Numérique / Territoires

La concurrence par les infrastructures au royaume de Kafka Avril 2011

L'ARCEP vient de publier son projet de recommandation "relative aux modalités de l’accès aux lignes à très haut débit en fibre optique pour certains immeubles des zones très denses, notamment ceux de moins de douze logements" (sic).

En dix neuf pages, ce document tente de donner la règle "recommandée" pour fibrer les immeubles de moins de douze logements, les immeubles professionnels, et les immeubles de douze logements et plus dans les poches de faibles densité des zones qualifiées par l'ARCEP de "très denses".

Le découpage INSEE en IRIS servirait de première base pour discriminer ces zones. En simplifiant à l'extrême, les quartiers les moins denses auraient une règle voisine de celle de la zone moins dense définie en décembre 2010, mais avec moins de contraintes (points de mutualisation de 300 lignes en monofibre, mais sans offre de raccordement distant). Et les petits immeubles des poches denses seraient plutôt raccordés en multifibres depuis un point de mutualisation situé quelque part à l'extérieur de l'immeuble.

Dans la pratique ces points de mutualisation de petits immeubles dans les IRIS denses vont poser de gros problèmes aux collectivités ou aux opérateurs. Plusieurs réseaux sont censés y arriver en amont, et il pourrait être nécessaire d'y brasser les lignes en fonction de l'opérateur que choisira le client. Les solutions de pose en borne ou sur façade posent des questions esthétiques et pratiques. La pose en chambre soulève des questions de maintenance et de disponibilité. La pose en armoire signifie une floraison d'édicules sur le domaine public, avec tout ce que cela entraîne comme risques de dégradations, problèmes esthétiques, encombrement des trottoirs au détriment de la circulation piétonne, etc. Bref, toutes les solutions sont mauvaises !

La recommandation définit la règle, mais précise aussi qu'elle peut avoir des exceptions (déploiement en aérien, zones frontières entre deux IRIS qui passeraient par le milieu d'une rue...). Par exemple, "il semble efficace et opportun que l’ingénierie des immeubles de plus de 12 logements de la poche de basse densité situés à proximité immédiate de la frontière avec un IRIS de haute densité soit homogène avec celle des immeubles de plus de 12 logements de cet IRIS de haute densité frontalier."

Ce texte illustre parfaitement la remarque de Yves Rome, Président de l'AVICCA, le 5 avril : "La France est aujourd’hui dans les leaders mondiaux. Pas en termes de constructions de prises. (...) Mais nous sommes leader dans un domaine particulièrement pointu du FTTH. Quel pays au monde peut se vanter d’avoir une réglementation aussi avancée que la nôtre sur la concurrence par les infrastructures des immeubles de plus de douze logements dans les IRIS peu denses des communes de zones très denses ?"

L'objectif de l'ARCEP, dans la limite des pouvoirs qui lui sont dévolus, est de trouver un "juste équilibre" entre concurrence par les infrastructures et mutualisation. Trop de mutualisation risquerait de limiter l'intérêt des opérateurs à déployer, selon cette conception. Mais l'extrême complexité du système le rend peu lisible, et probablement coûteux en déploiement et en exploitation, sans parler des trous de couverture qu'il laissera.