TRIP d'automne 2020 : peut-on vraiment transformer les pratiques éducatives en équipant ? Janvier 2021
Lors de l’atelier sur le numérique pour l’éducation du dernier TRIP, trois collectivités sont venues présenter leurs actions sur le numérique éducatif, notamment leurs interrogations pour accompagner les collèges. Premier volet, les Landes.
Depuis 20 ans, le Conseil départemental des Landes finance tous les moyens matériels et humains pour que l’informatique, les TICE, le numérique puissent accompagner et amplifier les réflexions et les actes pédagogiques des enseignants des collèges landais. Collégiens (principalement les 4ème et 3ème) et enseignants sont ainsi équipés individuellement, une centaine de ressources sont installées, les équipements de visualisation collective dans les classes sont généralisés, les réseaux sont opérationnels, 38 assistants TICE sont présents, soit un dans chaque établissement.
Vingt ans après, les élus ont le sentiment d’avoir mis les moyens matériels et humains pour que cette opération fonctionne. Il ressort de cette longue expérience que :
- l'investissement personnel du chef d’établissement et de l’IA-IPR (inspecteur d'académie - inspecteur pédagogique régional) est impératif pour que les projets numériques fonctionnent,
- le changement des pratiques relève complètement de l’Éducation nationale et il est vain de tenter de les modifier de l’extérieur.
Le Département des Landes avait en effet, au travers de cet investissement conséquent, deux principaux objectifs : l’émergence de nouvelles manières d’enseigner et l’égalité d’accès au numérique des élèves. Afin d'évaluer l'atteinte de ces objectifs, la collectivité départementale a conduit en 2019 une étude.
Le constat sur le premier objectif est le suivant : même sur la durée, s'il y a davantage d'usages, en nombre et en fréquence, il y a peu ou pas de changements de pratiques en classe, et aucune nouvelle pratique ne paraît émerger : " nous savons qu’il y en a, mais elles sont perdues dans la masse. " En classe, l’ordinateur est surtout utilisé pour des applications de vie scolaire, et pour des présentations magistrales ; il y a peu d’usages où l'élève est en situation d'interaction.
Sur 38 collèges, 12 n’ont pas de volet numérique dans leur projets d’établissements, pas de commission numérique ni de lettre de mission pour les RUPN (référents pour les usages pédagogiques du numérique). En conclusion, aucune nouvelle façon d’enseigner n'a été observée. Bruno Devauchelle, consultant en charge de l'étude, emploie le mot «d’auxiliaires» en parlant des matériels et équipements individuels mobiles : ils soutiennent, favorisent et incitent, mais ce n’est pas le matériel qui fait le changement de pratiques. Ce point est désormais très documenté.
Pourtant, on peut encore lire, notamment dans les communications du Ministère, que les projets numériques ont pour objectif d’obtenir un effet de transformation des pratiques d’enseignement des professeurs, mais comme on ne sait pas ce qu’est une nouvelle pratique… Tant que l’Éducation nationale n’aura pas défini ce qu’elle veut faire, les enseignants ne modifieront pas leurs pratiques.
Le second objectif de l’opération, l’égalité d’accès au numérique est atteint et très peu de personnes souhaitent que le modèle des Landes change. La bonne surprise de l’étude est la très forte augmentation de l’utilisation des équipements à la maison pour réaliser les devoirs demandés par le professeur. Faut-il y avoir également un « effet pronote » ?
Par ailleurs, 12% des parents d’élèves utilisent l’équipement informatique prêté par le Département, essentiellement pour suivre la scolarité de leur enfant, mais aussi pour leurs démarches administratives. Parmi eux, on retrouve 22% des parents-d’élèves classés dans la CSP employés et 19% de ceux classés dans la CSP ouvriers.
Rappelons enfin que cette étude a été menée avant la crise sanitaire, que l'on sait avoir considérablement amplifié les usages des terminaux numériques.