Numérique / Territoires

L'arrêté sur les immeubles neufs : pas encore publié, déjà obsolète Septembre 2011

Le Comité consultatif d'élaboration des normes, qui regroupe des représentants des collectivités, est saisi pour avis du projet d'arrêté concernant le fibrage des immeubles neufs.

Ce projet prévoit d'imposer une installation en quadri-fibres, pour les immeubles de plus de douze logements situés dans les zones très denses, en précisant qu'il s'agit du "modèle économique retenu par l'ARCEP" pour "permettre le développement de l'économie numérique".

Hélas, ce modèle est de moins en moins suivi par les opérateurs. En pratique aujourd'hui, un seul opérateur demande la pose d'une fibre dédiée (Free), les autres opérateurs demandant une fibre qu'ils mutualisent entre eux. Autrement dit, 2 fibres suffisent au total. Actuellement, les immeubles fibrés par Free et France Telecom comportent 4 fibres, et ceux fibrés par SFR seulement 2 fibres. Suite au règlement de différend opéré par l'ARCEP entre Free et France Télécom cet été, il est fort possible que France Telecom passe l'an prochain à la pose de seulement 2 fibres. En effet, ne pouvant faire supporter trop de surcoûts à Free suite à cette décision, France Télécom a moins de raison de poser 4 fibres. Et Free devrait sans doute faire de même, si, comme aujourd'hui, aucun autre opérateur ne demande une fibre dédiée. Résultat, l'arrêté imposera 4 fibres quand les opérateurs n'en poseront que 2.

Juste pour le plaisir, notons que la décision de l'ARCEP concerne les immeubles "d'au moins douze logements", et que l'arrêté impose le quadri-fibre à ceux de "plus de douze logements". Il vaut mieux éviter de faire un immeuble de juste douze logements, soumis à une réglementation multi-fibres par l'ARCEP mais pas par l'arrêté...

Mais ce n'est pas tout ! Cette obligation de l'arrêté ne concerne que les immeubles de 12 logements et plus. Or la réglementation de la zone très dense distingue trois catégories d'immeubles :

  • ceux situés dans les IRIS (ilots de l'INSEE) de basse densité seront de fait en mono-fibre depuis un point de mutualisation par poches d'au moins 300 logements, qu'ils fassent plus ou moins de 12 logements ;
  • ceux situés dans les IRIS de haute densité, et qui regroupent 12 logements et plus (cas traité ci-dessus) ;
  • ceux situés dans les IRIS de haute densité, et qui regroupent moins de 12 logements.

Pour ces derniers, l'arrêté n'impose donc pas le quadri-fibres. Or, manque de chance, c'est la seule solution qui permettra de les raccorder sans multiplier les armoires de rues, bornes et coffrets. En effet, pour ces immeubles, le point de mutualisation doit se situer à l'extérieur du logement. La seule solution compatible avec les exigences d'urbanisme dans ces zones (et la plus économique en maintenance pour les opérateurs), est de placer ces points de mutualisation dans des chambres existantes. Mais on ne peut facilement y faire de brassage. Il faut donc souder les fibres des différents réseaux qui arrivent en amont... ce qui suppose d'avoir du quadri-fibres en aval.

En résumé, le projet d'arrêté veut imposer du quadri-fibres là où les opérateurs vont sans doute en mettre deux, ou une, et du mono-fibre là où il faudrait en mettre 4.

Dans quelles conditions seront testées ces fibres ? Comment seront-elles repérées pour pouvoir les gérer tout au long de leur vie ? Les opérateurs discutent de ces questions entre eux d'un côté, le ministère publie un arrêté de l'autre. Au final, le surcoût réel du fibrage, qui va peser sur les immeubles sociaux ou privés, risque d'être inutile.

On retiendra que dans un monde régi par la concurrence par les infrastructures, il est difficile d'établir une norme correspondant à l'intérêt général. Pour mémoire, ce fibrage aurait du être obligatoire depuis... le 1er janvier 2010 ! Il faudrait peut-être arrêter ce projet d'arrêté... ou imposer plus de rationalité aux opérateurs.

On a souvent dit qu'il n'y avait "pas de pilote dans l'avion". Il semble qu'il n'y ait pas plus de co-pilote ou d'assistance au sol...