Numérique / Territoires

Câble et collectivités - 10 bonnes raisons de soutenir la diversité Mars 2005

Le câble en France a été le premier réseau à offrir des télévisions locales, des chaînes thématiques, de l'internet à haut débit, une alternative en téléphonie... Il a donc pleinement joué son rôle d'ouverture du jeu et d'émulation.

Cependant, il n'est jamais resté le seul acteur sur ces domaines. Chaque technologie présente ses intérêts et ses acteurs, porteurs de stratégies différentes. L'intérêt de bénéficier du câble, pour une collectivité peut se situer à deux niveaux :

  • bénéficier des caractéristiques propres pour l'accès aux différents services (capacités, couverture territoriale, ergonomie...) et offrir une diversité de choix pour le consommateur/habitant
  • exercer un effet structurel par la concurrence des réseaux, tant qu'il n'existe pas de réseau très haut débit ouvert de bout en bout aux opérateurs.

Chaque technologie a ses propres atouts : la gratuité pour la TNT, la couverture des zones diffuses pour le satellite, un parc installé considérable pour l'adsl (et des acteurs puissants) etc. A part dans le cas de raccordements directs d'usagers en fibre optique, un réseau câblé en HFC (Hybride Fibre Coaxial) a pour lui de pouvoir offrir la plus grande bande passante. A terme c'est un atout considérable, car les usages et les usagers se multiplient, ce qui rend nécessaire de nouvelles augmentations des débits. Les capacités du câble sont très évolutives, atteignant déjà pour internet 30 Mbit/s (et 14 Mbit/s en voie remontante) avec Eurodocsis 2.0. La voie descendante globale, 1,5 Gbit/s, permet aujourd'hui de diffuser à moindre coût la télévision en analogique ; la numérisation progressive des chaînes, avec des coûts techniques en baisse, va dégager de très grandes capacités. Le principal handicap du câble, c'est son coût d'établissement , principalement en génie civil ; il ne faut donc pas s'attendre à une relance immédiate de la construction de prises dans de nouvelles villes. Mais là où il est installé, avec des taux de pénétration et de couverture territoriale conséquents, le câble présente de nombreux intérêts pour une collectivité et ses administrés.

1. Couvrir le territoire pour les services de distribution audiovisuelle

En comparaison avec ses compétiteurs, le câble offre beaucoup plus de chaînes que la TNT, ne défigure pas l'aspect visuel comme le satellite, permet des services collectifs pour les copropriétés et immeubles sociaux contrairement à l'adsl. La TV sur adsl devient, certes, un compétiteur effectif. Le câble doit pouvoir s'en démarquer en matière de prix moins élevés quand il n'y a pas couplage avec internet haut débit (rappelons que les deux tiers des foyers français ne sont pas abonnés à internet et que plus de la moitié n'ont pas d'ordinateur). La TV sur adsl sera disponible globalement dans les mêmes zones (grandes agglomérations), mais ne sera pas accessible partout effectivement (distance trop élevée par rapport au DSLAM).

2. Favoriser la diversité audiovisuelle

La télévision payante est dominée par deux grands blocs : TF1 et M6 alliés dans TPS, Canal+ et Lagardère alliés dans Canal Sat. Cette domination s'exerce dans la distribution (satellite, tv sur adsl, TNT payante), mais aussi par contrecoup dans l'édition même des chaînes. L'intégration verticale n'est évidemment pas un gage de diversité, à court terme puisque le consommateur ne peut pas choisir telle ou telle chaîne, mais un bouquet ou l'autre, et à long terme, puisqu'elle étouffe les chaînes indépendantes. Les cablo-opérateurs sont les seuls à offrir une diversité en donnant accès à toutes les chaînes, en recomposant les bouquets, et en ne défavorisant pas les chaînes indépendantes. Certains opérateurs alternatifs (comme Free ou 9 Telecom) veulent devenir distributeurs indépendants, mais sont encore très soumis aux grands groupes (interdiction de distribuer TF1 et M6, de recomposer des bouquets avec leurs chaînes thématiques etc.).

3. Multiplier les services audiovisuels

La largeur de la bande passante autorise une multiplication de services simultanés : diffusion classique en analogique et numérique permettant de servir plusieurs postes de réception, vidéo à la demande etc. Le tout, sans obérer les capacités affectées à internet.

4. Initier une télévision locale

Le câble présente toujours un intérêt certain pour la télévision locale, si sa couverture territoriale correspond à la zone souhaitée. Sa pénétration dans les collectifs, notamment sociaux, permet de toucher des publics divers. Son coût de diffusion est le plus faible, voire nul (obligation de transport pour les chaînes d'initiative publique). Les fréquences hertziennes analogiques sont rares, et leur attribution dépend du CSA, ce qui non seulement prend du temps, mais rend le processus aléatoire (le CSA peut choisir un acteur national, comme il l'a fait à Montpellier). La diffusion par internet est moins visible, touche une cible plus restreinte, quantitativement et qualitativement, pour des coûts plus élevés : elle est plutôt complémentaire à celle du câble ou de l'hertzien. La diffusion sur la tv par adsl est encore très embryonnaire au niveau pénétration et nécessite de remonter le signal jusqu'à Paris. Les fréquences numériques hertziennes locales ne sont pas disponibles : le multiplex qui leur était attribué est menacé par l'intérêt des grands groupes nationaux, en attente des arbitrages du CSA. Le câble, par sa disponibilité, son coût et sa pénétration, permet le plus facilement d'initier une télévision locale, quitte à chercher des moyens de diffusion complémentaires si nécessaire.

5. Favoriser la diversité de l'accès haut débit

En France, contrairement aux Etats-Unis, le câble n'est pas le principal vecteur du haut débit, pour des raisons qui ne tiennent pas à la technologie. Mais il permet une diversité dans les modes d'accès. Sur l'adsl, en théorie ouvert à tous les opérateurs depuis de nombreuses années, le marché est encore détenu massivement par un seul acteur (par son offre de gros ou de détail), puisque seulement 1,6 million de lignes sur 35 millions sont effectivement dégroupées en décembre 2004 (5% des lignes, 27% des abonnements haut débit). De plus, sur l'adsl, il faut prendre le même offreur d'accès pour l'internet et pour la télévision, ce qui risque de renforcer les positions dominantes. Le dégroupage progresse rapidement en France (d'autant que les chiffres initiaux sont bas), mais sur des bases économiques fragiles, car la forte concurrence laisse des marges étroites, quand elles ne sont pas négatives. Les opérateurs alternatifs dont l'économie est basée sur ce secteur ne sont pas à l'abri de difficultés et de restructurations.

6. Offrir des services internet différenciés

Le câble n'a pas les mêmes caractéristiques que l'adsl : un débit potentiel beaucoup plus important, mais partagé. Les cablo-opérateurs pourront donc offrir des services différents au grand public, laissant le choix au consommateur de l'offre qui lui paraîtra la mieux adaptée.

7. Offrir plus de choix dans la téléphonie

Les offres téléphoniques alternatives existent sur la paire de cuivre, mais une proportion infime de lignes sont totalement dégroupées (moins de 2 sur 1000 en octobre 2004). Le développement de la téléphonie sur IP par le câble offrira au consommateur urbain un choix élargi (prix, qualité de service, offres groupées...) indépendamment de l'opérateur historique privatisé.

8. Favoriser la diversité des réseaux d'accès

Le réseau téléphonique continue son évolution, permettant d'améliorer le service (adsl, adsl 2+, Re-adsl...). Le dégroupage au répartiteur commence à être un succès, mais très partiel, et après des difficultés et des temps de mise en place importantes. Cette situation nécessite une intervention constante du régulateur, toujours contestée par le propriétaire du réseau. Le fait d'avoir une autre infrastructure d'accès alternative, jusqu'à l'abonné, reste donc un facteur structurel qui pousse à une compétition permanente (cela peut être aussi un facteur de sécurisation en cas de pannes importantes).

9. Faciliter aujourd'hui le déploiement d'un réseau de collecte neutre et ouvert aux opérateurs

De nombreuses collectivités investissent dans des réseaux de collecte, reliant les principaux points du territoire, pour les mettre à disposition des opérateurs de services et des utilisateurs de réseaux indépendants. L'utilisation négociée de l'infrastructure des réseaux câblés permet d'en faciliter le déploiement, tant en termes de délai que de coût.

10. Faciliter à l'avenir le déploiement d'un réseau d'accès neutre et ouvert aux opérateurs

On peut s'interroger sur les bienfaits à long terme de la « neutralité technologique », qui laisse au consommateur, donc au court terme, le choix du réseau (câble, paire téléphonique, hertzien...). Cela ne permet pas de cohérence territoriale, ni d'anticipation sur les besoins à venir et les mutations technologiques lourdes. Comment passer à un réseau tout fibre optique, pour les professionnels, puis pour les habitants ? Comment faire pour que ce réseau soit d'emblée ouvert à la diversité des opérateurs ? Quel sera le rôle des collectivités dans cette mutation (surtout pour celles chez qui le câble est un bien de retour d'une délégation de service public) ? En tout cas, le fait d'avoir le câble (génie civil, fourreaux, gaines pénétrant dans les immeubles) ne peut être qu'un atout pour favoriser le déploiement éventuel d'un réseau d'accès neutre et ouvert aux opérateurs.

Communiqué de presse : 2005 : réussir la mutation du câble