Numérique / Territoires

Propriété des infrastructures télécoms : la justice tranche une nouvelle fois en faveur des collectivités Mars 2024

C’était un jugement attendu par nombre de collectivités revendiquant la pleine propriété des infrastructures télécoms qu’elles ont financées y compris avant 1997. Le 13 février 2024, le tribunal administratif (TA) de Toulouse a statué sur la demande de l’opérateur historique demandant l’annulation des titres de recettes émis par la Métropole de Toulouse pour l’occupation d’infrastructures passives antérieures à 1997 dans différentes ZAC.

Une demande qui n’est pas nouvelle

C’est en 1998 que la Ville de Toulouse délibère pour la première fois pour facturer la location de ces fourreaux. C’est à cette même date que Toulouse et le District (l’entité de préfiguration de la future Métropole) décident de déployer les premiers câbles optiques (à l’époque du L1511-6, il n’est pas encore question d’activation) et donc de sécuriser la pleine propriété des infrastructures télécoms qui sont déployées sur l’ensemble du territoire.

Une demande qui dès l’origine déplaît à France Télécom

La politique numérique de Toulouse est alors rapidement contestée par l’opérateur historique, pas encore devenu Orange. Dès 2006, la justice donne une première fois raison à Toulouse et oblige l’opérateur à payer la location des fourreaux indépendamment de leur date de construction ; pas de limite liée à l'année 1997.

Les nombreuses tentatives de négociations amiables avec France Télécom puis Orange ayant échoué, la Métropole finit par émettre l’ensemble des titres de recette de location de fourreaux sur les ZAC qu’elle a aménagé avant 1997, titres qu’Orange avait immédiatement contesté devant le TA.

Une décision du TA de Toulouse qui fera presque date

Dans ses 3 jugements, le tribunal administratif de Toulouse écarte deux arguments d’Orange que les collectivités entendent souvent :

  • les collectivités sont propriétaires des infrastructures dès leur réalisation sous maitrise d’ouvrage publique : « L’article L. 332-15 du code de l’urbanisme n’a ni pour objet ni pour effet de transférer aux bénéficiaires de l’autorisation d’urbanisme ni même à l’association syndicale locale des acquéreurs des lots des lotissements en cause la propriété des équipements, tels que des infrastructures de génie civil pour le passage de réseaux de télécommunications, dont les collectivités territoriales ou établissements publics sont propriétaires dès leur réalisation sous maîtrise d’ouvrage publique. »
  • le monopole d’avant 1997 n’apporte ni ne change rien au régime de propriété public « L’existence d’un monopole légal à l’époque où ont été réalisés les équipements en cause et la circonstance que les collectivités territoriales concernées n’étaient pas compétentes pour créer ces équipements ne sont pas, en elles-mêmes, de nature à fonder la propriété de la société Orange sur lesdits équipements. »


Cependant, le tribunal administratif de Toulouse ne va pas aussi loin qu’attendu, puisqu’il a rejeté une partie des demandes de la Métropole au motif qu’elle n’apportait pas la preuve d’un titre de propriété sur ces ouvrages. Cette appréciation peut sembler étonnante à l’aune du jugement de la Cour d’appel de Marseille qui a confirmé la position de la Ville d’Aix-en-Provence, à savoir que c’était à l’opérateur de prouver qu’il était propriétaire des infrastructures sises en domaine public, ce qui semble logique.

Au fond la forme

Dernier enseignement de ce jugement pour les collectivités : respectez-bien la forme dans l’émission de vos titres de recettes. Le TA de Toulouse a en effet suspendu certains titres exécutoires en raison d’un manque de précisions de la Métropole sur la créance demandée, sans pour autant remettre en question la propriété publique des infrastructures visées.


In fine, la position de la Métropole de Toulouse est à nouveau confirmée par ce jugement qui permet à la collectivité de percevoir près de 7 millions d’Euros de recettes immédiatement, et un peu plus encore lorsque les titres suspendus pour des raisons de forme auront été à nouveau émis selon les attendus du juge administratif. La propriété publique des fourreaux est certes, hélas, un combat, mais un combat gagnant ! Qui lancera la prochaine bataille ?