Numérique / Territoires

Nouvelles mesures pour le passage à la TNT : les zones d'ombres du dispositif Octobre 2009

Le Premier ministre a annoncé le 21 octobre un renforcement du dispositif d'accompagnement du passage à la TNT, sur plusieurs points. L'Avicca avait alerté à plusieurs reprises sur les conditions de ce passage, les risques d'écrans noirs et de charges accrues pour les collectivités.

Si les orientations sont claires, les zones d'ombres du dispositif sont encore nombreuses et nécessiteraient une concertation.

Extension de la couverture, comment ?

Le CSA avait amélioré le dispositif, qui prévoit une obligation légale de couverture nationale de 95%, en précisant qu'il fallait aussi atteindre un minimum départemental de 91%. Sur cette base, le CSA est arrivé à 1626 sites (pour les chaînes historiques en analogique), alors qu'il en faudrait moins si seul le seuil national était retenu.

Cette décision du CSA est donc contestée devant le Conseil d'Etat par deux éditeurs de chaîne, qui veulent diminuer leurs charges de diffusion. L'Avicca a suggéré un amendement, adopté en première lecture de la proposition de loi contre la fracture numérique, pour donner une base légale à la décision du CSA. Le Premier ministre indique que la poursuite de la discussion sur ce texte à l'Assemblée "devra être l'occasion de conforter la décision du CSA".

Le communiqué indique également que le texte "devra permettre au CSA d'imposer les caractéristiques techniques qui permettront, à partir de ces 1626 sites, de porter la couverture TNT par voie hertzienne terrestre nettement au delà de 95% de la population".

On peut tout d'abord noter qu'il n'y a pas de décision de changer ni les seuils nationaux, ni le seuil départemental, ni par conséquent le nombre de sites. Si une nouvelle planification avait dû être engagée, c'est le délai d'extinction définitive, fin 2011, qui aurait été difficile à atteindre, vu la complexité de ces travaux. Par contre il s'agit de pouvoir réparer une autre faiblesse réglementaire. Au moment de l'extinction de l'analogique, il sera possible d'augmenter la puissance et d'améliorer les gabarits pour les sites en place. Mais les éditeurs de chaînes rechignaient visiblement à ré-investir pour améliorer leur zone de réception. Ils ne craignent pas de perdre des spectateurs : ceux-ci ne resteront pas longtemps avec un écran noir. Qu'ils passent au satellite, à l'adsl ou au câble, peu importe... du moment que ça ne coûte pas à la chaîne. La nouvelle disposition permettra d'utiliser au mieux les sites prévus et de faire respecter les couvertures planifiées par le CSA.

Extension de la couverture, combien ?

Alors, quelle sera donc la couverture "nettement au delà de 95%" ?

D'abord personne ne le sait ! En effet, les modèles de propagation de la TNT ne sont pas suffisamment connus ; il faudra des retours d'expérience, fonction des terrains (relief, végétation, caractéristiques des immeubles...) pour caler les calculs théoriques. Dans des cartes envoyées à une collectivité par le CSA, le nombre de foyers en "zone d'ombres" variait du simple au double en changeant un seul paramètre... De plus, les négociations aux frontières se poursuivent, et on y verra plus clair quand l'analogique sera éteint.

En général les émetteurs en numérique sont calés sur des puissances nettement inférieures à l'analogique, mais assurant une couverture équivalente, grâce à la robustesse du signal numérique. Le CSA envisagerait de doubler les puissances prévues, ce qui diminuerait les zones blanches, dans une proportion non connue.

Ensuite, il y a un soucis de communication. Rien n'empêcherait d'annoncer 96 ou 97%, puisque ce chiffre est totalement incontrôlable... Mais toute annonce qui ne ferait pas du 100% risquerait d'être contestée, car 1% cela fait toujours 600 000 personnes ; avec un raccourci entre "non réception de la TNT terrestre" et "écran noir", il y a de quoi faire peur. Enfin, le passage au satellite permet une offre de services au moins équivalente ; si le dispositif d'aide individuelle est conséquent, il n'y a pas lieu de s'acharner sur la diffusion hertzienne terrestre.

Amélioration du dispositif d'aide en zones d'ombres TNT

En juillet dernier, pour donner des gages aux sénateurs au moment de la discussion de la proposition de loi, il avait été annoncé une première extension du dispositif d'aide, en faisant sauter la nécessité pour un ménage d'être exonéré de redevances pour en bénéficier. Cependant aucune précision n'avait été donnée par la suite sur les conditions de ressources, ni sur le montant de l'aide.

Un pas de plus est franchi cette fois, en indiquant que l'aide sera étendue "à l'intégralité des foyers situés dans les zones d'ombres de la TNT terrestre". Mais quelle est l'ampleur de ce pas ? Le mystère reste entier car aucun barème n'est publié. On peut imaginer que l'aide sera plus importante pour les foyers modestes que pour les autres, mais sera-t-elle suffisante ? Passer au satellite coût de 260 à 400 euros, et dépend du nombre de postes de réception.

Accompagnement des collectivités, des conseils ou des sous ?

Il est prévu de mettre "à l'étude dans les plus brefs délais" une "disposition permettant d'accompagner les collectivités territoriales qui, pour des raisons spécifiques, privilégieraient la numérisation de certains émetteurs à leurs frais". S'agit-il d'un accompagnement technique et opérationnel ? D'une aide financière ? Si oui sur quels critères de "spécificités" (zones de montagne...) ?

Aujourd'hui une mairie ou un département qui s'inquiète légitimement pour sa population est confrontée à l'absence de cartographie des zones d'ombres. Comment prendre les mesures les plus efficaces et pérennes dans l'urgence ? On ne connaît pas non plus les barèmes d'aide individuelle. Comment arbitrer entre une solution collective par la TNT et des aides individuelles ? Toutes ces questions sont liées, et les réponses sont dans les mains du CSA pour la couverture territoriale et du gouvernement pour les aides.