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Le Yalta franco-français de l'audiovisuel Septembre 2006

Les principaux acteurs de l'audiovisuel, accompagnés par les pouvoirs publics, ont décidé d'entrer dans une phase de consolidation de l'audiovisuel classique ; par contre le jeu sera plus ouvert sur les nouveaux services de la télévision personnelle.

Les quatre grands opérateurs privés ont décidé de geler leur compétition dans la télévision payante, en fusionnant les distributeurs CanalSat et TPS, prélude à des évolutions concertées des chaînes payantes qu'ils éditent.

Pour les six années à venir, durée des 59 engagements pris par le groupe Canal+, le paysage de la distribution devrait être stabilisé

Les cablo-opérateurs ont obtenu de pouvoir continuer à distribuer les chaînes prises une à une, en les recomposant dans leurs propres bouquets (engagements 30 et 31). Ceci n'avait jamais été possible pour les opérateurs de télécoms pour la tv sur adsl, et cette mesure spécifique continuera à donner un avantage au câble par rapport à l'adsl.

Cependant un des principaux freins à la tv sur adsl va sauter : TF1 et M6 pourront désormais être repris par tout distributeur, comme Free, Neuf ou Orange, dans des conditions qui ne sont toutefois pas définies (engagement 27). De plus, ces distributeurs par adsl auront accès à des chaînes importantes : TP Star (premium), et 6 chaînes thématiques (cinéma, sport et jeunesse).

En résumé, s'il n'y a pas de remise en cause des capacités du câble à être pleinement distributeur, les opérateurs de télécoms via adsl se voient très confortés dans leur rôle de fournisseur d'accès à la télévision et gagnent un peu de marge en tant que distributeurs pour organiser leurs bouquets.

La compétition sera par contre plus ouverte sur les nouveaux services de télévision personnelle, que ce soit la vidéo à la demande ou sur terminaux mobiles. Les engagements pris sur le marché des droits audiovisuels en amont peuvent permettre de ne pas verrouiller l'accès aux films et événements sportifs.

Dans la grande bataille entre les groupes audiovisuels et des opérateurs de télécoms, le gouvernement a choisi de ne pas déstabiliser les premiers, voire de les conforter, tout en ouvrant des perspectives aux seconds.

Cet arbitrage se retrouve également dans le projet de loi sur la télévision du futur. Une forte prime est donnée aux sortants de l'analogique, avec une chaîne de plus à chacun des grands groupes. Mais la phase suivante, avec la récupération des "fréquences en or" est laissée très ouverte, puisqu'il est précisé que ce n'est pas forcément le CSA qui gérera les attributions. Cette ouverture est aussi un pas vers le rapprochement de l'ARCEP et du CSA.

Dans cette bataille entre grands opérateurs d'audiovisuel et de télécoms, les premiers perdants sont les petits et moyens opérateurs : les chaînes thématiques indépendantes, pour lesquelles les engagements du groupe Canal se limitent à un maintien de leur poids actuel, les nouveaux entrants de la TNT, qui vont se retrouver encore plus en concurrence avec les grands groupes, et le câble, dont les marges de croissance en audiovisuel sont compromises.

Ces arbitrages, conjuguéa avec la priorité donnée à l'hertzien avec la TNT, ne vont pas non plus dans le sens des réseaux FTTx. La télévision est aujourd'hui le premer marché existant à adresser, mais en renforçant le poids des grands groupes dans l'audiovisuel classique, gratuit ou payant, la maîtrise de la chaîne de valeur est plutot en leur faveur qu'en celle des fournisseurs d'accès. L'histoire douloureuse du câble en France l'a montré : à quoi bon investir dans la fibre si le contenu est verrouillé ailleurs ?

Par contre l'ensemble du dispositif conserve la prééminence aux groupes d'audiovisuel francais. L'hertzien est attribué régalement, à un nombre limité de chaînes, et est fermé aux groupes étrangers, contrairement aux autres supports.

A l'heure du peer to peer, du podcasting, des vidéoblogs et autres web 2.0, à voir si ce Yalta franco-français ne sera pas une ligne Maginot...