours rien venir… Pour remédier à cette inégalité territoriale incompréhensible à tout non diplômé d’une école de télécoms, plusieurs reports de l’échéance, le dernier en date du 31 décembre 2020 au 14 avril 2021 dans le cadre de cette procédure, avait été accordés afin de laisser plus de temps aux opérateurs, beaucoup de sous-traitants étant mobilisés par les déploiements en zones RIP et leurs calendriers contraignants, garantis par contrat devant les collectivités délégantes. Las, ces délais supplémentaires n’ont pas suffi à rattraper un retard structurel de plus en plus flagrant. Le laxisme dont bénéficiait les opérateurs privés depuis 2010 ayant entraîné des abus de plus en plus insupportables pour les territoires en particulier de la part d'Orange, l’Autorité a finalement mis en demeure Orange en mars 2022 au terme d'une procédure d'instruction lancée contre l'opérateur depuis 2019.

Dans les arguments de l’opérateur historique, remarquons que celui-ci rappelle comme condition « la pérennité du cadre général applicable et à l’absence d’impact substantiellement négatif sur le plan d’affaires d’Orange consécutif à une éventuelle modification de ce cadre général ». Étonnant quand parallèlement, Orange conteste le pouvoir de sanction de l’Arcep autant que cette mise en demeure dans une question prioritaire de constitutionalité (QPC) déposée, début février, devant le Conseil d’État. Si cela, ce n'est pas remettre en cause la pérennité du cadre général applicable....

Base adresses et IPE

Apprécions ensuite les batailles de chiffres fondées sur l’absence de base adresse nationale (!) et le recours aux données logements de l’INSEE (datant de 2013). Ce qui conduit l’opérateur à revendiquer un taux d’avancement des déploiements en zone AMII de « 109,7 % au 1er janvier 2022 »... Les communes concernées apprécieront !

Avec méthode et en s’appuyant sur les données IPE (information préalable enrichie) partagées par les opérateurs et le Régulateur, l’Arcep estime de son côté « justifié et proportionné de mettre en demeure Orange d’assurer que, au plus tard le 30 septembre 2022, 100% des logements ou locaux à usage professionnel des communes ou parties de communes concernées par l’engagement sont rendus raccordables ou raccordables sur demande, avec au plus 8% de ces logements et locaux raccordables sur demande ». Rappelons que pour tenir compte de la croissance de la population, les engagements d'Orange en 2018 évoquaient déjà 13 millions de locaux et non plus 11 millions comme lors de la réponse de l'opérateur historique à l'AMII lancé par l'Etat ! Orange savait donc pertinemment prendre en compte l'accroissement du parc de logements au fil du temps !

Alors, qui a raison ?

Les chiffres bien sûr ! Même s'ils ne sont pas toujours parfaitement exhaustifs, les chiffres IPE ou, à défaut, les statistiques INSEE les plus récentes sont le plus petit commun dénominateur sur lesquels s'appuyer pour évaluer le niveau d'achèvement des déploiements. Et encore, il y aurait beaucoup à dire sur ces chiffres qui minimisent déjà les bases de locaux existants et ceux en construction. Aussi, Orange dit avoir terminé ses déploiements sur sa zone AMII alors qu'au 30/09/2022 :

- 13 millions de locaux sont à rendre raccordables, mais près de 1,8 millions ne le sont pas,

- 51 communes de la zone AMII d'Orange n'ont AUCUN local raccordable,

- près de 10% des communes de la zone AMII d'Orange ont moins d'un local sur 2 de raccordable,

- seules 178 communes peuvent réellement prétendre avoir autant - ou quasiment autant - de locaux raccordables à la fibre que de locaux existants.

Défendre l'indéfendable

A titre d'illustration, lorsque le Conseil départemental de la Corrèze annonce avoir terminé ses déploiements FttH sur la zone d'initiative publique, le Président Pascal Coste précise qu'il reste néanmoins 5 immeubles rassemblant quelques 20 locaux qui ne sont pas encore raccordables, mais qu'il s'en occupe (verbatim du TRIP de 2021 de la table ronde "2021, l'année des RIP FttH"). En revanche, le fait qu'il reste près de 6 000 locaux non raccordables sur leur seule zone AMII de Brive-la-Gaillarde n'empêche nullement Orange de soutenir que ses engagements de déploiements sont également bien respectés en Corrèze comme sur le restant du territoire...