Numérique / Territoires

Concertation avec les opérateurs pour le FTTH : dialogue de sourds ? Septembre 2011

Depuis fin avril 2011, les collectivités connaissent les communes où des opérateurs ont manifesté leurs intentions d'investissements privés, via l'appel lancé dans le cadre du Programme national Très haut débit.

Les collectivités cherchent à obtenir des précisions sur ces déploiements. Est-il possible de prendre en compte certaines priorités des territoires ? Ces déclarations sont-elles crédibles ? Faut-il lancer des réseaux d'initiative publique pour compléter, accélérer ces déploiements, pour éviter les trous de couverture ? Est-il possible de transformer ces "intentions" en "engagements" ?

Afin de savoir comment se déroulait le dialogue avec les opérateurs, l'AVICCA a réuni 39 collectivités de toute la France dans deux groupes de travail. Des rencontres locales collectivités/opérateurs sont programmées dans les semaines qui viennent, mais il est déjà possible de dresser un constat plutôt alarmant des démarches engagées.

La première difficulté est de parler dans des termes qui ne soient pas complètement biaisés. En particulier France Télécom appelle "logements couverts" des habitations où le réseau n'est qu'amorcé. Il est fait état d'un déploiement jusqu'à des "points d'aboutement" correspondant à seulement un quart du coût du réseau. Le logement est "couvert", mais il n'est même pas raccordable ! L'opérateur voudrait déployer très vite des embryons de réseau un peu partout pour geler les initiatives publiques, ou celle de ses concurrents, qu'il ne ferait pas autrement.

Le deuxième constat, c'est qu'il n'est pas possible de faire prendre en compte les priorités des territoires. C'est en particulier le cas des zones où l'ADSL est insuffisant, n'offrant pas de triple play, ni même parfois du simple 2 Mbits/s. Les élus sont déjà aujourd'hui sous pression, et répondre à la population ou aux TPE qu'un réseau en fibre optique devrait venir se déployer "à partir de 2015" n'est pas envisageable. Or aucun opérateur, à ce jour, n'a accepté d'inverser ses priorités de déploiement. Pourtant, il ne fait guère de doute que les clients migreraient rapidement vers le nouveau réseau ! Les opérateurs préfèrent-ils les 11% de pénétration qu'ils ont sur le FTTH ? Ou bien ont-ils déclaré des intentions d'investissements sur des zones sur lesquels ils n'ont, en fait, que l'ambition de geler les initiatives publiques afin de maintenir leurs parts de marché sur le réseau cuivre ? La réponse n'est pas claire, mais le problème si.

Troisième constat : il y aura des exceptions à la couverture, mais elles ne sont pas définies. L'ARCEP, dans sa recommandation de juin, entérinait le fait que les coûts, même en zone très dense, varient d'un facteur dix suivant les immeubles. Qui va décider qu'un immeuble, un quartier sont trop chers pour être fibrés ? Sur quelles bases vérifiables ? Et qui va payer, in fine ? Si les zones sont "rentables" en tendant la sébile ensuite aux collectivités après n'avoir fibré que les immeubles intéressants, il y a du souci à se faire pour les élus.

Dernier constat, sans surprise : il n'est pas possible, actuellement, de transformer une déclaration d'intention en véritable engagement, vérifiable, et passible d'une sanction en cas de non réalisation. Il semble que le mécanisme initialement prévu d'un concours entre opérateurs, pour obtenir un label, avec un retrait des aides de l'Etat (volet A) en cas de non respect soit abandonné. En ce sens, il serait préférable de parler de "promesse" : c'est bien connu, une promesse n'engage que celui qui y croit.

Va-t-on assister à un dialogue de sourds, paralysant l'action vigoureuse qui est nécessaire pour passer au Très haut débit ? Les malentendants ont au moins la langue des signes pour se comprendre ; pour l'aménagement numérique, on ne parle pas un même langage aujourd'hui.